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» longue tout s'usait, adresse, crimes, terreur, effron»terie, et qu'alors on périssait misérablement, étouffé » de remords et chargé de l'indignation publique. >> Les événements m'ont convaincu qu'il n'y avait » qu'un moyen d'administrer, savoir: d'employer les » facultés de ceux que l'on gouverne, ou de ceux avec >> lesquels on est en relation, telles qu'elles existent, et >> dans le sens de leurs intérêts. >>

Voilà ce qu'il écrivait en l'an XIII.

M. Camus n'a écrit que ces sept lettres sur la profession d'avocat. Elles ne laissent rien à desirer sur les sujets qu'il a traités; mais il en est d'autres qui méritaient de l'être, et qui l'ont été dans notre nouvelle édition.

Se. LETTRE. Le grand nombre de procès criminels dont nous avons été témoins, ont fait un devoir aux avocats de se vouer à la défense des accusés; cette défense doit naturellement être libre; et voilà pourquoi, en traitant ce sujet, j'ai pris pour titre: De la libre défense des accusés. J'y parle des devoirs des avocats et des juges; mon but est de prouver qu'il ne saurait y avoir de bonne justice, sans une entière liberté de la défense.

9. LETTRE. -M. Camus n'avait rien dit de l'étude du droit commercial.

M. Pardessus, mon confrère et mon ami, a bien voulu consacrer un moment de loisir à écrire quelques pages sur l'étude d'une législation qu'il professe avec tant de distinction. Il y trace un exposé rapide et brillant de la législation commerciale, nulle comme

le commerce lui-même sous l'empire de la féodalité, marchant d'un pas égal avec l'affranchissement des peuples, jusqu'à l'époque qui vit naître le code de commerce. Le professeur rappelle la division de ce code, et il indique le plan qu'il a suivi dans son enseignement. Si sa modestie ne m'était point connue, et si j'étais moins son ami, je le louerais davantage; mais je n'oublie pas le mot délicat de Pline le jeune: hoc ipsum amantis est, non onerare eum laudibus. (I. epist. 15).

10o. LETTRE. Sous le titre de 10. lettre, j'ai mis un morceau brillant de M. Bonnet, bâtonnier de l'Ordre des avocats, sur les conférences de la bibliothèque.

La bibliothèque des avocats a dû son premier établissement à M. de Riparfonds, qui, en l'année 1708, légua sa bibliothèque à ses confrères.

Depuis, elle s'est accrue successivement par des donations et des acquisitions partielles. Au commencement de la révolution, elle possédait d'immenses richesses, même en manuscrits : c'était la bibliothèque la mieux fournie en livres de droit.

Elle était établie dans le palais de l'archevêché. Là, se tenaient ces célèbres conférences, où les jeunes avocats se formaient à l'exemple et sous la direction des anciens; là, le pauvre trouvait des conseils sûrs. et désintéressés.

La révolution, qui a vu la suppression de l'ordre des avocats, a aussi entraîné la confiscation de leur bibliothèque.

M. Ferey a recommencé l'œuvre de M. de Riparfonds. Ce respectable avocat a légué ses livres de droit à ses confrères, en faisant des vœux pour la restauration de l'Ordre.

Son éloge a été prononcé avec un accent qui ne pouvait manquer d'être entendu.

L'Ordre des avocats a été rétabli; une partie de notre ancienne discipline nous a été rendue; mais nos livres ne nous ont pas été restitués.

Serait-il donc impossible de les revendiquer, en vertu de cette loi d'équité, qui a prononcé la restitution de tous les biens invendus?

Nos livres n'ont jamais été mis à l'encan; ils existent encore en nature; ils ont été abandonnés, partie à la cour de cassation, partie au conseil d'état. Sur le titre de chacun d'eux, on voit le cachet de l'ordre: titulus perpetuò clamat. Ces livres d'ailleurs sont pleins des maximes de la propriété. Dans ceux qui traitent du droit ecclésiastique, on lit: RENDEZ à César ce qui appartient à César; dans les livres du droit de la nature et des gens, est vox gentium præ se ferens, REDDE QUOD DEBES; dans tous les ouvrages sur le droit romain, justitia est constans et perpetua voluntas SUUM CUIQUE tribuendi.

