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rir au même but. La production économique trouvait déjà de nouveaux débouchés au moment où étaient restreints les débouchés de la production de luxe : c'est pourquoi l'industrie se montrait à la fois moins docile aux exigences de l'art et plus soumise à la discipline de la science.

CHAPITRE VI.

LE BLOCUS CONTINENTAL.

Travaux publics entrepris par Napoléon.

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Triste état du commerce. - Paix d'Amiens. Nouveau tarif des douanes. - Négociations relatives à un traité de commerce. — Rupture entre la France et l'Angleterre. — Guerre maritime et commerciale à outrance. - Elévation des droits de douanes. Tarif de 1806. Première atteinte aux intérêts des manufacturiers. Décret de Berlin (21 nov. 1806). — Message au Sénat. Exécution rigoureuse du décret. - Triomphe de Napoléon au sujet du blocus continental. Etendue du marché français. - Tentative pour remplacer par des produits indigènes les matières premières tirées de l'étranger. Le sucre de raisin. Le sucre de betterave. Le commerce détourné de ses routes Décret de Milan (17 déc. 1807). - Situation intolérable du Abdication de Louis et réunion de la Hollande et des villes La contrebande. - Loi du 12 janvier 1810: Confiscations au profit du fisc. Les licences. Décret du 18 octobre 1810 sur le brûlement des marchandises provenant des fabriques anglaises. Joie des manufacturiérs français. Cours prévotales. Crise de 1811. Prêts aux manufacturiers. - Conversation de Napoléon avec les délégués du commerce.

naturelles. commerce.

hanséatiques à l'Empire.

le droit de 40 pour 100. ·

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Rupture avec la Russie. Adhésion d'un officier bavarois au système continental. — Chute de l'Empire.

Sous l'Empire comme sous le Consulat, Napoléon encourageait les industriels, poussait avec activité les travaux publics et voulait être le bon génie, partout présent et bienfaisant, de ses peuples. « J'ai fait, écrivait-il à son ministre de l'intérieur, consister la gloire de mon règne à changer la face du territoire de mon empire; l'exécution de ces grands travaux est aussi nécessaire à l'intérêt de mes peuples qu'à

ma propre satisfaction'.» Treize mille quatre cents lieues de routes construites ou réparées, dix-huit fleuves rendus plus navigables, des montagnes traversées par des voies dignes des Romains, des ponts construits, des canaux creusés, Paris embelli, n'étaient que le prélude de ce qu'il méditait. Impatient de tout obstacle, il s'irritait des lenteurs que la nature des choses ou les difficultés administratives opposaient à ses desseins. Il faudra vingt ans, disait-il, pour finir ce canal. Que se passera-t-il pendant ce temps? Des guerres et des hommes ineptes arriveront, et les canaux resteront sans être achevés2. »

Pour atteindre plus vite le but, il songeait à créer une caisse des travaux publics, à vendre ses canaux à mesure qu'il les aurait terminés, et à employer sans cesse l'argent de la vente à en construire de nouveaux, à doter ses officiers en actions des canaux au lieu de rentes sur l'État3. Il ordonnait le desséchement des marais, rétablissait les haras, instituait des écoles spéciales pour former de bons contremaîtres. Son activité était prodigieuse, et, son coup-d'œil, toujours rapide, était ordinairement juste, quand il n'était pas obscurci par le désir immodéré de la puissance ou par les entraînements de la lutte contre l'Angleterre.

Il céda à cet entraînement funeste dans ses règlements commerciaux.

Le commerce extérieur n'avait suivi que de très-loin le mouvement général de l'industrie. Il était alors de toutes les sources de la richesse nationale la plus pauvre la guerre l'avait presque tarie. En 1800, les Anglais étaient maîtres de la mer, et profitaient du triomphe de leur marine pour supplanter nos négociants dans les échelles du Levant et dans les colonies de l'Amérique; l'Allemagne, en entrant dans la seconde coalition, nous avait fermé de nouveau les principales routes de terre. Une politique ferme et sage pouvait plus encore pour rouvrir les canaux de la circulation que pour ranimer les fabriques.

1. Corresp. de Napoléon, t. XVI, p. 194. 3. Ibid., t. XVI, p. 307.

2. Ibid., p. 193.

4. Voir l'Exposé de la situation de l'Emp. en 1806.

Bonaparte, n'ayant pu obtenir la paix par des négociations, prit la France à témoin de la sincérité de ses efforts qu'avait fait échouer « l'horrible politique de l'Angleterre1, et força par ses victoires ses ennemis à traiter.

