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réglementation, quand elle peut servir à exclure ou à gêner des concurrents. Par exemple, lorsque fut créé le théâtre du Gymnase, les autres directeurs réclamèrent contre l'octroi de ce nouveau privilége qui portait, disaient-ils, atteinte à leurs droits consacrés par les décrets de 18071.

La loi d'ailleurs ajouta peu à ce système sous la Restauraration. Elle aggrava le privilége des agents de change et des courtiers en leur donnant le droit de présenter leur successeur 2. Elle continua à appliquer, avec quelques modifications, le règlement de 1810 sur les établissements insalubres ou incommodes; elle l'étendit avec de nouvelles prescriptions aux machines à feu à haute pression » qui commençaient à s'installer dans les manufactures et aux usines à gaz3. Elle rendit un très grand nombre d'ordonnances en vue de compléter, d'améliorer les règles tracées par l'Empire relativement à la police du roulage et des postes. Elle remania à plusieurs reprises le régime de la presse, supprimant ou rétablissant la censure, et cherchant à contenir par des mesures répressives, parfois iniques

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3° Que cet arrêté porte atteinte aux droits légalement acquis aux théâtres qui ont été exclusivement maintenus par les décrets du 6 juin et 29 juillet 1807.

4° Qu'il est éminemment préjudiciable.... à l'honneur de la scène française.... qu'il tend à porter le goût du public vers le genre burlesque et léger.... Moniteur de 1820, p. 1175.

2. Loi des finances du 28 avril 1816, titre IX. - Art. 91. «Les agents de change et courtiers pourront présenter à l'agrément de Sa Majesté des successeurs. pourvu qu'ils réunissent les conditions exigées par les lois. Cette faculté n'aura pas lieu pour les titulaires destitués. »

3. Ord. du 14 janvier 1815. Cette ordonnance applique l'enquête de commodo et d'incommodo à la seconde classe comme à la première, et fait une nouvelle nomenclature des trois classes. - Ord. du 9 fév. 1825, ord. du 5 nov. 1826 et du 20 sept. 1828.

4. Ord. du 29 oct. 1823. Toute machine à haute pression était soumise aux formalités des établissements de seconde classe, et de plus à certaines conditions générales, telles que l'épreuve préalable, les soupapes de sûreté, les rondelles fusibles, etc. Voir aussi les ord. du 7 mai, 25 mai 1828, 23 septembre 1829, 25 mars 1830.

5. Ord. du 20 août 1824.

6. Entre autres, voir lois et ord. du 21 déc. 1814, du 13 août 1817, loi du 4 février 1820, ord. du 22 nov. 1820, du 20 juin 1821, du 15 mai, du 11 septembre 1822, du 16 juillet, du 29 oct. 1828, loi du 28 juin

ou maladroites, la parole que le régime parlementaire ne permettait plus d'étouff r, jusqu'au jour où le ministère Martignac posa les véritables principes d'une législation libérale. Elle imposa aux lithographes les conditions de serment et de brevet auxquelles étaient assujettis les imprimeurs. Elle rétablit les droits de circulation, de vente en gros et en détail, de consommation sur les boissons, et, pour sauvegarder les intérêts du fisc, elle l'arma d'un attirail coûteux et vexatoire de précautions minutiueuses: défense de transporter les vins, cidres ou hydromels sans acquit-àcaution ou passavant; de traverser une ville sans passedebout; nécessité pour les débitants, colporteurs, marchands, brasseurs ou distillateurs de se munir d'une licence; visites et exercices des employés de la régie chez toute personne vendant en détail des boissons; obligation pour les marchands en gros de ne transvaser, couper ou mélanger leurs boissons qu'en présence des employés. Mais ces gênes n'étaient qu'une reproduction de la loi de 1808, qui elle-même les avait empruntées pour la plupart aux souyenirs de l'ancien régime"; les rigueurs contre la presse étaient moins nuisibles à la liberté que le silence absolu qui les avait précédées; l'assimilation des lithographes aux imprimeurs n'était qu'une extension logique du décret du 5 février 1810, depuis que la caricature était devenue une arme politique: en réalité, rien n'était changé au régime impérial.

