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conséquent, les marchés de fournitures faites par l'intendant du camp des Alpines, de l'ordre du préfet pour le compte des gardes nationaux mobilisés, étaient valables; toute la question est de savoir si les fourni. tures faites à des gardes nationaux mobilisés non encore mis à la disposition du ministre de la guerre, sont faites pour le service de l'armée.

Eh bien! sur ce point, que la Cour nous permette de nous placer au même point de vue que l'orateur du Gouvernement, quand il faisait l'exposé des motifs des art. 430 et 433, C. pén., et de nous supposer dans le cas dont il parlait. Le génie d'un homme, disons-nous, a tout prévu, non-seulement pour assurer la victoire de ses braves phalanges et expulser du territoire un ennemi qui le souille de sa présence, mais encore pour assurer à ses soldats leur subsistance et leur habillement, partout où ils se trouveraient en masse ou isolés. Pour renforcer l'armée, on a mobilisé les gardes nationales. Un fournisseur, Picon, a trompé les hautes vues de prévoyance de cet homme de génie. Il n'a fourni aux gardes nationaux mobilisés, qui n'étaient pas encore mis à la disposition du ministre de la guerre, que de mauvaises chaussures de carton et d'étoupe. Ces gardes mobilisés ont reçu l'ordre de se trouver sur le champ de bataille; ils sont en marche, mis à la disposition du ministre de la guerre; faute de chaussure, ils ne sont pas arrivés en temps opportun. L'armée a succombé sous le nombre; la bataille a été perdue; le désastre est complet.

Selon l'arrêt attaqué, si les fournitures eussent été faites, après la mise des gardes nationaux à la disposition du ministre de la guerre, les art. 430 et 433 eussent été applicables ces articles ne peuvent plus l'être, les fournitures ayant été faites avant la mise à la disposition du ministre. Les négligences, les fraudes du fournisseur sont-elles donc plus excusables avant qu'après ? Le préjudice est-il moins considérable! Les conséquences en sont-elles moins désastreuses? Mais si ces gardes nationaux mobilisés n'étaient pas encore incorporés dans l'armée, ou n'appartenaient pas encore à l'armée, comme le dit l'arrêt attaqué, au moment des fournitures ils y étaient destinés, puisqu'ils n'attendaient, pour être mis à la disposition du ministre de la guerre, que l'instant où ils seraient habillés et équipés. Les fournitures ne regardaient-elles pas alors le service de l'armée? Ce n'est pas tout l'art. 433 veut que les poursuites contre un fournisseur des armées ne puissent être faites que sur la dénonciation du Gouvernement. Vous en avez donné pour motif, dans votre arrêt du 13 juillet 1860, au rapport de M. Legagneur (B. no 157), « que ce préalable, établi dans le but d'empêcher que << l'exercice intempestif de l'action publique contre des fournisseurs << n'entrave inopportunément un service dont l'exact et régulier ac«complissement peut être d'un intérêt majeur pour l'Etat, rentre dans <«<les attributions du ministre, chef suprême de son administration, en <«< qui se personnifie le gouvernement pour les actes de son ministère,

<«<et qui seul est en position d'apprécier, à tous les points de vue, fles << besoins du service de son département et de reconnaître si la pour« suite peut être introduite sans danger.

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Dans l'espèce actuelle, Picon a fait des fournitures aux gardes mobilisés avant leur mise à la disposition du ministre de la guerre. Il est poursuivi, arrêté, sous prétexte de négligence ou de fraude. Il est mis dans l'impossibilité de satisfaire à ses engagements. Les gardes nationaux sont mis à la disposition du ministre de la guerre; ils reçoivent l'ordre de se mettre en marche, et ils ne le peuvent faute de chaussures. Un service, dont l'exact et régulier accomplissement est d'un intérêt majeur pour l'Etat, est entravé par une poursuite intempestive. Qu'importe dès lors que des fournitures faites à des gardes nationaux mobilisés le soient avant ou après leur mise à la disposition du ministre de la guerre ? La dénonciation du gouvernement n'était-elle donc pas nécessaire dans un cas comme dans l'autre ?

