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Liége, du 6 juillet 1836 (1) décide que les parts ainsi acquises constituent un acquêt de communauté, de sorte que l'époux ne retient, comme propre, que. la part lui appartenant originairement; telle est également l'opinion de Voet (2).

Nous pensons que la doctrine contraire est plus conforme aux principes et doit être adoptée de préférence. En effet, la coutume de Namur étant muette à cet égard, ce sont les principes du droit romain qui doivent servir à résoudre la question.

Or, la législation romaine consacrait les principes de l'art. 1408 du code. C'est ce que démontre parfaitement Cochin (3) en ces termes :

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« Le mari, dans la licitation, ne fait et ne peut faire » que ce qu'il ferait dans un partage. Or, dans un partage, il n'acquerrait pas pour lui, quoiqu'il fût con>> venu que l'immeuble entier demeurerait au mari ou » à sa femme, moyennant une somme de deniers payable aux cohéritiers de la femme, ou même que » le mari seul fût nommé, parceque c'est toujours le partage de la femme et de ses cohéritiers. Il doit donc en être de même dans une licitation poursuivie entre la femme et ses cohéritiers.

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» Nous en avons une décision bien expresse dans la » loi 78 dig. de jure dotium, où il est dit, que si un >> fonds commun a été apporté en dot par la femme, et » que sur la licitation poursuivie par les autres copropriétaires l'adjudication soit faite au mari, le tout >> devra être restitué à la femme après la dissolution du

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(1) Arrêts de cette cour, t. 15, pag. 339, 340 et 344.

(2) Ad tit. dig. de pactis dotalibus, no 37. Responsa jurisc. holland, part. 2, cons. 326, circa finem, pag. 657.

(3) Procès 128, tom. 5, pag. 232.

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Quod si marito fundus fuerit adjudicatus, pars utique data in dotem dotalis manebit; divortio autem >> facto, sequetur restitutionem propter quam ad ma>> ritum provenit altera portio; scilicet ut recipiat tan» tum pretii nomine à muliere, quantum dedit ex con>> demnatione socio; nec audiri debet eam æquitatem >> recusans, aut mulier in suscipienda parte altera quo» que, aut vir in restituenda.

>> On peut dire que cette loi renferme la véritable » espèce de notre cause. C'est au mari que l'adjudication >> avait été faite; cependant après la dissolution du » mariage, il faut qu'il rende non-seulement la part >> que sa femme avait originairement, mais encore celle » qui est accrue par la licitation. C'est une équité sou» veraine qui l'exige, parce que d'un côté la femme >> doit naturellement désirer réunir toutes les portions » d'un héritage dont elle avait déjà une part, et que de » l'autre, le mari n'ayant jamais eu pour objet d'acquérir pour lui une part qu'il faudrait posséder en >> commun avec les héritiers de sa femme, il ne serait » pas juste de les laisser de part et d'autre dans une pareille société. Il ne pourrait donc y avoir que » mauvaise humeur, ou de la part de la femme qui re>> fuserait la réunion du tout, ou de la part du mari qui >> voudrait l'empêcher : non audiri debet alteruter eam » æquitatem recusans. »

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Vainement dirait-on que le droit romain n'admettait pas la communauté légale, qu'en conséquence les principes de cette législation ne peuvent exercer aucune influence sur les règles du statut namurois en cette matière; car si, sous le régime dotal, la portion d'un héritage dont la femme était copropriétaire, était, quoique acquise par le mari seul, considérée comme

dotale et adjugée à l'épouse par l'unique motif que déjà elle avait une part dans l'immeuble, à plus forte raison ce principe est-il applicable au régime de la communauté, puisque en ce cas l'époux déjà intéressé dans l'acquisition doit vouloir plus fortement réunir toutes les parts, et il est encore plus naturel qu'en ce cas l'acquisition se fasse dans son intérêt exclusif.

D'ailleurs cette acquisition a pour objet de faire cesser l'indivision entre l'un des époux et ses cohéritiers. Or, le but du contrat serait complétement manqué, si l'acte avait pour effet de replacer de nouveau l'époux en état d'indivision avec son conjoint.

Une raison péremptoire qui appuie encore ce système, c'est que l'art. 1408 du code civil est fondé sur ce que tout acte qui fait cesser l'indivision, entre cohéritiers ou quelques-uns d'entre eux, est considéré comme déclaratif de propriété (1); or, le même principe était reçu sous l'ancienne jurisprudence (2).

Une acquisition de la nature de celle en question était donc, même sous l'ancien droit, considérée comme un veritable partage, et l'on conçoit dès-lors pourquoi elle devait rester propre à l'époux déjà copropriétaire par indivis de l'immeuble.