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Deux modifications importantes furent cependant intro

1. Voir les lois et ordonnances du 21 octobre 1814, du 17 mai 1819, du 26 mai et 9 juin 1819, du 25 mars 1822, du 24 juin 1827, et le projet de loi voté par la Chambre des députés (12 mars 1827), mais retiré avant d'être soumis à la Chambre des pairs.

2. Loi du 18 juillet 1828. - Art 1. « Tout Français majeur, jouissant des droits civils, pourra, sans autorisation préalable, publier un journal ou écrit périodique en se conformant aux dispositions de la présente loi. » 3. Ord. du 8 oct. 1817.

4. Voir la loi du 28 avril 1816, les lois du 25 mars 1817 et 15 mai 1818. 5. La loi du 25 février 1804 avait rétabli l'impôt sur les boissons, mais en avait ordonné la perception chez les producteurs; la loi du 25 novembre 1808 avait établi les perceptions sur les ventes en gros et en détail; elle avait etė abolie pendant les Cent-Jours.

duites dans le gouvernement de l'industrie; l'une fut une réforme dans le sens de la Charte, l'autre une concession aux grands propriétaires. La première fait honneur au ministère du comte Decazes; la seconde appartient à l'administration du comte de Villèle.

L'Empire, qui avait créé les chambres de commerce et les chambres consultatives des arts et manufactures, n'était pas parvenu à constituer les conseils supérieurs, parce qu'il se défiait des assemblées délibérantes. La Restauration les organisa d'autant plus volontiers qu'ils lui rappelaient une « ancienne institution de Louis XIV. Le Conseil général du commerce se composa de membres choisis par le ministre entre deux candidats présentés par chacune des chambres de commerce, plus, de vingt membres nommés directement par le ministre. Il dût avoir, sous la présidence du ministre1, une séance par semaine, donner son avis sur toutes les questions qui lui étaient soumises à l'avance, signaler au ministre les abus à réformer, les améliorations à introduire. Les membres nommés pour trois ans furent indéfiniment rééligibles; ils purent, après cinq ans d'exercice, obtenir le titre de conseillers du roi, et avoir, à ce titre, voix consultative dans certains comités du Conseil d'État 2.

Le Conseil général des manufactures eut des attributions semblables, mais fut composé de soixante manufacturiers directement nommés par le ministre, sans distinction de lieu, de manière à ce que les principales branches d'industrie y figurassent: mieux eut valu faire intervenir dans le choix les chambres des arts et manufactures.

Quelques années après, sous un autre cabinet, fut établi le Conseil supérieur du commerce et de colonies, composé de ministres et de hauts fonctionnaires, à l'examen duquel durent être soumis tous les projets de lois et d'ordonnances relatifs aux douanes et au commerce extérieur".

1. Postérieurement, par ordonnance du 9 février-18 juillet 1825, le directeur du commerce put présider en l'absence du ministre.

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3. Ibid.

4. Ord. du 6-23 janvier 1824 et du 20 mars 1824.

Le prince de Polignac modifia d'une manière peu heureuse cette organisation libérale, lorsque, sous prétexte qu'il n'y avait pas de ligne de démarcation bien déterminée, » il réunit les deux premiers conseils sous le nom de Conseil général du commerce et des manufactures1. Néanmoins, depuis 1819, sous des formes diverses, le commerce et l'industrie eurent, auprès du pouvoir, une représentation directe, placée de manière à se faire écouter, secondant et éclairant l'administration sans pouvoir l'entraver: c'est une des bonnes mesures prises par la Restauration.