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Il ne suffisait pas d'avoir signé la paix d'Amiens. Il fallait lever les décrets prohibitifs de la Convention, renouer les ⚫ relations extérieures2, et rétablir les rapports commerciaux dont l'interruption, également préjudiciable aux deux nations, devait cesser avec la guerre. Mais à quelles conditions convenait-il de les rétablir? Les Anglais avaient, au lendemain de la signature de la paix, expédié dans les ports de France des cargaisons que la douane avait refusé d'admettre, et déjà les négociants de la Grande-Bretagne murmuraient de voir leurs espérances déçues; ils auraient voulu un retour pur et simple au traité de 1786. Or, ce traité n'avait jamais été, à tort ou à raison, populaire en France. Les fabricants qui avaient accès auprès du premier Consul, réclamaient presque unanimement des garanties contre la concurrence étrangère', et celui-ci, qui aimait à consulter en

1. «< Français, vous désirez la paix. Votre gouvernement la désire avec plus d'ardeur encore. Ses premiers vœux, ses démarches constantes ont été pour elle. Le ministère anglais a trahi le secret de son horrible politique. Déchirer la France, détruire sa marine et ses ports, l'effacer du tableau de l'Europe ou l'abaisser au rang des puissances secondaires, tenir toutes les nations du continent divisées pour s'emparer du commerce de toutes et s'enrichir de leurs dépouilles; c'est pour obtenir cet affreux succès que l'Angleterre répand l'or, prodigue les promesses et multiplie les intrigues. » (Proclamation du 8 mars 1800; Corresp. de Napoléon, t. VI, p. 215.)

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2. La Constitutante avait déclaré « le commerce des Échelles du Levant et de Barbarie libre à tous les Français. » (Déc. du 21-29 juillet 1791.) Bonaparte rétablit la Compagnie d'Afrique pour la pêche du corail, laquelle avait été supprimée par ce décret. Il arrêta (loi du 17 floréal an X), que << aucune maison de commerce ne peut être établie dans les Échelles du Levant, de la Barbarie et de la mer Noire, sans l'autorisation du gouvernement. » Le gouvernement exigeait un cautionnement des patrons, un certificat de la chambre de commerce pour les employés, « ouvriers et artisans.» (Arrêté du 4 messidor an XI.)

3. « Jamais, dit Mollien, la frénésie des prohibitions n'avait été plus générale, plus populaire en France qu'en 1800, au moment où Napoléon prit le timon des affaires. » (Mém. d'un ministre du Trésor, t. III, p. 314). En 1801, un négociant de Rouen présentait à Bonaparte un mémoire tendant à prouver qu'il était nécessaire de continuer la prohibition des étoffes anglaises, ou plutôt de ne pas faire de traité de commerce. Bonaparte recevait souvent des avis de ce genre. (Voir Corresp. de Nap., t. VII, 1er mars 1801.)

toute chose des hommes spéciaux, entrait d'autant plus volontiers dans leur sentiment qu'il était porté de lui-même à s'exagérer la toute-puissance des règlements. Un nouveau tarif des douanes fut préparé pour remplacer le tarif éphémère de 1791, et fut voté par le Corps législatif dans la session de l'an XI. Il était fondé sur le principe de la protection1, n'imposant toutefois que des droits modérés, et introduisant une amélioration notable dans notre système douanier par la création des entrepôts3.

Le Conseil général de l'agriculture, des arts et du commerce avait déclaré qu'il était impossible de conserver la paix entre la France et l'Angleterre si leur industrie restait à l'état de guerre, » et Bonaparte avait envoyé un négociateur à Londres. En attendant, disait-il, les denrées et marchandises provenant de chacun des deux pays seront reçues sans pouvoir être assujetties à aucune prohibition ni à aucun droit qui ne frapperaient pas également sur les denrées et marchandises analogues importées par d'autres nations'. » Mais les négociations trainèrent en longueur. Les dissentiments politiques s'aggravèrent; l'Angleterre s'alarma des agrandissements de la France, débordant déjà hors des vastes frontières que lui avait tracées le traité de Lunéville; Bonaparte s'irrita de la mauvaise foi des Anglais à l'égard de, Malte, et déclara qu'il ferait plutôt la guerre que de leur laisser une position militaire au centre de la Méditerranée, fût-ce seulement dans la petite île de Lampédouse". La

1. Au tribunat, Pictet parla seul en faveur de la liberté absolue du commerce. Au Corps législatif, Collin, orateur du gouvernement, combattit cette théorie « On ne peut trop répéter que les douanes ne doivent pas être considérées sous le seul rapport de la fiscalité, mais comme un établissement conservateur de l'industrie nationale. » Moniteur du 8 floréal an XI.

2. Ainsi le coton en laine était taxé à 5 fr. le myriagramme, les toiles de coton écrues à 8 fr., les toiles blanches à 10 fr.

3. I dut y avoir des entrepôts, réels ou fictifs, dans seize ports. 4. Voir l'Histoire du tarif des douanes, par M. Amé.

5. Si, outre la possession importante de Gibraltar, l'Angleterre voulait en conserver une quelconque dans la Méditerranée, ce serait afficher évidemment le dessein d'unir au commerce presque exclusif des Indes, de l'Amérique, de la Baltique, celui de la Méditerranée; et de toutes les calamités qui peuvent survenir au peuple français il n'en est point de comparable à celle-là.... Aidé du bon droit et de Dieu, la guerre, quelque mal

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