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contenta de quelques réformes de détail et laissa subsister provisoirement les écoles des frères et les colléges 2. Elle applaudit aux paroles de Talleyrand. Comme elle était déjà sur le point de se séparer, elle vota l'impression de son rapport et décida qu'il serait distribué aux membres de la prochaine Assemblée".

1. Les professeurs astreints au serment civique (27 nov. 1790); l'école de dessin de Paris subventionnée (4 sept. 1790); des écoles gratuites des ponts et chaussées créées (31 déc. 1790, 19 janv. 1791); des écoles de marine dans les principaux ports (30 juillet, 10 août 1791); l'obligation de faire preuve de noblesse pour entrer à l'école militaire, supprimée (30 mars 1790).

2. Voir les séances du 1er juillet, 15 août, 13 oct. 1790, et 25 sept. 1791. 3. 25-26 sept. 1791.

CHAPITRE IV.

PRINCIPES ÉCONOMIQUES DE LA CONVENTION.

La marche de la Révolution.

Principes de 1789 et de 1793.

Les doctrines égalitaires sous la Constituante. - Discours de Robespierre sur la propriété. Idées de Saint-Just. La déclaration des Sans-culottes. Abolition de la propriété féodale. Les biens des émigrés. La liberté de l'industrie. La doctrine du salut public.— Défense à certains ouvriers de s'enrôler. Prohibition du commerce avec l'Angleterre. - L'acte de navigation.

La Révolution précipitait sa marche. A peine la Constitution de 1791 venait-elle d'être proclamée, à peine les nouveaux pouvoirs de la France régénérée commençaient-ils à s'installer, que déjà les esprits s'agitaient pour d'autres transformations. La Constituante, si sage dans les réformes civiles que réclamait depuis longtemps le bon sens public, avait été moins heureuse dans sa réforme politique. Frappée des dangers de l'absolutisme, elle avait amoindri la royauté jusqu'à la réduire à l'impuissance. Par amour de l'égalité, elle avait repoussé le système des deux chambres. Une seule assemblée disposait de tout et entraînait par ses votes la politique tout entière, sans qu'un contre-poids fût capable de la maintenir elle-même. A toute époque une pareille constitution eût été un danger; dans un temps où les passions bouillonnaient, elle devenait impraticable. Le désintéressement inopportun de la Constituante, qui ne voulut pas que ses membres fissent partie de la Législative, la rendit plus impraticable encore. La direction des affaires fut abandon

née à des hommes nouveaux, naturellement plus exaltés. En moins d'un an, le courant révolutionnaire emporta Assemblée et royauté, et la Convention se réunit pour fonder la République française. Des Constitutionnels, la puissance avait passé aux Girondins; des Girondins elle tomba entre les mains des Montagnards; et, quand la division eut éclaté au sein de la Montagne, elle demeura aux Robespierristes. Dans la rapide succession d'hommes et de partis que la Révolution dévorait, la victoire, jusqu'au 9 thermidor, resta aux plus ardents. Toutefois, entre la Législative et la Convention, il y a plus d'un trait de ressemblance; Girondins et Robespierristes différaient en réalité par les mœurs plus que par les principes, et on a, sur plus d'un point, peine à trouver en eux les caractères distincts de deux écoles politiques.

Mais entre la Constituante et la Convention, la distinction est radicale, et c'est avec raison que l'on dit: les principes de 1789 et les principes de 1793.

La diversité des tendances s'était manifestée sous la Constituante. Dans une de ses dernières séances, l'Assemblée avait sévi, et avec raison, contre la municipalité de Soissons qui laissait le peuple arrêter des voitures de grains. Robespierre avait réclamé, disant que la municipalité avait bien fait, parce que le peuple devait être inquiet sur sa subsistance, et les tribunes avaient applaudi1. C'était déjà la doctrine du salut public justifiant l'oppression de la liberté.