La Cour appréciera. Mais si elle était d'avis que l'art. 433, et non l'art. 423, fût applicable aux demandeurs, il y aurait lieu de casser, par le motif que la poursuite ne pouvait être faite que sur la dénonciation du ministre. La dénonciation par l'intendant du camp des Alpines ne saurait y suppléer, attendu que le ministre, chef suprême de son administration, en qui se personnifie le Gouvernement pour les actes dépendant de son ministère et qui seul est en position d'apprécier à tous les points de vue les besoins du service de son département, et de reconnaître si la poursuite peut être introduite sans danger, était seul compétent pour la porter. C'est ainsi que vous l'avez décidé par votre arrêt du 13 juillet 1860 que nous avons déjà cité à l'égard d'une dénonciation portée, dans un cas semblable, par un préfet maritime. Vous avez cassé, par le motif que cette dénonciation ne pouvait équivaloir à celle du ministre de la marine. »>

ARRÊT (Picon et Péronin).

LA COUR;-Ouï M. le conseiller Salneuve, en son rapport, Mo de Saint-Malo, avocat en la Cour, en ses observations dans l'intérêt de Picon, et M. l'avocat général Bédarrides, en ses conclusions : Sur l'unique moyen de cassation tiré de la violation de la seconde disposition de l'art. 433, C. pén., en ce que les poursuites ont eu lieu contre les demandeurs, fournisseurs de l'armée, sans la dénonciation du Gouvernement; Vu les art. 423, 430 et 433, C. pén.; Vu les décrets des 29 sept., 11, 22 oct., 6 nov. 1870, ensemble l'art. 138, L. 22 mars 1831; Attendu que, saisi par une ordonnance du juge d'instruction de la connaissance d'un délit de tromperie sur la nature de la chose fournie, dont étaient prévenus Picon et Péronin, à raison de fournitures pour le compte de gardes nationaux mobilisés, le tribunal correctionnel de Marseille a appliqué l'art. 423, C. pén.; Attendu que, devant la Cour d'appel d'Aix, les prévenus ont excipé de la seconde disposition de l'art. 433, C. pén., qui porte que, dans les cas prévus par ledit article et les trois articles

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précédents, la poursuite ne peut être faite que sur la dénonciation du gouvernement; Attendu que la Cour d'appel a repoussé cette exception par le motif que le marché contracté par Picon n'avait pas été passé avec l'autorisation ou sur l'ordre du ministre de la guerre et que les fournitures, dont Picon était chargé, avaient été faites à des gardes nationaux mobilisés, avant leur incorporation dans l'armée; Attendu que l'art. 433, C. pén., et non l'art. 423, est seul applicable aux individus chargés de fournitures pour le compte des armées de terre et de mer, dans le cas de tromperie sur la nature des choses fournies; Attendu que, pour son application, l'art. 433 n'exige pas que les marchés de fournitures pour le compte des armées de terre aient été passés avec l'autorisation ou sur l'ordre du ministre de la guerre; qu'il suffit qu'ils l'aient été, au nom de l'État, par une autorité légalement autorisée à cet effet; Attendu que, s'il est vrai, comme le constate l'arrêt attaqué, que le ministre de la guerre soit demeuré étranger au marché passé d'urgence avec Picon par l'intendant du camp des Alpines pour les fournitures de chaussures destinées aux gardes nationaux mobilisés du département des Bouchesdu-Rhône, ce marché avait été fait, au nom de l'État, de l'ordre de l'administrateur supérieur de ce département, c'est-à-dire du préfet qui était, aux termes des décrets des 29 sept., 11 et 22 oct. 1870, chargé de pourvoir à l'organisation, à l'armement, à l'habillement et à l'équipement des gardes nationaux mobilisés; que, d'après le dernier de ces décrets, ces gardes étaient armés, habillés, équipés et soldés par l'État, au moyen de contingents fournis par les départements et les communes et versés dans les caisses du Trésor; et que, par un décret du 6 novembre de la même année, un crédit de 60 millions avait été, à cet effet, ouvert au ministre de l'intérieur ;-Attendu que si les gardes nationaux mobilisés ne devaient être mis à la disposition du ministre de la guerre qu'après leur organisation, ils étaient cependant destinés à faire partie de l'armée et à concourir, d'après l'art. 138, L. 22 mars 1831, comme auxiliaires de l'armée active, à la défense des places fortes, des côtes et des frontières; qu'il n'importe donc nullement que les fournitures soient faites avant ou après leur mise à la disposition du ministre de la guerre; car, d'une part, la négligence ou la fraude des fournisseurs peut offrir les mêmes dangers pour la santé des troupes et la sécurité du pays, que le législateur a voulu assurer par les art. 430 et suiv., C. pén.; d'autre part, la poursuite sans la dénonciation du Gouvernement peut entraver un service important, ce que la deuxième disposition dudit art. 430 a pour but d'empêcher; Attendu, dès lors, que les fournitures faites par Picon et Péronin étaient pour le compte des armées de terre; Qu'en conséquence, les poursuites ne pouvaient être faites contre eux que sur la dénonciation du gouvernement; D'où il suit qu'en appliquant l'art. 423 au lieu de l'art. 433, C. pén., et en rejetant l'exception tirée du défaut de dénonciation du gouvernement, l'arrêt attaqué a fait une fausse application du premier de ces articles et violé le second; Casse...., renvoie.

