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aux propriétaires respectifs un récépissé des objets pris ou reçus. >> A ce moyen, comme le dit M. Vidari (p. 150), le droit de propriété n'est pas sacrifié, puisqu'au lieu d'une confiscation, il y a un prix comme dans l'achat. C'est pourquoi, en France, on reconnaît encore obligatoires et on a récemment exécuté sans réclamation la loi et le décret des 19 bru. maire et 13 pluviôse an III, ayant consacré et réglementé le droit de réquisition, sauf indemnité, pour les choses nécessaires à la subsistance soit des troupes en marche, soit de la population menacée de disette ou de famine.

Une autre condition, aussi essentielle sous un double rapport, est qu'il y ait réquisition par un chef ayant pouvoir. Puisque le droit dérive de la souveraineté, ou de l'occupation militaire, son exercice ne saurait appartenir à tout soldat; et puisqu'à défaut de paiement actuel, il y a un engagement, susceptible de stipulation dans le traité de paix à intervenir, l'État ne peut être engagé que par ceux auxquels aura été délégué le pouvoir nécessaire. C'est là une règle du droit international et de droit public, reconnue par les publicistes, qui veulent même une constatation par récépissé. C'est l'objet, dans les lois françaises, d'une réglementation réservant le droit au Gouvernement et déléguant l'exécution aux municipalités. La législation allemande manifeste son esprit dans la proclamation du 12 août 1870, où le roi de Prusse, commandant en chef des armées d'invasion, après la promesse aux particuliers du respect de leurs biens, a dit : « Les généraux commandants en chef des différents corps, détermineront, par des dispositions spéciales, qui seront portées à la connaissance du public, tout ce qui se rapporte aux réquisitions qui seront jugées nécessaires pour les besoins des troupes. » C'est conforme à une règle du Code général allemand qui, voulant maintenir pour des cas exceptionnels le droit de butin ou de pillage, a émis cette disposition rappelée par Heffter et citée dans le mémoire: L'État seul peut accorder l'autorisation de faire du butin. Le pillage des sujets ennemis, étrangers à l'armée, ne doit avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation du chef de l'armée. »

Cette condition de pouvoir délégué est des plus importantes, pour un peuple dont les pratiques guerrières ont besoin d'être contenues par une très-sévère discipline, et dont les règlements militaires refusent toujours au soldat ce qu'ils concèdent aux officiers, dont les abus avec impunité sont déjà trop dommageables. Elle doit être strictement maintenue par les autorités françaises, forcées de donner leur concours aux réquisitions régulières et qui ne pourraient empêcher la résistance à des exigences de simples soldats, d'où résulteraient des luttes accidentelles très-dangereuses. Et la condition ne saurait être indifférente aux yeux des juges d'un fait de vol ou pillage, très-différent des réquisitions par l'ennemi pour lesquelles un dédommagement partiel est promis par la loi du 6 septembre 1871,

Le mémoire enfin, abusant du mot ravitaillement, voudrait trouver une raison d'excuse dans ces deux lignes du publiciste allemand Bluntschli: «< En cas de nécessité absolue et lorsque l'État n'a pas pourvu aux besoins du soldat, ce dernier sera excusable s'il s'approprie des vivres. » C'est une pure hypothèse. Avec leur système de réquisitions, en nature et en espèces, les Prussiens ne manquent jamais des vivres nécessaires; logés chez l'habitant, ils ont tout ce qu'il leur faut et même au delà. Les vins et liqueurs, avec le champagne, ne sont pas d'une nécessité telle, que l'on puisse trouver une excuse dans leur appréhension, violente ou clandestine. Voulût-on supposer que c'est un besoin pour les officiers, cela ne ferait pas qu'on dût excuser le mode d'enlèvement, pour eux et aussi pour les simples soldats. En toute hypothèse, l'action aurait les caractères du vol, sauf la question d'intention. Comment le Français complice pourrait-il exciper d'une telle excuse!

La Cour décidera. »

LA COUR ;

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ARRET (Duhamel).

Sur le moyen de cassation tiré d'une violation prétendue des art. 59 et 60, 379 et 401, C. pén.:

Attendu que par l'arrêt attaqué, qui a confirmé le jugement de condamnation en adoptant ses motifs, le demandeur a été jugé coupable de complicité par aide et assistance, dans les conditions de l'art. 60, C. pén., d'un vol ou pillage commis par des soldats prussiens;

Attendu, quant à l'action incriminée, qu'il est constaté en fait par l'arrêt : que les vins et liqueurs de l'entrepreneur du buffet de la gare, à Gisors, avaient êté par lui cachés dans une cave dont l'entrée fut murée, à l'approche de l'ennemi, en septembre 1870; que, le 6 décembre, deux soldats prussiens, accompagnés et éclairés par Duhamel, ont enfoncé le mur et pillé les vins et liqueurs, dont une partie a été bue sur place et le reste enlevé; que ces deux soldats agissaient isolément et en dehors de toute réquisition, dans une commune occupée depuis deux mois par les Prussiens, et où toute lutte et tout fait de guerre avait cessé depuis longtemps;

