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ART. 1485.

RECUSATION. -LISTE DES JURÉS. NOTtification.

Les jurés dont les noms oni été compris sur la liste notifiée à l'accusé, peuvent seuls concourir au tirage au sort pour la formation du jury de jugement.

En conséquence, il suffit que sur la copie de la liste des jurés signifiée à l'accusé, l'un des douze jurés de jugement ne figure pas; pour que les débats doivent être annulės. (C. inst. cr. 394.)

ARRÊT (Bris).

La Cour;-sur l'unique moyen proposé d'office et tiré de la violation des art. 394 et 395 C. d’inst. cr., en ce que le nom de l'un des douze jurés qui ont fait partie du jury de jugement, ne se trouve pas sur la

de constater les contraventions à la police rurale; son procès-verbal ne fait donc foi qu'en ce qui concerne le fait matériel de ces contraventions. Toutes les allégations étrangères à ce fait n'y puisent plus aucune autorité. Dans le système de la cour de cassation, il suffirait que le maire donnât l'ordre à un garde-champêtre de verbaliser à l'occasion d'un acte quelconque d'un propriétaire sur un terrain litigieux, pour mettre aussitôt à la charge de celui-ci une preuve souvent très difficile. Ce serait un moyen détourné de changer la facc des procès civils. Et pourquoi renverser la position naturelle des parties? Le procès-verbal peut aussi bien être considéré comme une prétention soulevée par la commune que comme une présomption de sa possession. Ensuite le délit d'anticipation suppose nécessairement l'envahissement d'une propriété étrangère; il n'y a délit qu'autant que la propriété ou la possession envahie n'est pas celle du prévenu. C'est là l'un des élémens de la contravention. Le prévenu serait donc fondé à répondre : vous m'accusez, prouvez le délit, prouvez que j'ai anticipé sur un bien qui ne m'appartenait pas. Il est très-vrai toutefois qu'une simple et vague allégation de propriété ne pourrait paralyser l'action de police; il y a là une appréciation de faits : il ne suffit pas d'opposer une exception, il faut établir, sinon qu'elle est fondée, au moins qu'elle n'est pas dénuée de tout fondement. Ilne suffit pas pour arrêter l'action publique que le prévenu dise, feci, sed jure feci; il est encore nécessaire qu'il établisse, non son droit, mais sa bonne foi. Peutêtre pourrait-on distinguer le cas où le prévenu n'a d'autre adversaire que le ministère public, et celui où il en trouve un naturel, comme la commune dans l'espèce. En général, la jurisprudence de la cour de cassation nous paraît trop absolue sur cette matière; quelques distinctions nous sembleraient nécessaires pour justifier l'application de la règle générale que tous ses arrêts tendent à consacrer.

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liste qui a été notifiée à l'accusé : —vu les art. 394 et 395 C. d'inst. cr.; attendu qu'aux termes de ces articles, le nombre de douze jurés est nécessaire pour former un jury et que la liste des jurés d'oit être notifiée à l'accusé la veille du jour déterminé pour la formation du jury, à peine de nullité; qu'il suit de là que nul ne peut concourir au tirage au sort pour la formation du jury de jugement, si son nom n'est pas compris sur la liste notifiée la veille à l'accusé; attendu, en fait, que du procès-verbal du tirage au sort pour la formation du jury, en date du 6 août, et de la liste des jurés signifiée la veille à l'accusé, qui l'un et l'autre sont joints à la procédure, il résulte que le nom du sieur Mestreau, tiré en 2e ordre pour former le tableau des douze jurés de jugement qui ont rendu leur déclaration contre P. Bris, ne se trouve nullement porté dans la liste des 36 jurés ordinaires et des 4 jurés supplémentaires, signifiée la veille à cet aceusé, et que son nom y est remplacé par celui du sieur Pastoureau qui y est porté deux fois ; — attendu que dès lors, le sieur Mestreau, dont le nom n'avait pas été signifié à l'accusé, était sans caractère pour concourir à la formation du jury, et ne pouvait légalement devenir un des juges de P. Bris; - que la déclaration d'un jury ainsi illégalement formé, n'a pu servir de base légale à la condamnation prononcée par la Cour d'assises : ---- Par ces motifs, casse la notification faite le 5 août et tout ce qui a suivi.

-Du 24 sept. 1834.- Cour de cas. M. Meyronnet StMarc, rapp.