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Du 12 janvier 1872. .C. de cass. M. Salneuve, rapp. M. Bédarrides, av. gén., concl. conf.

TABLE ALPHABÉTIQUE

DES

MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME XLIII.

A

-

-

En

matière d'abus de confiance, l'arrêt de con-
damnation est insuffisamment motivé lors-
qu'il admet l'existence d'un commence-
ment de preuve sans en indiquer la nature
précise, 9484-302.-De même, le com-
mencement de preuve résultant des ré-
ponses des prévenus ne peut suffire si l'ar-
rêt n'énonce pas qu'il s'agit des réponses
faites et signées par lui, 9484-302.

ACCUSATION (Ch. d'). - L'art. 136,

C. instr. crim., attribue exceptionnelle-

ment à la chambre des mises en accusa-

tion le pouvoir de statuer sur des dom-

mages-intérêts dus par la partie civile au

prévenu renvoyé des fins de la plainte.

Aussi cette chambre ne peut condamner

la partie civile qui succombe dans son op-

position à des dommages-intérêts envers

le prévenu, lorsque celui-ci n'en a pas

formé la demande, 9087-92. L'art.

234, C. instr. crim., qui déclare la chambre

d'accusation tenue dans tous les cas de
statuer sur tous les chefs de crimes et
délits résultant de la procédure à l'é-
gard de chacun des prévenus, n'est qu'é-
nonciatif. L'omission de sa part de sta-
tuer sur un des chefs de l'ordonnance du
juge d'instruction qui renvoie l'accusé en
police correctionnelle ne fait pas obstacle

J. cr. DÉCEMBRE 1871.

à l'action du ministère public devant cette
dernière juridiction, 9415-457. — L'or-
donnance de prise de corps jointe à l'arrêt
de renvoi rendu par la chambre d'accu-
sation doit contenir à peine de nullité un
exposé de fait assez complet pour per-
mettre à la Cour de cassation d'apprécier
si le fait est qualifié crime par la loi, 9439-
489.- La partie civile ne peut se pour
voir contre un arrêt de la chambre d'ac-
cusation confirmant un non-lieu, 9208-
343.

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ACCUSATION (mise en).-Tout arrêt de

mise en accusation, avec ordonnance de

prise de corps, doit, à peine de nullité,

contenir un exposé sommaire qui soit

assez explicite pour que la Cour de cassa-

tion puisse contrôler la qualification des

faits. Mais un tel exposé peut se trou-

ver à suffire dans l'ensemble des motifs

l'arrêt, 9079-49. - L'accusé qui se pour-

voit contre l'arrêt dans les trois jours francs

de la signification, peut présenter d'autres

moyens que ceux limités par l'art. 299,

C. instr. crim. Une première déclaration
plus ou moins régulière, faite dans ce dé-
lai, produit un tel effet après ou nonobs-
tant la déclaration nouvelle régulièrement
reçue par le greffier dans la maison de
justice. Mais son effet ne va pas jusqu'à
rendre recevables des moyens de nullité
d'actes d'instruction, quand ils n'ont pas
été relevés devant la chambre d'accusation
9079-49. Si les lois électorales ne pu-
nissent que comme délits certaines frau-
des, avec ou sans falsification, cela n'em-
pêche pas qu'il y ait les crimes prévus
par les art. 145, 146 et 148, C. pén., de
la part du maire présidant un bureau élec-
toral, qui, pour être répute conseiller élu,
falsifie son procès-verbal par un grattage,
en dénature la substance par une interca-
lation après coup et fait usage de cette
pièce fausse, 9079-49. Quand l'accusé
non détenu est sans domicile ni résidence
connue, la notification de l'arrêt de renvoi
et de l'acte d'accusation doit lui être faite,

-

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24

suivant l'art. 69, C. proc. civ., non au parquet du tribunal d'instruction, qui est dessaisi, mais à celui du siége de la Cour d'assises saisie. La nullité pour violation de cette règle, n'est couverte ni par la déclaration de l'accusé se bornant à reconnaître qu'il y a eu notification, ni par l'interrogatoire et l'arrêt ne constatant pas non plus qu'il ait reçu copie de l'emploit, 9090-95.

