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décident dans les tribunaux français, mais dont le principe de décision doit, à raison des circonstances, être puisé dans le texte des lois étrangères,

Hors ce cas particulier, ce sont les règles générales du droit étranger et les bases sur lesquelles elles portent, qu'on étudie, plutôt que les décisions spéciales sur des points de fait.

Mais pour être en état de faire, selon que la néces‐ sité ou l'occasion se présente, ces différentes études, il faut avoir des notions générales sur la composition du droit des peuples étrangers, de ceux surtout qui se sont rendus célèbres par leurs principes d'équité ou par la sagesse de leurs formes dans l'administration de la justice. Cette connaissance, en grande partie bibliographique, s'acquiert plus facilement par l'inspection d'un catalogue de livres choisis que par un discours. Je vous rapporterais ici le titre des codes qui forment la base du droit en Angleterre, en Espagne, en Italie, etc.; je vous nommerais leurs jurisconsultes; je vous indiquerais leurs principaux ouvrages, que vous n tendriez pas plus que quand vous aurez lu' un catalogue avec quelques notes; seulement un discours suivi aurait plus de prolixité, et il vous serait moins facile d'y retrouver, au besoin, les livres que je vous aurais indiqués. Renvoyons donc tout ce que j'aurais à vous indiquer à cet égard, au catalogue que je vous ai promis dans ma seconde lettre. Je serai exact à tenir ma parole.

n'en

Puis-je me flatter, monsieur, d'avoir rempli vos vues, et d'avoir indiqué à M. votre fils le chemin qui pourra le conduire à son but? Je suis bien éloigué de croire qu'il n'y ait aucune autre route que celle que j'ai tracée, ni qu'il soit impossible de rien réformer

ou ajouter à ce que j'ai dit. Je lui ai montré la voie qui me paraît la plus sûre, celle que je prendrais moi-même, si j'avais à recommencer le cours de mes études. Vous trouverez peut-être, monsieur, mon plan un peu étendu je conviens qu'il ne faut guère moins de dix années pour le remplir; mais cet espace de temps ne vous effrayera pas, si vous voulez faire attention que, parmi les Avocats aujourd'hui les plus employés, il n'y en a presque pas un qui ait commencé à être connu avant d'avoir passé dix années au palais. Le public est trop persuadé que la science et la prudence ne sauraient être que le fruit du temps et du travail, Les degrés que l'on a pris dans une université, le serment d'Avocat auquel on a été admis, ne suffisent point pour déterminer sa confiance. L'étude à laquelle on se livre, n'empêche pas d'ailleurs que l'on ne se charge de quelques affaires, lorsqu'il s'en présente. Leur examen distrait de l'ennui que cause à la longue un travail dont les fruits ne se produisent point au dehors la manière dont on les traite, accoutume à faire l'application juste des principes; et le succès qu'on peut y obtenir, forme, peu à peu la réputation. L'ardeur pour l'étude croît alors; l'honneur, la considération dont on commence à jouir, inspirent une nouvelle passion pour parvenir au rang des Avocats qui nous ont devancés. Il suffit de jeter les yeux vers ce terme, pour ne plus apercevoir ni la longueur ni les dégoûts, ni les ennuis du chemin que l'on doit parcourir,

J'ai l'honneur d'être, etc.

SIXIÈME LETTRE.

A M.*** AVOCAT AU PArlement.

Sur la manière d'exercer les différentes parties de la Profession d'Avocat, et en particulier sur les citations.

LA

A lettre dont vous m'avez honoré, monsieur et cher confrère, m'annonce tout ce que le public est en droit d'attendre de vous. Vous me parlez des lois, non seule ment en homme instruit, mais en homme passionné : il est impossible de ne pas réussir dans une profession qué l'on embrasse avec tant d'ardeur. Un seul mot de votre lettre m'a fait de la peine; c'est l'endroit où vous me demandez des avis: il vous appartient, à vous, d'en donner aux autres. Je n'ai écrit que trop, lorsqu'il s'est agi de vous engager à embrasser la profession d'Avocat. Vous voulez que je vous dise de quelle, manière il faut traiter les différentes parties qui dépendent de notre profession en vérité, c'est pure habitude, de me demander encore des conseils; vous n'en avez nul besoin. Le travail d'un Avocat peut être distingué en plusieurs parties: c'est ou un plaidoyer, ou un mémoire, ou une consultation, ou des écritures, ou un arbitrage. Chacun de ces genres se rapproche sous certains rapports; il s'éloigne sous d'autres; et tous se différencient à raison des objets qui sont à traiter, aussi bien qu'à raison de la forme: elle ne saurait être la même dans un plaidoyer et dans une consultation.

