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Napoléon envoya un courrier à l'Impératrice pour l'informer de la négociation à laquelle il était réduit. Il l'autorisait à dépêcher Champagny à l'empereur d'Autriche, qui était toujours en Bourgogne, pour le presser d'intervenir en faveur d'elle et de son fils : démarche désormais inutile.

Malgré l'occupation de Paris et les manoeuvres du parti royaliste, l'attitude de cette ville n'était pas rassurante; la masse de la population ne supportait qu'avec peine la présence de l'étranger et la jactance insultante de quelques royalistes se parant de cocardes blanches. Des symptômes inquiétans s'étaient manifestés. Dès le 2 avril, on avait voulu faire prendre cette cocarde à la garde nationale; la majorité des chefs de légion avaient déclaré que leurs corps n'y consentiraient pas. Le nouveau commandant-général, Dessolles, le gouvernement provisoire et les coalisés avaient été obligés de céder. La constante fidélité de l'armée était pour eux un grand embarras, un sujet de vives alarmes; Talleyrand et ses complices étaient sur les charbons. Il était donc du plus grand intérêt pour eux d'obtenir une défection éclatante pour priver l'Empereur d'une partie de ses forces, et pour porter la désorganisation dans l'armée; ils n'avaient que l'embarras du choix. Mais Marmont commandait à l'avant-garde, c'était le vieil aide-de-camp de l'Empereur, un des plus dévoués; si on pouvait le gagner, quelle influence aurait son exemple!

Le 30 mars, Marmont s'était pressé de capituler.

Le soir, chez lui, on s'était montré las du joug de Napoléon, le nom de Bourbon avait été prononcé; il était sur la pente, une fatalité l'y poussait; l'intrigue aida la fatalité. Talleyrand, Bourienne, Dessolles le préparèrent; Schwarzenberg lui porta le dernier coup, lui envoya tous les documens pour le mettre au courant de ce qui s'était passé à Paris depuis qu'il en était sorti, ainsi qu'une invitation du gouvernement provisoire à se ranger sous les drapeaux de la bonne cause française, et l'engagea, au nom de la patrie et de l'humanité, à écouter des propositions qui devaient mettre un terme à l'effusion du sang précieux des braves qu'il commandait. 1

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Marmont n'hésita pas l'opinion publique avait toujours été la règle de sa conduite. L'armée et le peuple se trouvaient déliés du serment de fidélité envers l'Empereur Napoléon par le décret du sénat, il était disposé à concourir à un rapprochement entre l'armée et le peuple, qui devait prévenir toute chance de guerre civile et arrêter l'effusion du sang. En conséquence, il répondit qu'il était prêt à quittér avec ses troupes, l'armée de l'Empereur Napoléon, aux conditions suivantes, dont il demandait la garantie par écrit :

1° Schwarzenberg, commandant en chef des armées alliées, garantirait à toutes les troupes françaises qui quitteraient les drapeaux de Napoléon

Lettre du 3 avril.

Bonaparte, qu'elles pourraient se retirer librement en Normandie avec armes, bagages et munitions, et avec les mêmes égards et honneurs militaires que les troupes alliées se devaient réciproquement;

2° Que, si par suite de ce mouvement, les évènemens de la guerre faisaient tomber entre les mains des puissances alliées la personne de Napoléon Bonaparte, sa vie et sa liberté lui seraient garanties dans un espace de terrain et dans un pays circonscrit au choix des puissances alliées et du gouvernement français.

La réponse de Marmont était tellement inattendue, que Schwarzenberg ne put assez lui exprimer la satisfaction qu'il éprouvait en apprenant l'empressement avec lequel il s'était rendu; il ne marchanda donc pas et accepta les conditions. !

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Arrivés à Essonne, les plénipotentiaires allèrent chez Marmont; il était informé de ce qui s'était passé à Fontainebleau, par un de ses aides-de-camp, qui s'y trouvait et qui en était parti avant eux. Il leur fit part de sa négociation avec Schwarzenberg, leur dit qu'il n'y avait rien de consommé, qu'il avait fait des propositions, et qu'il attendait une réponse; il parut même desirer de trouver un moyen dilatoire pour donner le temps aux plénipotentiaires de remplir leur mission. Ils lui rapportèrent les intentions de l'Empereur à son égard, et lui proposèrent de partir avec eux, ce qu'il fit.

1 Lettre du 4 matin.

Les plénipotentiaires avaient une escorte ennemie. Quand ils furent à l'avenue du château de Petitbourg, elle y fit détourner les voitures : c'était là le quartier général du prince royal de Wurtemberg. Marmont, qui était dans la même voiture que Macdonald, témoigna de l'inquiétude et de la répugnance, dans l'état de négociation où il était avec l'ennemi, à paraître devant le prince royal. Macdonald lui conseilla de rester dans la voiture jusqu'à ce que les plénipotentiaires revinssent le trouver pour continuer leur route, ce qui ne pouvait être long; car ce petit détour n'avait pour objet que d'attendre l'autorisation de l'empereur Alexandre Marmont consentit à ce tempérament.

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Les plénipotentiaires introduits àu château y furent reçus par Schwarzenberg. Surpris de sa présence à l'avant-garde, ils pouvaient craindre qu'il ne fût là pour quelque opération militaire, et lui demandèrent une explication; il les rassura, et leur répondit qu'il n'était venu que pour faire sa cour au prince royal. Ils furent introduits chez lui. Schwarzenberg étant, en l'absence de l'empereur d'Autriche, son représentant, ils crurent l'occasion favorable pour l'entretenir de l'objet de leur mission. S'il avait une puissance qu'on pût présumer bien disposée pour la régence, ce devait être l'Autriche. Quel fut leur étonnement de trouver Schwarzenberg aussi irrévocablement prononcé contre elle que le prince de Wurtemberg! Pendant la discussion, on vint appeler le généralissime; il s'excusa, disant que

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c'était sans doute pour affaires de service; il rentra, à la grande surprise des plénipotentiaires, avec Marmont désormais son allié.

L'autorisation de l'empereur Alexandre étant arrivée, les plénipotentiaires se remirent en route.

Déjà Schwarzenberg avait, dans un ordre du jour, annoncé la marche du corps de Marmont, par Juvisy, jusqu'à Fresnes, d'où il suivrait son mouvement, d'après les ordres du gouvernement provisoire. A l'entrée de la nuit, l'armée ennemie devait se tenir prête à tout évènement. Le corps ennemi (celui de Marmont) serait escorté jusqu'à Versailles par deux régimens de cavalerie, à cause de l'indisposition des habitans de cette ville; elle serait fortement occupée par les troupes alliées. Par un ordre du jour pour l'armée de Silésie, dont il avait pris le commandement, Barclay disant sans ménagement que le maréchal français Marmont avait promis de passer du côté des alliés, et craignant que Napoléon connût le projet et voulût en profiter pour tenter une surprise de nuit sur l'aile gauche, fit les dispositions de bataille pour ses différens corps, jusqu'à ce qu'on eût appris avec certitúde que le passage de celui de Marmont se fût opéré tranquillement.

Le 5, à cinq heures du matin, ce corps, composé de plus de huit mille hommes d'infanterie et de trois mille chevaux', avec quarante-huit pièces de

1 Divisions d'infauterie de Souham, Ricard, Lagrange, Compans,

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