-

ADULTÈRE. Dans le cas d'action en adultère, suivie d'une condamnation prononcée contre la femme et son complice, la réconciliation des deux époux, survenant après appel interjeté, éteint l'action publique contre le complice de la femme. Mais elle n'éteint l'action civile contre lui, à moins que le mari n'y ait expressément renoncé, 9146-201. La Cour d'appel est compétente pour statuer sur les dommages-intérêts alloués au mari par le tribunal correctionnel, 9,146-204. APPEL. L'acte d'appel formé d'une manière générale est présumé s'appliquer à tous les prévenus mis en cause en première instance, 9246-351.—Saisi d'an délit et d'une contravention connexe, le tribunal correctionnel a bien compétence pour le tout; mais la connexité ne fait pas qu'il y ait lieu à appel contre la partie du jugement relative à la contravention seule, 9174-278. L'appel d'un prévenu condamné par défaut est recevable, même après l'expiration.du délai de dix jours de l'art. 203, I. er., s'il n'est pas etabli qu'il ait été touché par la signification du jugement de condamnation, 9174282.

ART DE GUÉRIR. · L'exercice illégal de l'art des accouchements ne constitue pas un délit d'habitude pour la répression duquel le concours de plusieurs faits serait nécessaire (art. 36, L. du 19 ventose an XI), 9448-204. Lorsque plusieurs faits sont compris dans une poursuite, le jugement de condamnation doit infliger autant d'amendes qu'il y a de faits susceptibles de constituer chacun une contravention, 9448-204.

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AVOCAT. La voie de la requête civile n'est pas ouverte contre les décisions disciplinaires du conseil de l'ordre des avocats, 9125-177.

B

BANQUEROUTES.-Les dispositions pénales du Code de commerce, art. 597 et 598, applicables à toute convention qui assure au créancier d'une faillite un avantage préjudiciable aux intérêts de la masse, le sont spécialement lorsqu'un

créancier s'est fait remettre, après cessation de paiements par le débiteur qui va être déclaré en faillite, des marchandises dont il s'est appliqué le prix en dissimulant la convention secrète, 907-327. L'art. 585, s 3, C. comm., ne punit pas seulement le fait d'acheter pour revendre au-dessous du cours. Les ventes faites par un commerçant, si elles ne sont pas comprises dans cette première catégorie, doivent être rangées dans celle des moyens ruineux dont il est parlé dans cet article, 9482-299, Les tribunaux de répression ne sont pas liés par les déclarations des tribunaux de commerce sur l'époque de l'ouverture des faillites et sur celle de la cessation des paiements. Il rentre dans leurs attributions de les faire remonter à une date anférieure à celle fixée par le tribunal de commerce, 9482-299. Le failli concordataire, déclare de nouveau en faillite pour n'avoir pas satisfait aux obligations de son concordat, peut, par cela seul, être poursuivi comme banqueroutier simple, bien que la cause de la nouvelle faillite soit uniquement l'inexé cution du concordat (art. 586-2°, C. comm.), 9495-318. Aux termes de l'art. 286-2o, C. comm., la fraude n'est pas nécessaire pour constituer le délit de banqueroute simple: la faute suffit, et elle peut exister dans le fait du commerçant failli qui ne satisfait pas aux obligations d'un précédent concordat, 9495348.

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CASSATION. Tout condamné à l'emprisonnement, s'étant pourvu, doit dans ce délai se constituer prisonnier ou obtenir le maintien en liberté provisoire sous peine de déchéance à prononcer lorsque l'affaire est indiquée par le rôle d'audience, 9456-234.

CHASSE. Le traqueur, n'étant pas un simple instrument, commet lui-même un délit lorsqu'il y a chasse illicite, 9076-34. Lorsqu'il attend à l'affût la pièce de gibier levée par le traqueur sur un terrain dont le propriétaire n'y a pas consenti, un chasseur commet le délit encore bien qu'il n'y ait pas de sa part introduction sur cette propriété d'autrui, 9076-34.-Les invités à une partie de chasse sont eux-mêmes participants au délit des traqueurs, sans pouvoir être excusés par le motif qu'ils auraient pensé que l'organisateur avait pris toutes précautions pour qu'il n'y eût pas délit de chasse, 9076-31. - Si le fait du pas

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