Attendu que les juges du fait et de l'intention, ayant à qualifier l'action des auteurs principaux et celle du complice, ont décidé qu'il y avait eu soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, dans ces faits de pillage, réprouvés et condamnés par les lois de toutes les nations civilisées, et complicité punis-, sable, aux termes des art. 379 et 401, 59 et 60, C. pén.;

Attendu qu'en appliquant aux faits, souverainement constatés, des dispositions pénales qui sont territoriales et protectrices de la propriété mobilière, l'arrêt attaqué, loin de violer les articles invoqués ou le droit des gens, en a fait une saine et juste application;

Attendu que si les circonstances relevées dans l'arrêt pouvaient ériger en crime le vol ou pillage constaté, la juridiction correctionnelle saisie demeurait

néanmoins compétente, à défaut de déclinatoire par le prévenu et d'appel par le ministère public;

Rejette le pourvoi.....

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Du 15 décembre 1871. C. de cass. M. Achille Morin, cons. rapp. M. Bédarrides, av. gén., concl. conf.

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L'art. 60, C. pén., qui punit comme complices ceux qui donnent des instructions pour commettre un crime ou un délit, n'exige pas que la personne qui a reçu les instructions soit dénommée.

Il n'y a pas contradiction entre le non-lieu prononcé à l'égard de ceux qui étaient poursuivis comme auteurs principaux et l'arrêt de condamnation du complice.

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ARRET (Lagovarde).

LA COUR; Sur le premier moyen, tiré d'une prétendue violation des art. 59, 60 et suiv., C. pén., 271, 335 et 338, instr. crim., en ce que la question de complicité qui a déterminé la condamnation n'était pas susceptible d'être légalement posée, parce que, en admettant que le demandeur ait donné des instructions sur les moyens de commettre le vol, il les aurait donnés non aux auteurs du crime, restés inconnus, mais à d'autres individus qui n'y auraient pas pris part; Attendu que le demandeur, traduit devant la Cour d'assises des Basses-Pyrénées comme auteur d'un vol avec circonstances aggravantes, a été acquitté de ce chef; mais que, sur une question subsidiaire, posée comme résultant des débats, sans réclamation de la part de la défense, en ces termes : « L'accusé est-il du moins coupable d'avoir donné des instructions pour commettre l'action ci-dessus spécifiée? » le jury a répondu affirmativement; Attendu que l'art. 60, C. pén., porte: Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui auront donné des instructions pour la commettre; » - Qu'il n'exige pas que la personne qui a reçu les instructions soit dénommée; · Que la question affirmée par le jury est conçue dans les termes mêmes par lesquels l'art. 60 caractérise ce genre de complicité; - D'où il suit que l'arrêt attaqué, en admettant l'existence de la complicité et en prononçant la peine en conséquence, n'a fait qu'une saine et régulière application de la loi ;- Sur le second moyen, tiré d'une prétendue contradiction entre l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour impériale de Pau, qui aurait reconnu l'innocence de deux individus d'abord inculpés, et l'arrêt de la Cour d'assises des Basses-Pyrénées, qui a condamné le demandeur pour avoir donné des instructions à ces deux individus pour commettre le crime:-Attendu que la chambre d'accusation n'a nullement reconnu l'innocence de ces deux individus, à l'égard desquels il existe seulement une ordonnance du juge d'instruction prononçant un non-lieu quant à présent, faute de charges suffisantes de culpabilité; que, de plus, l'arrêt de la Cour d'assises n'a pas prononcé la condamnation parce que le demandeur au

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rait donné des instructions à ces deux individus, mais parce qu'il a donné des instructions pour commettre le crime, c'est-à-dire des instructions ayant servi à commettre le crime, quels qu'aient pu en être les auteurs; que, dès lors, en fait, il n'y a aucune contradiction entre l'arrêt de mise en accusation et l'arrêt de condamnation, ce qui rend superflu l'examen de l'objection en droit ; - Rejette, etc..

Du 3 mars 1870. C. de cass. M. Carnières, cons. rapp.

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M. Bédarrides, av. gén. ·

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1o L'art. 585, § 3, C. comm., ne punit pas seulement le fait d'acheter pour revendre au-dessous du cours. Les ventes faites par un commerçant, si elles ne sont pas comprises dans cette première catégorie, peuvent être rangées dans celle des moyens ruineux dont il est parlé dans cet article.

2o Les tribunaux de répression ne sont pas liés par les déclarations des tribunaux de commerce sur l'époque de l'ouverture des faillites et sur celle de la cessation des paiements. Il rentre dans leurs attributions de les faire remonter à une date antérieure à celle fixée par le tribunal de commerce.

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ARRET (Lascar et cons.).