Le plaidoyer est un discours prononcé à l'audience pour le soutien d'une cause; quelquefois il est suivi d'une réplique, c'est-à-dire, d'un second discours destiné à combattre les moyens de l'adversaire. Le plaidoyer de celui qui n'attaque point', mais qui se défend, et qui par cette raison ne parle qu'après son adversaire, doit ordinairement contenir les deux parties, le plaidoyer proprement dit et la réplique, dans un seul et même discours.

L'ame de tout plaidoyer est l'éloquence, mais, surtout, cette éloquence solide qui consiste plus dans la force du raisonnement, que dans les fleurs de l'élocution. Ses qualités essentielles sont la clarté et la concision. Rien ne saurait suppléer au défaut de clarté. Il n'est pas possible qu'un auditeur, qui hésite sur le sens des mots qu'il a entendus, revienne sur ses pas, et écoute une seconde fois ce qu'une prononciation rapide a promptement entraîné. L'impression doit se faire sur l'esprit du juge, à l'instant où la parole sort de la bouche de l'Avocat autrement, ce qu'il a dit est perdu; et, loin de servir à la cause, il peut lui nuire.

La concision n'est pas moins importante. Comparez, mon cher confrère, votre état lorsque vous lisez, avec çe même état lorsque vous entendez parler. Quand vous lisez, vous êtes en même temps le juge et le maître de votre attention. Elle commence à se fatiguer, vous fermez le livre, que vous reprendrez dans un moment plus favorable pareillement si, dans le cours de votre lecture, il se rencontre un endroit qui vous semble ou diffus, ou prolixe, vous le parcourez rapidement, et vous allez plus loin à l'objet qui vous intéresse, Rien de ceci n'a lieu quand on est réduit à la fonction d'auditeur. C'est donc à celui qui parle à employer

tous ses soins pour ne fatiguer l'attention du juge, ni par un discours dont la durée soit trop longue, ni par des dissertations trop étendues. La mesure de l'attention est nécessairement bornée; et, lorsqu'une fois elle est remplie, tout ce que l'on ajoute, bon comme mauvais, s'écoule et se perd. Un client peu instruit dans les affaires s'imagine que sa défense ne saurait être trop ample. Dans le récit du fait, les moindres particularités lui paraissent importantes, parce qu'elles l'intéressent dans le détail des moyens, les plus faibles raisonnemens lui semblent décisifs, parce qu'ils sont à son avantage. Mettez-vous à la place du juge; considérez ce qu'il sait, ce qui lui est familier ce qu'il sera porté à croire par les impressions dont il peut être affecté ; ne vous appesantissez pas sur des faits dont il est instruit, ne l'ennuyez point en l'instruisant de ce qu'il connaît; mais faites usage de ces notions sur lesquelles il ne s'élève point de doutes dans son esprit: efforcez-vous de lui présenter vos moyens comme n'étant que l'application des principes sur lesquels il n'hésite pas.

Distinguez ensuite, mon cher confrère, les audiences où vous avez à plaider. Il en est de solennelles, dans lesquelles vous avez à parler au public en même temps qu'aux juges. Votre discours, préparé avec soin, doit être alors plus orné; mais n'oubliez jamais que le style diffus, la superfluité des raisonnemens, le luxé des paroles, pour user de ce terme, ne sont point des ornemens mais des viees. Dans d'autres audiences, l'unique préparation doit consister à s'être instruit parfaitement de l'affaire qu'on va plaider, à l'avoir envisagée sous toutes les faces dont elle est susceptible : les moyens, les raisonnemens, l'art, en un mot,

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