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servit à payer les dépenses du syndicat, à racheter successivement des étaux, jusqu'à réduction au nombre légal, et à donner, avec l'approbation du préfet, des secours ou des pensions aux anciens bouchers et employés de la boucherie qui manqueraient des moyens suffisants de pourvoir à leur subsistance1. » Il semblait que la réglementation s'aggravât à chaque changement. La liberté n'avait eu aucune part à ces mesures. Elle n'avait pas inspiré l'ordonnance de 1825; elle n'en avait nullement profité, et cependant on ne craignit pas de dire que la liberté de la boucherie était condamnée par l'expérience.

Ainsi s'écoulèrent les quinze années de la Restauration. L'organisation sociale de la France moderne rencontra de nombreux ennemis à la Cour, dans les Chambres, dans les salons, dans les conseils divers de la monarchie, comme dans les bureaux même de l'administration. Elle subit pour ainsi dire un siége continuel et eut à soutenir de fréquents assauts de la part des intérêts qui regrettaient les bénéfices du passé et des convictions qui croyaient voir dans l'émancipation des individus la ruine de la moralité. Les vœux annuels des conseils généraux sont une image fidèle des préoccupations du monde politique durant cette période. Pendant qu'en matière d'industrie plusieurs d'entre eux, tantôt plus, tantôt moins, selon les chances de succès et l'opinion des ministres, demandaient chaque année le rétablissement des corporations, des inspecteurs, des règlements la refonte du Code de com

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1. Ordonnance royale du 18-27 octobre 1829, et ordonnance du préfet de police du 25 mars 1830.

2. En 1817, la Creuse; en 1818, la Côte-d'Or; en 1819, le Tarn; en 1820, 3 départements; en 1821, 4 départements; en 1822, 6 départements; en 1823, 5 départements; en 1824, 6 départements; en 1825, 4 dépar tements; en 1826, 3 départements; en 1829, 2 départements. La Mayenne fut un des départements les plus persévérants en ce genre. Le département de la Seine se prononça, en 1824 et en 1825, pour ce rétablissement. 3. Voir, entre autres, en 1818, la Lozère.

4. Voir, entre autres, la Somme rappelant, en 1817, l'ordonnance de 1793 qui prescrivait de brûler les marchandises prohibées; l'Hérault deman. dant, en 1818, des règlements et des inspecteurs pour les étoffes destinées au commerce du Levant.

merce1, d'autres, et souvent les mêmes, réclamaient avec plus d'unanimité encore la révision des lois rendues depuis 17892, et surtout des lois relatives à la propriété et aux majorats, l'extension de la puissance paternelle, principalement au sujet du droit de tester, l'éloignement de la majorité à 25 ans, la remise de l'état civil au clergé, ou tout au moins l'obligation du mariage religieux. Ce fut une guerre en règle et les plus redoutables efforts des assaillants furent tentés sous les auspices du comte de Villèle, de 1822 à 1828, lorsqu'il dirigeait les affaires. Avant lui, le comte Decazes n'avait pas laissé s'organiser l'attaque; après lui, sous le ministère Martignac, l'armée se débandant, il ne resta devant la brèche que les plus déterminés.

La forteresse résista et le Code civil ne subit que deux changements graves, la suppression du divorce et la loi des substitutions. L'organisation administrative fut moins contestée et partant demeura telle que l'avait faite un gouvernement plus soucieux de l'ordre que de la liberté. Les libéraux, à quelques exceptions près, ne songeaient pas à la renier, parce qu'elle tenait aux traditions de l'Empire; les ultra-royalistes, tout en la blâmant quand ils étaient dans l'opposition, s'en servaient comme d'un instrument commode quand ils occupaient le pouvoir et ne repoussaient guère d'une manière absolue que l'Université. Malgré le nombre et la puissance de ses ennemis, malgré la direction imprimée parfois à la conduite des affaires, la société fran

1. C'est surtout le livre des faillites qu'on attaque. Voir, entre autres, ia Marne en 1819. En 1826, refonte demandée par 5 départements.

2. En 1824, 10 départements, entre autres, l'Indre-et-Loire et les Bouchesdu-Rhône; en 1826, 6 départements; en 1829, 3 départements.

3. En 1824, 25 départements; en 1826, 34 départements; en 1829, 3 départements.

4. Voir les sessions de 1821 et suivantes. En 1822, 19 départements; en 1824, 21 départements; en 1826, 22 départements; en 1829, 11 dépar

tements.