La seconde modification fut inspirée par un esprit moins généreux. Les grands propriétaires avaient une influence toute-puissante dans la Chambre des députés. Comme ils se plaignaient du peu de débouchés de leurs bestiaux et du bas prix de la viande, qu'ils attribuaient au régime de la boucherie, le gouvernement changea le régime. Ce n'est pas que le gouvernement le trouvât mauvais il l'avait lui-même introduit dans plusieurs villes 2; mais il fallait donner satisfaction à un parti sur lequel les ministres prenaient leur point d'appui. On avait multiplié, dans le double intérêt de la salubrité publique et de la consommation, les abattoirs pour faciliter la consommation 3. On avait enjoint aux maires de ne pas gêner par leurs arrêtés le commerce de la viande à Paris". On éleva de 300 à 370 le nombre des boucheries autorisées à Paris et on prit quelques << mesures pour accroître la concurrence des forains sur le marché".

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Au lieu de hausser, les prix baissèrent. En 1825, on se décida à supprimer la corporation, ou, pour mieux

1. Le nombre des membres fut alors réduit de 115 à 72.-Ordonnance du 16 juin 1830. Moniteur de 1830, p. 677.

2. Règlement de la profession de boucher à Versailles (28 déc. 1815), au Mans (25 sept. 1816), à Arras (10 nov. 1819), à Lyon (9 avril 1823), etc. 3. Il y eut 98 règlements d'abattoirs en France de 1823 à 1830.

4. Circulaires du ministre de l'intérieur du 23 déc. 1823 et du 22 décembre 1826.

5. Ordonnance du 9-30 oct. 1822.

6. Le prix du bœuf, qui avait varié de 1 fr. à 1 fr. 10 c. le kilogramme, de 1811 à 1819, était tombé à 0 fr. 89 c. en 1822; il tomba à 0 fr. 87 c. et à 0 fr. 86 c. en 1823 et 1824.

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dire, le syndicat des bouchers, en voilant à demi cette mesure d'un prétexte d'intérêt populaire c'était, dit l'ordonnance, pour « encourager l'engrais des bestiaux et le prix modéré. Le nombre des boucheries put être augmenté de cent par an jusqu'en 1828, époque à laquelle devait cesser toute limite. Mais l'administration, qui voulait bien satisfaire les éleveurs en leur procurant le plus d'acheteurs possible, ne renonçait pas à sa tutelle; elle maintenait le certificat de bonne vie et mœurs, le certificat d'apprentissage, le cautionnement, la caisse de Poissy; le préfet de la Seine fixait, à la place du syndicat supprimé, le crédit des bouchers; la vente en gros était prohibée; chaque boucher ne pouvait tenir qu'un étal, devait le tenir en personne, et faire directement ses achats sur les marchés1. Les charges se trouvèrent donc aggravées, et les bouchers perdirent le privilége de la limitation qui leur servait jusque-là de compensation.

Beaucoup de gens s'établirent; mais, avec de pareilles conditions, peu devaient prospérer. Les prix du marché s'élevèrent quelque peu à cause de la multiplicité des acheteurs; mais la consommation ne s'accrut pas. Éleveurs et bouchers se plaignirent alors de concert 2, et l'administration triomphante revint, dès le début du ministère Polignac, à ses traditions.. Le syndicat fut rétabli et toujours étroitement subordonné 3; le nombre des étaux fut fixé à quatre cents; la défense de vendre en gros ou d'exploiter plusieurs étaux fut maintenue; le cautionnement augmenté. L'intérêt de ces cautionnements

1. Ord. du 12-31 janvier 1825.

2. Voir, dès 1826, la pétition des bouchers se plaignant que leur nombre s'accroisse. Séance de la Ch. des députés du 13 mai 1826; Moniteur, p. 723.

3. Ord. du 18-27 oct. 1829. Ce syndicat, nous l'avons dit, n'avait ‍pas la même indépendance que celui des anciennes corporations. Il avait la direction des abattoirs, et connaissait, sous le rapport de la discipline intérieure, des difficultés entre bouchers et étaliers. Mais c'était le préfet qui nommait, tous les ans, sur vingt candidats présentés par le syndicat, les dix bouchers chargés de faire les fonctions d'électeurs : le corps des bouchers ne prenait aucune part aux élections. Le syndicat ne faisait que proposer les six inspecteurs qui surveillaient les étaux et les abattoirs: c'était le préfet qui les nommait.

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