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épargnerait-il aux jurisconsultes? Leur bibliothèque pourrait diminuer d'un millier de volumes, sans rien perdre pour le fonds des choses. Au reste ce n'est ici le lieu de faire des projets, encore moins d'attendre, pour étudier, qu'ils soient exécutés.

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Cujas est le plus sûr interprète des lois romaines, et en même temps il est facile à entendre. Il ne serait pas mal, dans les premiers temps surtout, de l'avoir toujours autant qu'il est possible, ouvert à côté du texte. On commencerait par lire le texte seul, et ensuite on s'assurerait, en voyant l'interprétation de Cujas, si l'on a saisi le sens de la loi, et si l'on a fait attention à tous les principes qu'elle contient; on saurait en même temps quels sont les textes à opposer à celui qu'on a lu, et la solution qu'on peut y donner. Je crois que le commentaire de Cujas doit suffire pour les lois qu'il a expliquées; on peut seulement jeter encore les yeux sur les notes de Godefroi, qui indiquent exactement les textes semblables à conférer, et les textes contraires à concilier.

Par rapport aux lois qui ne sont pas commentées par Cujas, si les réflexions que l'on est en état de faire soi-même, ne suffisent pas pour en saisir le sens, on peut avoir recours d'abord à la glose, pour y voir l'espèce de la loi, c'est-à-dire, l'exposition du cas auquel la réponse du jurisconsulte s'applique. Ces espèces sont souvent bien faites, et elles facilitent l'intelligence de la loi; mais c'est là à-peu-près tout ce qu'il faut chercher dans Accurse. Autrefois l'au-, torité de sa glose était exclusive: elle l'emportait sur le texte. Depuis, elle est tombée dans un discrédit total on y trouve des contradictions perpétuelles. Quelques personnes ont cherché à disculper Accurse

de ces contradictions on prétend qu'elles viennent de ce qu'en rapportant le sentiment de ceux qui l'avaient précédé, il s'était contenté d'y joindre les lettres initiales de leur nom, lettres qui par suite ont été oubliées, et sont ainsi disparues de l'impres sion; mais il n'en est pas moins vrai que les contradictions existent. C'est un mauvais guide que celui qui vous conduit sans cesse à la tête de deux chemins, sans vous indiquer les motifs de préférer l'un à l'autre.

Après avoir vu l'espèce de la loi, on consultera les notes de Denis Godefroi; elles sont bonnes, quoiqu'il y ait quelques inutilités; elles seraient bien plus importantes, si Godefroi avait concilié les textes qu'il cite comme opposés. Le sens de la loi reste-t-il encore douteux, ou bien cite-t-on une loi contraire qui paraisse diamétralement opposée? il faut avoir sous la main Perezius: dans son ouvrage sur le Code, il interprête souvent les lois du Digeste comme celles du Code; Averanius, jurisconsulte Italien, qui a travaillé assez heureusement à concilier plusieurs textes, qui semblaient contraires ; et Noodt, jurisconsulte Allemand: celui-ci a souvent des solutions savantes et adroites, mais par fois trop subtiles. Nous lisons dans le Digeste plusieurs lois relatives aux peines qui furent prononcées, par les empereurs, contre les célibataires, et qui sont devenues difficiles à entendre, parce que les jurisconsultes y parlent des moyens et des fraudes que l'on employait alors pour se soustraire aux lois, moyens dont il est difficile de ce former actuellement des idées bien nettes: Heineccius a beaucoup aidé l'explication de ces lois, sur lesquelles il a donné un ouvrage particulier. Les questions choisies de Vinnius fournissent des lumières abondantes sur les objets

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particuliers qu'il a traités. Si les textes, dont on cherche l'interprétation, sont tirés, ou des institu¬ tions de Gaius, ou des maximes de Paul, ou des fragmens d'Ulpien, on consultera Schultingius. Son ouvrage est un recueil de commentaires sur Gaïus, Paul et Ulpien, à peu près dans le goût des Variorum, dont je vous parlais il y a un moment. Enfin, peut lire avec fruit Bynkershoek, J. Voet, Mornac, Duaren et Gundeling sur les Novelles. Mais si après avoir feuilleté ces auteurs on n'y trouve point la solution de ses difficultés, je serais assez d'avis qu'on ne la cherchat pas ailleurs. Ces difficultés insolubles sont en fort petit nombre; et il est bon de savoir que les plus savants jurisconsultes conviennent qu'il y a dans le Corps de droit des textes inconciliables,