(1) Dalloz vo mariage (contrat de) chap. I, sect. 1, art. 1er, § 1, tome 19, page 408.

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(2) Drosmel, quest. 8. Coloma tome 1er, page 373. Jurisp. de la cour de Bruxelles, tome 2 de 1817, page 87. Arrêt de la cour de Liége du 17 frimaire, an XI (arrêts notables de cette cour, tome 7, page 715). Wynants sur Legrand, no 470. Arrêt de cass. du 5 août 1841 (J. 19e siècle 1841, 1re partie, page 475). Rolland de Villargues Licitation, nos 10 et suivants. Duvergier traité de la vente, tome 2, no 147. Nouveau répertoire de jurisp., au mot partage, § 11. - Mornac, sur le titre dig. familiæ erciscundæ. Waymel du parc 59e consult. - Bretonnier sur Henrys, tome 2, liv. 4. quest. 59.-Lebrun, traité de successions liv. 4, chap. 1er, no 51.

D'ailleurs, la coutume de Namur, à défaut de disposition contraire, a évidemment adopté le régime de la communauté tel qu'il était généralement établi en France et dans les provinces Belgiques. Or, le droit commun en cette matière considérait toute acquisition de portions indivises d'un immeuble, dans la propriété duquel l'un des époux avait déjà une quotité, comme propre à ce dernier, parce que pareil acte, faisant cesser l'indivision, était un véritable partage, et que d'ailleurs d'après la nature même des choses et la volonté des parties sainement appréciée, le contrat d'acquisition devait nécessairement avoir pour but de réunir toutes les parts sur la même tête (1).

C'est du reste en ce sens qu'a jugé la cour de Bruxelles par arrêt du 12 juin 1817 (2), et cette jurisprudence est également celle du pays de Namur, comme l'a décidé en diverses circonstances le tribunal de cette ville (3).

La cour de Liége, dans l'arrêt de 1836, n'a admis l'opinion contraire que d'après les principes particuliers à la coutume de Liége, dans l'hypothèse spéciale d'un mariage entre un liégeois et une étrangère. Elle a penser qu'adjuger l'immeuble entier à l'époux déjà copropriétaire par indivis, sans qu'il dût payer à l'autre une indemnité ou récompense, c'était blesser le principe de l'égalité et de la réciprocité que les héritiers invoquaient pour base de leurs droits. C'est donc là une décision rélative à un cas extraordinaire, qui n'a pu s'appliquer qu'à l'hypothèse particulière soumise à la

(1) Pothier, traité de la communauté, nos 145 et suivants.

(2) Jurisp. de Bruxelles, 1817, vol. 2, page 81.

Jugement Jugement rendu

(3) Jugement du 2 avril 1829, en cause de Marin contre Marin. rendu en juin 1858, en cause d'Anethan contre De Mesnil. en décembre 1846, en cause de Denis contre Robson.

cour et fondée sur un système d'égalité et de réciprocité, ayant pour base l'extranéité de l'un des époux.

Il est, du reste, certain que la question de savoir si les coutumes anciennes accordaient une récompense à la communauté ou à l'époux survivant, ne peut influer en rien sur la proprieté des portions de l'immeuble acquises pendant le mariage. C'est ainsi que si l'un des époux recueillait des immeubles, dans un partage de famille, moyennant soulte, il les retenait certainement comme propres, alors même qu'à la dissolution du lit il ne dut rien à la communauté à raison de la soulte.

D'ailleurs, si la récompense n'est pas due d'après nos anciens principes, c'est uniquement à raison des gains de survie, conférés par le contrat de mariage tacite, et consistant notamment dans la propriété du mobilier adjugée au survivant celui-ci trouve en conséquence l'indemnité dans les meubles qu'il recueille à charge de payer les dettes, c'est donc là une cause étrangère à l'acquisition et par conséquent elle ne saurait exercer une influence sur le sort de celle-ci. Nous examinerons. du reste, ultérieurement ce point de droit relativement à la coutume de Namur, et nous verrons qu'en cas de dissolution de mariage avec enfant, l'indemnité ou la récompense se prélève effectivement sur le mobilier.

L'opinion que nous avons émise, relativement à la jurisprudence namuroise sur l'acquisition de portions indivises, est encore confirmée par l'autorité de M. Michaux dont nous avons cité la consultation au paragraphe précédent. Ce jurisconsulte, en cas d'acquisition de biens de famille, admet même le retrait lignager de la part de l'un des époux ou de ses héritiers contre son conjoint ou ses représentants. Or, si tel est le principe admis sous le statut namurois et fondé sur

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