Page images
PDF
EPUB

délit de larcin ou filouterie;

Attendu que les larcins et filouteries ne sont qu'une variété du vol et supposent comme lui la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; Que dans l'espèce, aucun objet mobilier quelconque n'a été appréhendé frauduleusement par le prévenu, et que, dès lors, la décision attaquée n'a pas violé l'art. 401, C. pén. ; - Attendu, d'un autre côté, qu'en décidant que les faits imputés à Vergnault rentraient dans la classe des contraventions à la police des chemins de fer, prévues par l'art. 63 de l'ordonnance du 15 nov. 1846, rendue en exécution de l'art. 21 de la loi du 15 juill. 1845, la Cour d'appel d'Angers, dans son arrêt du 4 juill. 1870, fait une saine application desdits articles; - Rejette.

Du 8 décembre 1870. C. de cass.-M. Greffier, rapp.

[ocr errors]
[blocks in formation]

1o Le traqueur, n'étant pas un simple instrument, commet lui-même un délit lorsqu'il y a chasse illicite.

20 Lorsqu'il attend à l'affût la pièce de gibier levée par le traqueur sur un terrain dont le propriétaire n'y a pas consenti, un chasseur commet le délit encore bien qu'il n'y ait pas de sa part introduction sur cette propriété d'autrui.

30 Les invités à une partie de chasse sont eux-mêmes participants au délit des traqueurs, sans pouvoir être excusés par le motif qu'ils auraient pensé que l'organisateur avait pris toutes précautions pour qu'il n'y eût pas délit de chasse.

LA COUR:

ARRÊT (Gillon c. Fleury, etc.)

Vu les art. 1er, 11, no 2 de la loi du 3 mai 1844, 408 et 413, C. instr. crim.:

Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que, le 12 nov. 1869, Legentil, Demets, de Gantès et Scherzer ont chassé, en employant six traqueurs qui battaient la plaine; que Legentil a lui-même placé les traqueurs, notamment Fleury, sur la limite de deux pièces de terre, appartenant à Gillon de Saint-Philibert, sans avoir obtenu de celui-ci le consentement d'y chasser; que Fleury, longeant la limite de la première de ces pièces, y a fait lever, en traquant, une compagnie de perdrix qui s'y trouvait; qu'il l'a poursuivie, en continuant de traquer, sur la seconde pièce, où il a même pénétré; que, pendant ce temps, les quatre chasseurs étaient postés à peu de distance, dans un fossé bordant la route, où ils guettaient à l'affût le gibier que Fleury traquait et dirigeait de leur côté; qu'il est, en outre, constaté par un procèsverbal régulier, non dénié par les prévenus, ni contesté par l'arrêt attaqué, que les chasseurs ont tiré plusieurs coups de fusil sur ce gibier;

Attendu que la traque qui consiste, en faisant du bruit et des battues, à faire lever le gibier qui se trouve sur une pièce de terre et à le pousser vers l'affût où l'attend le chasseur, constitue un acte de chasse; d'où il suit que si •

[ocr errors][ocr errors]

la traque s'exerce sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, il y a délit aux termes des art. 1 et 11 no 12 susvisés de la loi de 1844;

Attendu, en ce qui concerne Fleury, que l'arrêt attaqué l'a renvoyé des fins de la poursuite, par le motif que le traqueur, simple instrument obéissant à une volonté qui n'est pas la sienne, ne saurait jamais être responsable des faits par lui commis en sa qualité de traqueur ;

Attendu que l'art. 64, C. pén., n'admet, comme fait justificatif, que la force majeure, et nullement l'obéissance que la manœuvre doit à celui qui l'emploie ; que cette obéissance ne peut s'étendre jusqu'à ce qui blesse les lois et l'ordre public et être admise en principe, comme fait justificatif ; que, dès lors, Fleury, âgé seulement de douze ans, d'après l'arrêt dénoncé, s'étant rendu coupable d'actes de chasse délictueux, n'aurait pu être acquitté qu'à défaut de discernement, au cas où cette circonstance aurait été constatée; que même alors il aurait dû être condamné aux dommages-intérêts, s'il y avait lieu, et aux frais du procès ;

Attendu, en ce qui touche Legentil, que tout en le déclarant coupable d'un délit de chasse, pour avoir attendu, dans un affût, le gibier poursuivi par un traqueur qui s'était introduit sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, la Cour d'appel a refusé de reconnaître un acte de chasse délictueux dans le même fait, lorsque le traqueur est resté sur la limite du terrain où il a traqué;

Attendu que les expressions de la loi de 1844 : chasser sur la propriété d'autrui, n'emportent pas nécessairement la pensée de l'introduction ou de la présence du chasseur sur la propriété d'autrui; qu'il y a fait de chasse sur la propriété d'autrui toutes les fois qu'on se livre à des actes de chasse ayant pour objet la recherche, la poursuite du gibier sur cette propriété, quels que soient les moyens employés; d'où la conséquence, qu'attendre à l'affût le gibier qu'un traqueur recherche et poursuit sur la propriété d'autrui, c'est faire acte de chasse sur cette propriété, et un acte de chasse délictueux, si le propriétaire n'y a pas consenti;