Lorsqu'on aura médité en particulier chaque loi du titre que l'on étudie, soit dans le Digeste, soit dans le Code, avec ce qui y est relatif dans les Institutes et dans les Novelles, on doit relire de suite tous ces textes, et voir dans les Pandectes de M. Pothier le même titre, afin de rassembler toutes les décisions qui s'y peuvent rapporter, et qui sont répandues sous des titres étrangers. Enfin, pour se fixer dans l'esprit les principes qui résultent des lois, on terminera l'étude des différents titres par la lecture de Perezius sur le Code, ou de J. Voet sur les Pandectes. L'un et l'autre de ces auteurs ont fait sur chaque titre, l'un du Code, l'autre du Digeste, des traités, dans lesquels ils ont réuni et développé tous les principes qui ont rapport à l'objet du titre. Perezius est plus connu et plus ancien que J. Voet, mais on a reproche à lui faire: c'est qu'il est très-facile de le mettre en contradiction avec lui-même, en rapprochant

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ce qu'il dit sur les Institutes, de ce qu'il dit sur le Code. J. Voët est un peu plus étendu, mais il a beaucoup de clarté.

M. Pothier, ce profond jurisconsulte d'Orléans, que je vous ai déjà nommé bien des fois, nous a donné d'excellents traités sur plusieurs parties du droit : sur les Obligations en général, sur la Vente, le Louage, la Société, le Prêt, etc. Lorsque M. votre fils étudiera ces matières, il peut fermer ses autres livres, excepté toujours son Corps de droit et Cujas: la lecture attentive des traités de M. Pothier suppléera à tout le reste et ne lui laissera rien ignorer de ce qu'il doit savoir. Quand il sera arrivé aux titres des Servitudes, il étudiera le traité que M. de la Laure a donné sur ce sujet. Il faut encore qu'il trouve le moyen de placer dans le cours de ses études la lecture de certains traités particuliers, très-importants: par exemple, celui de Hauteserre sur les fictions de droit; et celui de Dumoulin sur la différence des obligations dividuelles et individuelles; ce dernier vient naturellement à l'occasion du titre du Digeste de obligationibus.

Voilà, monsieur, un plan d'étude étendu. Le zèle de M. votre fils, son assiduité au travail, me répondent qu'il le remplira facilement. J'avoue que pour un jeune homme qui veut prendre part à tous les plaisirs, être de toutes les sociétés, ne donner au

avail que les restes d'une matinée, dont la plusgrande partie a été absorbée par la paresse ou par le délassement de la fatigue de la veille, mon plan ne vaut rien; mais aussi je ne saurais me persuader qu'avec de parcilles dispositions on parvienne jamais à être bon orateur et savant jurisconsulte. Je compte environ quatre ans de travail modéré, mais réglé et

constant, pour parcourir, de la manière que je l'ai conçu, toutes les parties du droit romain. Un jeune Avocat, qui, après quatre années d'étude, saurait parfaitement le droit romain, aurait fait de grands pas dans la carrière qu'il se propose de parcourir.

Laissez-moi, monsieur, quelques jours de réflexion, et je vous exposerai mes vues sur l'étude du droit français. Je croirai avoir employé les vacances plus utilement qu'aucune portion de l'année, si les observations qu'elles me laissent le loisir de rédiger, contribuent à faire fructifier les talens que M. votre fils consacre à une si belle profession. J'ai l'honneur d'être, etc.

QUATRIÈME LETTRE.

Sur l'Étude du Droit Français.

L'ÉTUDE ÉTUDE du droit français comprend, monsieur, la connaissance des coutumes, des ordonnances, et de la jurisprudence établie par les arrêts. Non seulement elle a pour objet le droit qui a lieu de particulier à particulier, mais même une partie du droit publie du royaume; la distribution des différents tribunaux, leur compétence, leur subordination, l'étendue de leur ressort. Cette étude a des difficultés qui lui sont propres. Nous n'avons aucun recueil complet qui renferme toutes les parties dont est composé le droit français ce recueil serait néanmoins d'autant plus nécessaire, que, suivant l'observation judicieuse de

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