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M. Sédaine, Directeur, fait auffi dans fa réponse quelques éloges particuliers mais ils font amenés par la circonstance: il cite au Récipiendaire l'exemple de trois Académiciens, dont deux font vivans, & qui tous trois font entrés jeunes à l'Académie comme M. de Florian, & qui tous trois, comme M. de Florian fe le propose & en a pris l'engagement folennel, ont, depuis leur entrée à l'Académie, ajouté de grands titres aux titres qui les avoient fait admettre. Il y a beaucoup de convenance dans le choix de ces exemples, & dans la manière dont ils font préfentés.

M. Sédaine ajoute auffi à l'éloge complet que M. de Florian avoit fait de M. le Cardinal de Luynes, des anecdotes qui répandent de l'intérêt fur la perfonne de ce Prélat, rendent fa vieilleffe vénérable, & peignent avec vérité cette éloquence fimple, facile & fans préparation, qui l'a diftingué dans plus d'une occasion impor

tante.

- Le Directeur rend auffi aux grands Princes qui l'écoutoient, Thommage que tout le monde aime à leur rendre, & dont chaque Académicien lui envioit dans fon cœur l'heureufe occafion.

-.. Nous voudrions pouvoir entretenir nos Lecteurs des jolies Fables par lefquelles M. de Florian, jaloux de juftifier de plus en plus le choix de l'Académie, a terminé cette Séance; elles ont paru à tout l'Au

ditoite pleines d'efprit, de gaîté, de grace; de fineffe, & de fimplicité.

FÉNÉLON, Poëme; par M. MARCHANT.

Je chante Fénélon, c'est chanter la vertu.

A Paris, de l'Imprimerie de MONSIEUR; & fe trouve chez Royez, Lib., quai des Auguftins, à la defcente du Pont-Neuf.

CET Opufcule eft le début d'un jeune homme. Le titre de ce Poëme infpire ce double intérêt que l'on doit à l'union des talens fans vanité & de la vertu fans fafte; & l'âge de l'Auteur follicite l'indulgence. Confacrer à Fénélon le premier effai de fa plume, c'eft annoncer qu'on n'ambitionne la gloire des talens que pour honorer les bonnes mœurs, les Lettres humaines, la Religion fans fanatifme. Cet encens qu'exhale une ame encore neuve toucheroit fans doute celle du Prélat fi recommandable auquel il eft offert, s'il pouvoit monter au ciel & s'élever jufqu'à elle. Choififfons, pour encourager M. Marchant, les meilleurs endroits de fa Pièce.

Toi qui fus allier, en dépit de l'Envie,

Aux devoirs du Chrétien les travaux du génie,

Fénélon, c'est à toi que s'adreffent mes chants.
Viens d'un fouffle divin échauffer mes accens.
Mille autres ont chanté les Tyrans de la Terie,
Les Conquérans fameux, les crimes & la guerre 5

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La cendre d'un grand Homme enfante les talens.

Après avoir fait allufion à quelques traits de cette vertu fumple & indulgente dont l'Archevêque de Cambrai étoit l'Apôtre & le modèle, M. Marchant parle du Télé

maque.

Chef-d'œuvres immortels de Virgile & d'Horace, Qui planiez, fans rivaux, au fommet du Parnaffe, Quittez le premier rang. Le Télémaque en main, Fénélon vient jouir d'un triomphe certain,

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On ne citeroit point ces vers, qui ne font pas bons, s'ils ne renfermoient une héréfie littéraire qu'il n'eft plus permis de répéter, & que le Panégyrifte de Fénélon lui-même a fi bien réfutée. » Cet amour qu'il infpire à fes Lecteurs, n'a-t-il pas » un peu égaré ceux qui ont voulu regarder le Télémaque comme un Poëme épique C'eft dans l'Eloge même de Fénelon, c'eft en invoquant ce nom » cher & vénérable qui rappelle les principes de la vérité & du goût, qu'il faut

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repouffer une erreur que fans doute il • condamneroit lui-même. Ne confondons

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point les limites des Arts, & ressouve"nons-nous que la Profe n'eft jamais la langue du Poëte. Il fuffit, pour la gloire » de Fénélon, qu'elle puiffe être celle du » génie «. Eloge de Fénélon, par M. de la Harpe.

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Les vers où M. Marchant rappelle la mort du Duc de Bourgogne, que le refpectable Prélat avoit formé aux vertus & à la fcience du Gouvernement, ont quelque par rapport à ceux de la Henriade fur le même fujet, & il n'eft pas étonnant qu'ils ne foient pas aufli beaux.

Du fond de fa retraite, il voyoit à la Cour

Un Prince, des François & la gloire & l'amour,
Digne, par fon grand cœur, du plus beau diadême,
N'afpirer en fecret à la grandeur fuprême
Que pour finir les maux d'un peuple malheureux.
Du fage Fénélon, disciple généreux,

Prince & fujet fidèle, il faisoit à la France
D'un fiècle de bonheur entrevoir l'efpérance.
Il devoit rappeler les beaux jours de Titus,
Et fon règne eût été le règne des vertus.
Mais, ô cruel deftin d'un Prince trop aimable !
Sous les coups redoublés de la Mort implacable,
Il tombe, & de fon peuple emportant les regrets,
Il mérite le nom de Père des François.

Fénélon,

Fénélon, fi la Parque a détruit ton ouvrage, Si tu nous as flattés d'une trop vaine image, Quand tu nous promettois un règne fortuné, Ce n'étoit qu'à Louis qu'il étoit deftiné.

En vayant les bienfaits qu'il fe plaît à répandre,
On le croit ten Elève, & l'on doit s'y méprendre.
Le Jura libre enfin, fait voir à l'Univers

Les glorieux débris de fes antiques fers.
Nos vaiffeaux refpectés fur les plaines de l'onde,
Semblent donner des Loix à l'un & l'autre Monde.
L'Inde applaudit encore aux lauriers de Suffren;
D'Eftaing & Rochambeau, la Fayette & Guichen,
Arrachent l'Amérique au joug de l'Angleterre,
Dont le François vainqueur éteignit le tonnerre :
Cherbourg, en un moment, forti du sein des eaux
Rend l'Europe attentive à fes hardis travaux.

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Ce Poëme annonce le germe d'un talent foible encore, mais qui n'eft pas infecté de mauvais goût. L'âge & le travail apprendront à l'Auteur l'art d'approfondir fes idées & fes fentimens, & de donner à fon ftyle l'empreinte d'une plume plus exercée.

(Cet Article eft de M. de Saint-Ange.)

N°. 27. 5 Juillet 1788,

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