Observations. Nous ne savons si la chambre criminelle a entendu déroger par cet arrêt à sa jurisprudence antérieure, relative à la notification de la liste des jurés. Nous avons signalé dans nos art. 507 et 566, les vices de cette jurisprudence qui enlève à l'accusé l'exercice partiel de son droit de récusation, puisqu'en autorisant la notification de la liste générale des quarante jurés, au lieu de la liste rectifiée dans la première séance de la Cour d'assises, elle ne lui fait connaître qu'en partie les noms de ses véritables juges. Plusieurs arrêts rapportés dans nos art. 877, 1186, etc. attestaient l'intention de la Cour de cassation de persister dans ce système. Toutefois nous avons fait remarquer à nos lecteurs, en publiant un arrêt du 26 déc. 1833, une déviation indirecte de cette règle. (Voy. notre art. 1347). Il s'agissait en effet, d'apprécier le mérite d'une notification où se trouvaient indiqués les noms des jurés appelés au remplacement; or, l'arrêt déclare que cette notification n'a pu que faciliter au demandeur l'exercice du droit de récusation, et qu'elle est sous ce rapport pleinement conforme à l'esprit des art. 388 et 395 C. instr. crim. » Or, de ce que la notification, ainsi formulée, est conforme à l'esprit de la loi, ne résulte-t-il pas avec évidence que celle qui a omis cette

même forme y est directement contraire? Dans l'arrêt qui précède, la Cour de cassation va plus loin encore: elle décide qu'aucun juré ne peut concourir au tirage au sort du jury de jugement, si son nom n'a figuré sur la liste notifiée à l'accusé. Les conséquences qui découlent de ce principe sont visibles: les jurés appelés en remplacement ne peuvent concourir à ce tirage, si leurs noms n'ont été notifiés : donc ils doivent figurer sur la listenotifiée; donc la liste notifiée doit être,non la liste générale des quarante, mais la liste rectifiée d'après les absences, les excuses et le tirage des jurés complémentaires. Telle est aussi la règle que nous avions cherché à établir précédemment. A la vérité, la Cour de cassation n'a statué que dans une espèce particulière; mais le principe posé est le même, soit à l'égard de l'omission accidentelle du nom d'un juré, soit à l'égard de l'omission volontaire des noms de tous les jurés appelés en remplacement: l'application ne saurait en être différente. Peutêtre la crainte de prononcer trop de nullités a-t-elle empêché la cour de donner jusqu'ici plus de généralité au principe que les deux arrêts du 26 déc. 1833 et du 24 sept. 1834 reconnaissent implicitement; mais cette jurisprudence incertaine et variable semble plus propre encore à multiplier les erreurs et par suite les nullités. Nous faisons des voeux pour qu'un arrêt de doctrine vienne effacer ces incertitudes, en rappelant cette partie importante de la procédure criminelle aux vrais principes de la loi.

ART. 1486.

GARDE NATIONALE.-PRESCRIPTION.-ACTION PUBLIque.

L'action publique pour les infractions à la loi du 22 mars 1831 est soumise à la prescription prescrite par l'art. 640 C. inst. cr.

ARRÊT.

La Cour;-vu l'art. 640 C. inst. cr. et l'art. 89 de la loi sur la garde nationale; attendu qu'à défaut des dispositions spéciales dans la loi du 22 mars 1831, sur la prescription de l'action publique, les principes du droit commun doivent conserver leur force; attendu que les infractions prévues par cette loi sont dès lors régies par l'art. 640 C. inst. cr., qui dans le cas analogue des contraventions de police, limite à une année l'exercice de l'action publique; attendu, dans l'espèce, que le premier refus de service avait eu lieu à une époque antérieure de plus d'un an au refus itératif qui ne pouvait entraîner seul l'application de l'art. 89 précité, et que l'imputation qui en a été faite dans le jugement attaqué constituc à la fois une fausse applica

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tion du dit article et la violation de l'art. 640 C. d'inst. cr. ; — casse. (1)

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- Du 22 août 1834.-Cour de cass.-M. Rocher, rapp.

art. 1487.

ACTION CIVILE. — COURTIERS.

Nul ne peut être admis à rendre plainte s'il n'a un intérêt direct et un droit actuel à la poursuite du délit. (C. inst. cr. 63.)

La chambre syndicale des courtiers de commerce n'est pas recevable pour se constituer partie civile à raison des délits qui peuvent avoir été commis par les membres de la communauté des courtiers.