Attendu, en ce qui concerne Demetz, de Gontes et Scherzer, qu'ils ont été relaxés par le motif qu'en qualité d'invités de Legentil, ils n'avaient pris aucune part à la battue; qu'ils n'avaient exercé aucune action sur les traqueurs uniquement soumis aux ordres de Legentil, et que ces invités avaient dû croire que toutes les précautions « possibles pour les mettre à l'abri d'un « délit avaient été prises; » d'où il suit que l'acquittement de ces trois prévenus n'a pour base que leur bonne foi;

Mais attendu que les délits de chasse sont des délits-contraventions qui se constituent par le seul fait matériel; qu'une telle infraction ne peut être excusée par l'intention, dès qu'il est reconnu que celui à qui elle est imputée, l'a exécutée librement et volontairement ; qu'il en a, dès lors, assumé toutes les conséquences pénales; que, par conséquent, la bonne foi où les invités de Legentil auraient été que toutes les précautions possibles pour leur éviter de commettre un délit, avaient été prises, ne pouvait être une excuse légale ; Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel de Douai a violé les articles susvisés de la loi de 1844, et les principes de la matière; Casse.

Du 15 décembre 1870. - C. de cass.

Salneuve, rapp.

ART. 9077.

De la composition du jury. Tirage. Incompatibilités.

I. Irrévocable pour le jugement en Cour d'assises des affaires de grand criminel, l'institution du jury doit-elle être étendue aux délits de presse et même aux délits politiques en général? C'est une question souvent agitée et différemment résolue, parce qu'elle tient à l'organisation politique du pays. La Constitution républicaine de 1848 admettait l'extension, plus encore que les lois de 1819 et de 1830, en considérant le jury comme un juge naturel pour le jugement per patriam ; le régime impérial issu du coup d'État avait rendu la compétence, avec ses responsabilités, à la magistrature; celui qui s'appelait « l'Empire libéral », donnait l'attribution au jury dans un projet de loi, que développa le Corps législatif et dont le vote par le Sénat a été empêché, à raison des controverses et par suite des graves événements (Voy. J. du dr. cr., 1870, p. 131 et p. 269). Depuis l'avénement à nouveau du régime républicain, il n'y a pas encore de solution législative, à part un décret qui n'a pas reçu la promulgation légale. (P.-S. Pendant que ceci s'imprimait à Paris, il est intervenu une loi de compétence pour les délits de presse, dont le commentaire paraîtra au prochain cahier).

Pour toutes les affaires que jugerait le jury, sa composition devait être en rapport avec le système politique existant. La loi du 7 août 1848 l'avait réglée par un ensemble de dispositions admettant une présomption d'aptitude en faveur de tout Français qui aurait 30 ans et la jouissance des droits civils et politiques, mais établissant deux causes d'empêchement, différentes incapacités, quelques incompatibilités et deux causes de dispense facultative: cette loi organisait toute une procédure administrative pour la préparation des listes, pour la composition de la liste annuelle dans chaque département et pour les communications à l'autorité judiciaire; après quoi venait une double disposition, relative à la liste de session et ensuite au tirage du jury de jugement (Voy. J. du dr. cr., art. 4371). Tout ce système fut changé par la loi du 4 juin 1853, dont les motifs accusaient la précédente d'avoir fait du ministère de juré un droit de citoyen, alors que ce devait être une fonction exigeant capacité, et même d'avoir concouru par ses imperfections à l'affaiblissement de la répression : les causes d'incapacité étaient multipliées et, en même temps, il y avait création de beaucoup d'incompatibilités, d'exclusions et de dispenses; puis, d'autres garanties étaient établies pour la confection de la liste annuelle comme opération administrative; enfin venaient de nouvelles dispositions, relatives aux excuses et aux formes judiciaires, pour la liste de session et le jury de jugement. (Voy. J. cr., art. 5633).

J. cr. FÉVRIER 1871.

3

II. Quand le Corps législatif, en 1870, fut saisi du projet de loi attribuant au jury les délits de presse, à quoi la Commission ajouta tous délits politiques, M. Biroteau déposa un amendement disant : « La loi du 4 juin 1853 sur la composition du jury est abrogée; la loi du 7-12 août 1848 est rétablie. » MM. Gambetta et Crémieux proposaient la même chose, mais en accentuant davantage le motif politique du retour au système de 1848; en sens inverse, M. du Miral demandait un jury spécial, où il y aurait des élus du suffrage universel et des capacités.