5. En 1822, 13 départements; en 1824, 13 départements; en 1826, 20 départements; en 1829, 6 départements.

6. En 1824, 26 départements; en 1826, 31 départements; en 1829, 12 départements.

çaise resta fondée sur les principes de la Révolution de 1789 et gouvernée par l'administration impériale. La Restauration n'y avait pour ainsi dire introduit qu'une chose, mais tellement grande qu'elle suffit à lui faire pardonner bien des fautes la vie politique.

CHAPITRE II.

LA POLITIQUE COMMERCIALE.

Droit

De l'esprit des lois douanières. — Ordonnance du 23 avril 1814. — L'administration et la Chambre. Réclamations contre l'ordonnance. sur les fers. Loi du 17 décembre 1814.- Rapport de Magnié-Grandprez. - Loi du 28 août 1816. Loi du 27 mars 1817.- Le transit d'Alsace rétabli. - Protestations des ports de mer. Loi de 1819 sur l'échelle mobile. Loi de 1821. Les conséquences. nistes. Loi de 1820.

Réclamations protectio

- Rapport de Bourienne. Loi du 27 juillet 1822.

Les bestiaux. · Les fers.

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Les sucres. Premières réclamations des manufacturiers contre le système. - Prétentions de la droite. Profession de foi du baron de Saint-Cricq. — Loi du 17 mai 1826. — Attitude du gouvernement.-Difficultés du système. -Traités de commerce..-Les études économiques. J.-B. Say et la théorie des débouchés. - Projet de loi modéré du ministère Martignac. Caractère du système protecteur. — De la faveur dont il jouissait en Europe.

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Les lois commerciales qui devraient être principalement fondées sur les besoins de la consommation, sont subordonnées en réalité à la politique. Faites par des hommes, il leur arrive trop souvent de porter l'empreinte des passions, et de représenter moins la nature des rapports économiques d'une nation, que les intérêts particuliers et les préjugés de ceux qui la gouvernent.

Il n'est pas de lois humaines qui soient à l'abri de ce défaut; mais il n'en est peut-être pas qui en soient plus ordinairement affectées que les lois relatives au commerce extérieur. La République et l'Empire s'étaient acharnés à la lutte contre les Anglais; la législation douanière fut alors armée

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en guerre et hérissée de prohibitions belliqueuses : le but était d'écarter l'ennemi de la place. La Restauration fut pacifique, mais obligée de se concilier les grands propriétaires et les grands manufacturiers qui formaient la majorité de la Chambre; la législation douanière se pliant à leurs exigences, continua à se hérisser de prohibitions mercantiles et égoïstes le but, cette fois, était de réserver le marché à ceux qui faisaient la loi.

Le système continental était devenu odieux aux populations. Il était certain que le nouveau gouvernement commencerait par le renier. D'ailleurs la force des choses y poussait. A la suite des armées étrangères, étaient entrées, dans nos ports et par toutes nos frontières, les denrées coloniales et les marchandises anglaises. Les prix avaient éprouvé une révolution soudaine, et l'on voyait se produire cette bizarrerie, que le sucre, par exemple, se vendait communément 38 sous la livre au moment où la loi le frappait encore, en droit, d'une taxe de 44 sous, et empêchait ainsi les négociants de retirer les approvisionnements qu'ils avaient dans les entrepôts : il était impossible de maintenir la loi. Les Anglais d'ailleurs, dont les désirs étaient alors des ordres, en sollicitaient le rappel. Peu de jours après son entrée à Paris, le comte d'Artois signa deux ordonnances, l'une qui supprimait les Cours prévôtales', l'autre, qui levait les obstacles mis au commerce maritime 2. Les taxes prohibitives furent remplacées par un droit très-modéré sur le sucre et le café et par un simple droit de balance sur les cotons en laine.

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Cette mesure se heurta contre une double opposition. L'administration impériale, formée à l'école de la prohibition, s'était habituée depuis treize ans à en pratiquer les maximes; elle était en général imbue de l'esprit du système et d'autant moins disposée à y renoncer que l'ingérence de l'État dans les affaires commerciales lui donnait plus d'importance. De leur côté, les grands industriels étaient dési

1. Ord. du 26 avril 1814.

2. Ord. du 23 avril 1814. Voir le Moniteur de 1814, p. 451.

3. Le sucre fut taxé à 6 sous la livre.

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