Les sieurs Paulmier, courtiers, avaient été dénoncés à la chambre syndicale de leur compagnie comme enfreignant les règles de leur profession, soit en accordant des remises de courtage, soit en s'intéressant personnellement à des actes de courtage. La chambre transmit cette plainte au procureur du roi, et se porta partie civile. Le ministère public conclut, devant la chambre du conseil du tribunal de la Seine, à ce que cette intervention fût déclarée non recevable; mais cette chambre la reconnut au contraire fondée, par décision du 15 avril 1834. Opposition du procureur du roi ; et le 6 mai 1834, arrêt de la chambre d'accusation ainsi conçu :

La Cour; attendu d'une part que la chambre du conseil, d'après la loi, ayant les pouvoirs nécessaires pour apprécier les faits incriminés quant à l'action publique, avait un pouvoir égal, quant à l'action civile, et était par conséquent compétente pour examiner la qualité de la chambre syndicale qui se présentait comme partie civile ; que,

(1) Nous avons dû circonscrire l'introduction dans notre recueil des décisions relatives à la garde nationale, à celles de ces décisions qui se rapportent à la juridiction correctionnelle; or l'arrêt qui précède consacre une règle générale qui doit s'appliquer à toutes les actions exercées en cette matière, soit qu'elles soient portées devant les conseils de discipline, soit qu'elles le soient devant les tribunaux correctionnels. En effet, l'infraction ne change pas de nature parce qu'elle change de juges; elle ne revêt point le caractère d'un délit moral parce qu'elle est portée devant les tribunaux qui connaissent de ces délits; elle conserve le caractère qui lui est propre : celui d'une simple coutravention; les mêmes règles doivent donc continuer à la régir. Le même arrêt est encore important sous un autre point de vue en ce qu'il pose un principe que nous nous sommes souvent efforcés de faire prévaloir et qui consiste à dire que dans tous les cas non prévus par les lois spéciales, les principes du droit commun doivent conserver leur force.

d'autre part, cette chambre qui, comme chambre syndicale, et la par nature même de son institution, ne pouvait être lésée par les faits dénoncés par Pagès et Balliol, n'avait ni droit ni qualité pour figurer dans la poursuite comme plaignante ou partie civile; qu'en conséquence son intervention et sa demande, afin d'être reçue comme partie civile, étaient mal fondées : déclare, etc.

Pourvoi de la chambre syndicale. On a dit à l'appui aux termes de l'art. 63, toute partie qui se prétend lésée peut se constituer partie civile. Son action ne peut être écartée, avant toute instruction, qu'en prouvant qu'elle n'a souffert aucun dommage et qu'elle ne pouvait en éprouver aucun. Or les faits imputés aux prévenus doivent causer un préjudice évident à la communauté des courtiers, soit en aliénant la confiance du public, soit en monopolisant les profits entre les mains de quelques-uns de ses membres, soit en faisant baisser le prix des charges. D'où il suit que l'exception tirée du défaut d'intérêt, n'est pas fondée. A ce raisonnement on répondait que, pour justifier l'exercice de l'action civile, il fallait que la compagnie poursuivante alléguât non pas un simple dommage moral, mais un dommage matériel; qu'il fallait, en outre que le préjudice fût actuel et direct; car nulle action n'est admise sans un intérêt certain qui lui sert de base; et que, dans l'espèce, la chambre d'accusation avait reconnu, en fait. que ce préjudice n'existait pas.

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ARRÊT.

La Cour; - attendu qu'un intérêt direct et un droit actuel peuvent sculs servir de base à une intervention civile; attendu que l'arrêt de la Cour royale de Paris, en jugeant que la chambre syndicale n'a pu, en cette qualité, c'est-à-dire en tant qu'elle représente les intérêts généraux de la communauté des courtiers de commerce, être lésée par les infractions reprochées aux contrevenans, et en la déclarant non recevable dans sa demande à fin d'action civile, a tiré des faits par elle reconnus une conséquence légale et s'est conformée aux principes de la matière : rejette (1).

Du 29 août 1834- Cour de cass.-M. Rocher, rapp.MM. Dalloz et Piet, av.

(1) Cet arrêt confirme les principes que nous avons posés dans notre Revue de la jurisprudence sur l'action civile (Voy. 1833, p. 161 et 162). Cependant on ne doit pas le considérer comme une déviation à la règle consacrée par l'arrêt du 1er septembre 1832, relatif à l'action des pharmaciens contre la vente illicite des médicamens (Voy. notre art. 963 ) : il est visible qu'il n'y avait pas identité d'espèces; là l'intérêt était, sinon appréciable, au moins direct; içi, au contraire,

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