La révolution opérée en septembre a fait survenir un décret du 14 octobre, dont voici l'économie. Il considère d'abord que le moment est arrivé d'accomplir les opérations préparatoires pour la formation des listes de l'année qui approche; « que la loi du 4 juin 1853 n'est pas en harmonie avec les principes du gouvernement républicain » ; qu'il ne s'agit toutefois que de provisoire, en attendant l'organisation définitive par l'Assemblée constituante; qu'enfin l'époque avancée de l'année ne permet plus d'accomplir toutes les formes tracées en 1848, et qu'il faut simplifier. Les dispositions décrétées sont celles-ci : D'une part, « le décret du 7 août 1848, sur le jury, est provisoirement remis en vigeur » (art. 1er); d'autre part, il y a simplification et accélération pour les formes et les rouages, avec limitation des excuses pour service antérieur (art. 2-6). Rendu par le Gouvernement de la défense nationale à Paris, ce décret a été promulgué pour les départements autres que celui de la Seine, suivant décret de la délégation du Gouvernement hors Paris du 24 octobre, puis interprété avec dispositions de circonstance par décrets rendus à Tours et à Bordeaux les 25 novembre, 27 décembre et 10 janvier. Tous ces décrets avaient en vue la confection des listes selon les idées républicaines, au point de vue de la capacité des jurés et de l'opération administrative. Mais ayant prévu que les nouvelles listes ne seraient pas dressées à temps, pour servir au tirage des jurés dans les sessions d'assises qui pouvaient s'ouvrir, les décrets de la délégation ordonnaient de prendre à cet effet les listes ayant déjà servi pour 1870; puis à Paris, dès que l'armistice eut permis le fonctionnement des assises, un décret du 3 février a dit : « Considérant qu'il y a lieu de procéder immédiatement à la formation des listes du jury conformément au décret du 14 octobre 1870, dont les nécessités du siége ont retardé l'exécution dans le département de la Seine; Considérant toutefois qu'il est nécessaire que le cours de la justice criminelle ordinaire ne reste pas plus longtemps suspendu; décrète: Art. 1er. Il sera procédé immédiatement à la confection des listes du jury dans le département de la Seine, conformément au décret du 14 octobre 1870. Art. 2. La Cour d'assises de la Seine reprendra son fonctionnement à Paris au 15 février 1870. Il sera procédé provisoirement au tirage du jury sur la liste dressée d'après la loi du 4 juin 1853, pour l'année 1870. Aucune excuse tirée du service antérieur ne sera admise. » De là une grave question.

III. L'œuvre judiciaire est essentiellement dans le domaine de la loi eriminelle aussi le Code d'instruction l'a-t-il réglée par ses art. 368 et suiv., dont le premier porte que, « dix jours au moins avant l'ouverture des assises, le premier président de la Cour tirera au sort 36 noms qui formeront la liste des jurés pour toute la session, et tirera en outre quatre jurés supplémentaires », et dont les autres tracent les formes pour toute décision sur les excuses, empêchements, etc. Ces dispositions ont pu être modifiées par la loi sur la composition du jury, quant aux causes ou conditions d'excuse ou d'incompatibilité; mais les changements dans celle-ci pourraient laisser subsister dans la loi criminelle ce qui a été plutôt maintenu que changé, par exemple pour les formes du tirage et le nombre des jurés, soit titulaires, soit supplémentaires.

Si le décret de 1848 était rétabli entièrement et exécuté, ce serait lui seul qui ferait loi, nonobstant son abrogation par la loi de 1853 et les dispositions du Code d'instruction que maintenait celle-ci. Mais son rétablissement, qui n'était que provisoire, semblerait n'avoir eu en vue que les opérations préparatoires pour la confection des listes, avec des moyens de simplification qui n'ont même pu donner une nouvelle liste pour 1871 aussi a-t-il fallu revenir à un autre système. Pour les départements où il y avait eu entrave par la présence de l'ennemi, le décret du 25 novembre a dit que « la liste du jury formée pour l'année 1870, continuera à servir au tirage des jurés pour l'année 1871 » (art. 1er); et pour ceux où il n'y avait que retard, il a ajouté : « sans que l'inobservation des délais prescrits par le décret du 14 octobre puisse entraîner la nullité de la liste, ni des arrêts auxquels auront coopéré les jurés qui y seront compris » (art. 2). Relativement à la Cour d'assises de la Seine, le décret du 3 février, après avoir prescrit que le fonctionnement reprît le 15, a dit qu'il serait procédé provisoirement au tirage du jury sur la liste dressée d'après la loi du 4 juin 1853.

Que résulte-t-il de ces changements législatifs, partiels et provisoires, pour l'œuvre judiciaire qui consiste à composer la liste de session, puis la liste de service, en tirant le nombre de jurés voulu et en statuant sur les excuses ou les incompatibilités invoquées? Dans certaines Cours il a été procédé selon la loi de 1848, et dans d'autres, selon celle de 1853. A Paris, la 1re chambre civile a suivi la loi de 1848, en tirant six supplémentaires; mais la Cour d'assises a fait le tirage des complémentaires en suivant l'art. 18 de la loi du 4 juin 1853. Quelle est la meilleure interprétation?

IV. Le nombre des jurés, pour la liste de session, est différent selon qu'on applique telle loi ou telle autre. Avant 1848, et aux termes de l'art. 388, C. instr. crim., le tirage précédant de dix jours l'ouverture des assises devait composer la liste de session, avec 36 titulaires, de quatre jurés supplémentaires pris parmi les individus mentionnés au

« PreviousContinue »