LA COUR; Statuant sur le pourvoi des nominés Sadia Lascar, Nessim Lascar, Moïse Lascar, Fredja Lascar et Moïse Smadja, contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour impériale d'Alger prononçant le renyoi des susnommés devant la Cour d'assises de Mostaganem pour banqueroute frauduleuse et pour le délit connexe de banqueroute simple;—En ce qui touche le moyen spécial au chef de banqueroute frauduleuse, fondé sur la violation des art. 591, C. comm., 402, C. pén., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué aurait ordonné le renvoi des demandeurs Sadia Lascar et Nessim Lascar devant la Cour d'assises de Mostaganem comme s'étant frauduleusement reconnus débiteurs, dans leurs écritures, de sommes qu'ils ne devaient pas : Attendu que, de l'exposé des faits, tel qu'il est formulé audit arrêt, rapproché de son dispositif, il résulte que la chambre d'accusation a considéré tous les prévenus comme liés entre eux par une société de fait, dont chacun des membres a participé à tous les faits constitutifs de banqueroute frauduleuse relevés à leur charge; que cette constatation de l'arrêt suffit, dans les circonstances de la cause, pour justifier le renvoi de chacun d'eux, et spécialement des demandeurs Sadia et Nessim Lascar, devant la Cour d'assises, sous l'accusation de banqueroute frauduleuse sur le chef susindiqué, et que l'arrêt contient, d'ailleurs, des motifs suffisants tant sur ce chef que sur chacun de ceux à raison desquels les demandeurs sont l'objet de ce renvoi; d'où suit que l'arrêt n'a violé aucune des dispositions susvisées;

En ce qui touche le premier moyen, relatif au chef de banque

route simple, tiré de la violation du § 3, art. 585, C. comm., en ce que l'arrêt attaqué n'aurait pas formellement déclaré que les demandeurs avaient fait, pour retarder leur faillite, des achats pour revendre au-dessous du cours :Attendu que le fait d'acheter pour revendre au-dessous du cours, dans le but de retarder la faillite, n'est pas le seul prévu et puni par l'art. 585, § 3; que ce paragraphe réprime également tout acte ruineux auquel se serait livré, dans ce but, le commerçant failli, et que les constatations de l'arrêt impriment manifestement ce caractère aux actes reprochés aux prévenus en vue de retarder leur faillite ; - En ce qui touche le second moyen sur le même chef de banqueroute simple, puisé dans la violation du même art. 585, § 4, en ce que les prévenus auraient payé des créanciers au préjudice de la masse depuis le 31 juillet 1867, bien que le jugement déclaratif de faillite n'ait fait remonter la cessation des paiements qu'au 16 août de la même année: Attendu que les tribunaux de répression ne sont pas liés par les déclarations des tribunaux de commerce sur l'époque de l'ouverture des faillites ou sur celle de la cessation des paiements; qu'il rentre dans leurs attributions de faire remonter, suivant les circonstances, à une date antérieure à ces faits les paiements qui peuvent avoir été opérés au préjudice des autres créanciers, et qu'en déclarant qu'il y avait charge contre les prévenus d'avoir, depuis le 31 juillet 1867, effectué des paiements de cette nature à divers de leurs créanciers au préjudice d'autres, l'arrêt attaqué, en considérant ainsi que l'ouverture de la faillite remontait à cette date, n'a fait qu'user de son droit, et n'a, par conséquent, violé ni l'art. 585, § 4, ni l'art. 402, C. pén.; Attendu, d'ailleurs, que la Cour impériale d'Alger était compétente pour connaître du litige que le fait reproché aux prévenus était qualifié crime par la loi; que le ministère public a été entendu, et que l'arrêt a été rendu par le nombre de juges fixé par la loi; Rejette, etc.

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Du 10 mars 1870. C. de cass. M. Zangiacomi, cons. rapp. M. Bédarrides, av. gén.

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OBSERVATION. - La solution admise par la Cour relativement à l'indépendance du juge correctionnel et du juge civil, en ce qui concerne la détermination des éléments de la faillite et de la banqueroute, est la conséquence des principes précédemment indiqués dans de nombreux arrêts. Le principe général avait été posé d'une manière très-nette dans un arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 1864, au rapport de M. Du Bodan (J. cr., art. 7869). Cette décision n'était, du reste, que la confirmation d'une jurisprudence antérieure (V. J. cr., art. 653, 2083, 3943, 3991, 5339 et 6401), admise par beaucoup d'auteurs mais repoussée par d'autres (V. Faust. Hélie, Inst. cr., t. III, p. 34; Bertauld, Quest. préj., nos 80 et suiv.; Contrà, Delamare et Lepoitvin, Dr. comm., t. 6, no 48; Trébutien, Dr. crim., t. II, p. 68 et Demangeat, Moniteur des tribunaux, 20 déc. 1863). Depuis, la Cour de cassation avait décidé qu'il appartenait au juge correctionnel de déclarer la qualité de commerçant et l'état de faillite (Cass., 8 août 1867, J. cr., J.cr., art. 8609) et qu'en matière de banqueroute frauduleuse, il appartenait au jury de décider que l'accusé était commerçant failli, quoique la

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