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vérité n'eft plus conteftée aujourd'hui que par les hommes, dont le caractère ou le métier eft de décrier tout ce qui fe fait de bon & d'utile dans un fiècle auquel ils fe vantent fièrement de ne rien devoir; ce qu'ils prouvent très-bien par le mérite de leurs Ouvrages, &furtout par le fuccès de leurs déclamations.

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...Si toutes ces méthodes nouvelles font un des plus grands abus de Fefprit philofophique de ces fiècle, comme l'affurent les perfonnes dont nous parlons, il faudra bien staccoutumer à cet abus, car il n'eft pas an pouvoir des hommes de l'arrêter. Les lumières tendent fans ceffe à fe, mettre en équilibre dans toutes les claffes de la Société; mais cet équilibre ne peut s'établir d'une manière conftante que par des procédés fimples & faciles. Ce n'eft donc qu'avec le temps, & à force de tâtonnemens & de combinaisons, que l'efprit humain peut, dans ces imatières, comme dans toutes les aurres, parvenir à la vérité. 221 2000

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Quelque indifférence quelque averfion même que puiffent témoigner pour les out veaux moyens d'inftruction, des hommes qui n'ont pour philofophie que l'habitude, & pont règle de conduite que l'exemple du paffe, il faut efpérer que les bons efprits continudront à rechercher avec coufage, avec conftance; les moyens propres arendra papulaires toutes les vérités qui in téreffent le bonheur de l'efpèce humaine.

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-La méthode en général eft l'art de diriger les facultés de l'efprit, d'en augmenter, d'en étendre les forces. C'eft, en quelque forte, le lévier de l'intelligence. Plus cette méthode fe rapproche de la Nature, plus elle eft parfaite. Or, comme la Nature, par une loi invariable que nous ane favons pas toujours remarquer, nous conduit fans celle des idées fentibles, aux idées abstraites, du connu à l'inconnu, il s'enfuit que la meilleure méthode eft celle qui fe conforme à cette opération fecrète, à ce développement involontaire de notre raison.

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Ce n'eft pas d'après ce principe, il faut l'avouer, que les Méthodiftes même les plus fameux ont compofé leurs Ouvrages; prefque tous, avec le défir d'applanir les routes des Sciences & des Arts, n'ont fait que les embarraffer de difficultés infurmontables. Ils vouloient aider la Nature, & ne fembloient occupés qu'à en troubler la marche. Leur efprit analyfoit, il eft vrai; mais les Savans font peu attentifs d'ordie naire à leurs fenfations & cette loi de l'analyfe étoit trop fimple pour qu'ils puffent l'appércevoir. L'Abbé de Condillac eft le premier qui l'ait faifie dans toute fon étendue, & qui l'ait appliquée au fyftême des connoiffances humaines. Cette découverte de notre fiècle eft un des plus grands bienfaits de la Philofophie moderne, & il eft impoffible de calculer jufqu'où fon influence geut s'étendre.

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M. l'Abbé Gaultier vient développer aujourd'hui, par ce grand principe de dé compofition & de recompofition, tous les rapports de la Grammaire. Sa méthode confifte dans un jeu ; & quoique cette forme foit commune à beaucoup de fyfte mes d'inftruction, la méthode qu'il pro pofe nous paroît fupérieure à toutes celles qu'on a publices, parce qu'elle eft véri tablement analytique."

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Locke confeille de faire fervir les jeux à l'inftruction des enfans. » Quelle pitié! s'écrie à ce fujet l'Auteur d'Emile,» un "moyen plus für que tous ceux là, & " celui qu'on oublie toujours, eft le défir

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d'apprendre". Mais n'eft-ce pas leur donner ce défir d'apprendre, que de leur propofer l'étude comme une chofe honorable agréable, & divertiffante par elle - même ? (Locke, de l'Educat. des Enfans, §. rsi.) Voilà précisément ce que Locke croyoit poffible, parce que fon expérience le lui avoit démontré; & fans doute quatorze pages de réflexions & de faits, écrites par un Philofophe qui confacra toute fa vie à l'étude de l'homme, & qui renouvela. par fes propres forces l'efprit humain tout entier, méritoient une autre réponse qu'une expreffion de mépris.

Nous rapporterons ici comme une preuve incontestable de l'utilité de cette forme d'inftruction, lorfqu'elle eft employée par un bon efprit, le jugement qu'ont porté fur le jeu

grammatical de M. l'Abbé Gaultier, MM. les Commillaires de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, chargés de l'examen de fa méthode.

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On fe défie ordinairement des jeux propofés pour l'inftruction de la Jeuneffe, » On craint, avec raifon, qu'ils ne tendent qu'à tout applanir fous les pas, & à favorifer la pareffe, fi naturelle à l'homme. On fait de quelle conféquence il est d'habituer de bonne heure Pefprit à fentir des, difficultés, à lutter, à fe roidir contre des obstacles, à faire des efforts pour les vaincre, enfin à n'acquérir des forces que par un exercice un peu pénible, & à n'arriver au repos ", que par le travail. Le jeu propofé par M. Abbé Gaultier, ne traîne pas ces incon» véniens à fa fuite. C'elt au contraire » une application continuelle de la pratique à la théorie, & cette théorie ne » s'acquiert que par une étude graduée & » fuivie. Elles s'y prêtent conftaminent un » fecours mutuel, & fe fortifient l'une 22 Pautre. Pour qu'un Joueur puiffe se flatter de quelque fuccès, il faut, par exemple, qu'il fache imperturbablement les déclinaifons des noms & les quatre conjugaifons des verbes, parce qu'il eft ? perpétuellement dans le cas d'en rendre " compre. Le goût de l'amusement infpire le défir d'exercer la mémoire; il oblige » de fimplifier, d'analyfer, de claffer les » idées; il fournit les moyens de former

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le jugement & un fens droit; il habitue à réveiller & à foutenir l'attention. L'in térêt, l'amour - propre bien ordonné, l'émulation, la gloire, la honte, font » autant de mobiles qu'il met en action. Tels font les effets qui nous paroiffent devoir en réfulter; tels font aufli en partie ceux dont nous avons été témoins » dans une Séance particulière, où nous avons vu jouer fix enfans de lun & de » l'autre fexe, de fept jufqu'à douze ans! » L'ardeur d'un combat auf inftructif » qu'innocent, brilloit dans leurs yeux. » Ces jeunes ames paroiffoient animées das fentimens. dont nous venons de parler, la joie éclatoit fur le vifage du » Joueur, qui avoit réuffi au gré des Audi »teurs; un peu de confufion même ne décourageoit point ceux qui avoient failli: fouvent les Joueurs & toute 1 Af femblée étoient égayés par les idées & par les réponfes de ceux qu'on interrogcoit, quelquefois même par les fau» tes qui leur échappoient. Sans nous » étendre davantage, nous pouvons dire, » & d'après cet effai, & plus encore d'après notre examen, que la méthode de M. l'Abbé Gaultier nous paroît aufli utile qu'ingénieufe, fur - tour fi, un certain » nombre d'enfans fe trouvent réunis pour » le jeu grammatical qu'il propofe (1) “.

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(1) M. l'Abbé Gaultier, perfuadé qu'il ne pou

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