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Les journaux commençaient aussi à afficher des idées qui ne devaient pas tarder à se produire à la tribune, et à inspirer les législateurs. « Ce sont les pauvres qui ont fait la révolution, lisait-on, dès 1791, dans les Révolutions de Paris, mais ils ne l'ont pas faite à leur profit; car, depuis le 14 juillet, ils sont à peu près ce qu'ils étaient avant.... Les pauvres, ces honorables indigents, qui ont fait pousser le fruit révolutionnaire, rentreront un jour et peut-être bientôt

1. Assemblée nationale. Séance du 23 sept. 1790, au soir. Voir aussi dans l'Hist. parl. (t. VII, p. 230) un article de l'Ami du roi, qui trouve Robespierre beaucoup plus logique que l'Assemblée.

dans le domaine de la nature dont ils sont les enfants bienaimés1. »

Moins de deux ans après, au moment où la Convention discutait les articles de sa constitution, et décrétait la peine de mort contre quiconque proposerait la loi agraire, Robespierre montait à la tribune. « Je vous proposerai d'abord, disait-il, quelques articles nécessaires pour compléter votre théorie sur la propriété; que ce mot n'alarme personne. Ames de boue! qui n'estimez que l'or, je ne veux point toucher à vos trésors, quelque impure qu'en soit la source. Vous devez savoir que cette loi agraire, dont vous avez tant parlé, n'est qu'un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles; il ne fallait pas une révolution, sans doute, pour apprendre à l'univers que l'extrême disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes; mais nous n'en sommes pas moins convaincus que l'égalité des biens est une chimère. Pour moi, je la crois moins nécessaire encore au bonheur privé qu'à la félicité publique; il s'agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l'opulence. La chaumière de Fabricius n'a rien à envier au palais de Crassus 2. »

Le premier des articles qu'il proposait était conçu en ces termes « La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. La Convention ne l'adopta qu'avec adoucissements dans la Constitution de 17933.

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Mais la majorité se laissait facilement entraîner; elle obéissait même parfois aux suggestions d'hommes aux yeux desquels Robespierre passait pour un modéré. L'un d'eux, Saint-Just, avait mis par écrit quelques-unes de ses idées sur la constitution civile et politique d'un peuple, telles que celles-ci, par exemple: « Pour réformer les mœurs.... il

1. Hist. parl., t. VIII, p. 422.

2. Séance de la Convention, du 24 avril 1793.

3. Art. 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. « Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. »

faut donner quelques terres à tout le monde. - L'opulence est une infamie; elle consiste à nourrir moins d'enfants naturels ou adoptifs qu'on n'a de mille livres de revenu.

Nul ne peut déshériter ni tester. - L'homme et la femme qui s'aiment sont époux1. » C'était, peut-être, un idéal que Saint-Just croyait au-dessus de la portée de ses concitoyens. Mais que deviennent les lois d'un pays où les législateurs rêvent un pareil idéal?

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Aux Jacobins, la déclaration des droits de l'homme de Robespierre trouva un contradicteur, qui prétendit exposer plus franchement que tout autre la grossière théorie du droit à la jouissance. « Robespierre vous a lu hier la déclaration des droits de l'homme, et moi, je vais lire la déclaration des droits des Sans-culottes Les Sans-culottes de la R. F. reconnaissent que tous leurs droits dérivent de la nature, et que toutes les lois qui la contrarient ne sont point obligatoires les droits naturels des Sans-culottes consistent dans la faculté de se reproduire (Bruits et éclats de rire).... de s'habiller et de se nourrir. 1° Leurs droits naturels consistent dans la jouissance et l'usufruit des biens de la terre, notre mère commune; 2° dans la résistance à l'oppression; 3° dans la résolution immuable de ne reconnaître de dépendance que celle de la nature ou de l'Étre suprême.» Il fut hué, il est vrai. Dans une réunion d'Hébertistes, il eût été applaudi, et on lui aurait seulement reproché de rester encore encroûté dans le vieux préjugé de l'existence de Dieu.

Aussi la Convention perdit-elle le respect de la propriété, qui avait caractérisé la modération de la Constituante dans ses réformes. La Législative avait déjà, le 25 août 1792, à l'époque où elle était dominée par les Jacobins, décidé que les droits, << tant féodaux que censuels, seraient purement et simplement abolis, à moins qu'ils n'aient eu pour cause une concession primitive, clairement justifiée par un acte écrit. » La Convention alla plus loin. Le décret du 17 juillet

1. Hist. parl., t. XXXV, p. 296 et 315.

2. Ibid., t. XXVI, p. 107.

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