Espérons donc que quelque jour les magistrats euxmêmes qui se servent de nos livres, reconnaissant qu'ils viennent de nous, s'écrieront: «Un de leurs con» frères s'en dépouilla pour eux; n'est si bel acquét » que de don; rendons-leur ce qui leur appartient à si juste titre : Suum cuique. »

IIC. LETTRE.

La onzième lettre renferme des

réflexions sévères sur l'admission au tableau. Les

membres des conseils de discipline ne sauraient trop s'en pénétrer.

12o. PIÈCE.

Dialogue des avocats de Loisel.

De tout ce que j'appelle nos titres, dit Camus, je n'en connais point de plus beau que le Dialogue des avocats de Loisel. (Ire. lettre, pag. 3 (1).

« L'occasion qui a donné lieu à ce dialogue fut la division qui arriva dans le palais au mois de mai 1602, auquel temps la Cour ayant résolu, en une mercuriale, de faire garder aux avocats l'article 146 de l'ordonnance de Blois, qui les obligeait à donner quittance par écrit de leurs honoraires; les avocats s'offensèrent si fort de l'arrêt qui leur enjoignait de se conformer à cet article, à peine de radiation, que, s'étant rassemblés au nombre de trois cent sept en la chambre des consultations, ils résolurent tous d'une voix de renoncer publiquement à leurs charges. Et, pour cet effet, s'en allèrent à l'instant deux à deux au greffe de la Cour, faire leur déclaration qu'ils quittaient volontiers la fonction d'avocats, plutôt que de souffrir un règle

(1) On ne pouvait lire cet intéressant morceau que dans un vilain in-4°. gothique, où le dialogue se suivait tout d'une baleine, sans coupure et sans alinéa. Placé dans un in-8°., il deviendra portatif et sera le manuel des avocats.

O vos! o socii! prima utque novissima nostri
Nomina collegii discite, et historias.

ment qu'ils estimaient si préjudiciable à leur honneur (1). »

Les principaux interlocuteurs sont Loisel, Pasquier, Pithou, et quelques jeunes avocats.

Pasquier demande à ceux-ci à quoi les mènera d'avoir ainsi renoncé à l'exercice de leur profession.Le fils aîné de Loisel répond: nous nous ferons conseillers comme les autres; et puisqu'on ravale si bas nos charges, il nous faudra mettre au nombre de ceux qui font les arréts. Loisel l'en dissuade, en lui

(1) Il est à remarquer (Dialogue, page 202) que les avocats fondaient aussi leur résistance sur ce motifconstitutionnel, « que l'article 146 de l'ordonnance de Blois y avait été couché » sans la réquisition des États. » Le souvenir de cette glorieuse résistance n'était pas encore oublié, lorsque Bonaparte nous octroya le décret du 14 décembre 1810, dont l'article 44 renouvelle la disposition de l'article 146 de l'ordonnance de Blois. L'article 34 ajoute que « si tous, ou quelques-uns des » avocats d'un siége, se coalisent pour déclarer, sous quelque > prétexte que ce soit, qu'ils n'exerceront plus leur ministère, >> ils seront rayés du tableau et ne pourront plus y être réta>>blis. » Ces articles n'ont pas excité le même soulèvement que l'art. 146 de l'ordonnance de Blois, parce que l'Ordre se trouvait aboli quand ce décret a paru; mais il est de fait que cet article 44 du décret n'a pas plus été observé que l'article 146 de l'ordonnance de Blois. Je ne sais pas, au reste, ce qui arriverait si la scène qui eut lieu en 1602, se reproduisait jamais : il est à croire que l'Ordre entier ne serait pas rayé du tableau, ou du moins que l'interruption que cela produirait dans l'administration de la justice aurait le même résultat qu'autrefois (sous Henri IV).

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