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Au précis des expéditions guerrières de ce Roi, M. L... fait fuccéder fes réformes & la légiflation, partie vraiment importante, & celle où Louis IX a montré fa fagetfe & fa bonté. Les abus de ta féodalité fourniffent à M. L... des peintures intéreffantes. Il peint le génie de S. Louis dithipant les factions & les fléaux, fuites de l'anarchie; l'affranchiffement des Serfs, l'appel des Sentences des Barons furent deux grands refforts qui donnèrent à la Monarchie un pouvoir étendu & une fupériorité marquée fur tous les vallaux & les feudataires. M. L... trouve une occafion de comparer Charlemagne, Louis XIV & S. Louis. Le parallèle nous paroît jufte, en ce que ces trois Rois ont donné chacun une grande impulfion à la France. Charlemagne fut grand & bon, & certes il ne fit rien ! pour s'emparer d'un pouvoir abfolu; Saint Louis fit tout pour les fujets, & trop peu pour la royauté; Louis XIV ne fit pas grandchofe pour fon peuple, & crut trop que tout dans le Royaume lui appartenoit. Le nom de Grand eft dâ à Louis XIV; mais celui de Législateur de fes Peuples, d'un Roi occupé du bonheur feul de fes Peuples, ne lui fera point accord. Ce nom fut donné à Louis XII; Henri IV le mérita; mais Louis XIV ne l'a point recherché. Nous pourrions reprocher à M. L.... de n'avoir été qu'Hiftorien dans certe première partie de l'Eloge de Louis IX, & de

n'avoir pas affez tiré parti des faits qui pouvoient animer l'éloquence & produire de grands mouvemens. Son ftyle eft plus hiftorique qu'éloquent, fes réflexions ne font point préfentées comme un Orateur doit & fait les mettre en œuvre. On est peu ému, peu frappé. Il n'écrit pas toujours correctement, & il ne fe défend pas affez de tomber dans le genre familier,' & de fe fervir d'expreflions trop peu dignes de l'éloquence: mais il eft toujours fage, mefuré; il a eu l'art d'échapper au piége qui attend les Orateurs de Louis IX. En ne fe chargeant point de juftifier ni de condamner les Croifades, dix lignes lui fuffifent pour parler de fon Héros, vainqueur à Damiette, traverfant le Nil à la nage, repouffant des milliers de Barbares. Cette réserve eft adroite, & annonce un homme vrai, qui ne veut rien hafarder, & qui, pour louer un Roi, ne croit pas être obligé de tout excufer. Un fecond écueil qui intimide les Orateurs, eft cette multiplicité de Panégyriques fur le même Roi, qui ont tant de fois répété les mêmes actions, les mêmes vûes, les mêmes maximes. Que dire d'un perfonnage fi fouvent loué, dont l'Hiftoire eft fi connue, & fur le compte duquel tout a été dit & cent fois répété Peut-être feroit-il temps d'en refter là, de laiffer Louis IX dans toute fa gloire, & d'offrir un autre modèle. Toujours Louis IX, difent les Etran

gers; les François n'ont-ils eu que ce Roi, qui fût grand & bon? Nous concevons que Louis, placé parmi les Saints, eft le feul de nos Rois dont les Chaires de nos Temples puillent entreprendre l'éloge, & dont nos Pontifes puiffent s'occuper; mais ici c'est un Panegyrique propofé par une Compagnie favante, qui peut donner à des Laiques le droit de leur parler d'un bon Roi. Louis IX, comme Saint, appartient. aux Orateurs facrés; mais comme Roi, il appartient à tous les Orateurs François. Que les Temples nous entretiennent de fa fainteté mais que nos Académies nous offrent en lui le modèle des meilleurs Rois.

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La feconde Partie du Panégyrique de M. L... eft confacrée à nous retracer la bonté de Louis IX. Cette Partie nous a paru intéreflante; elle eft toute entière de M. L..., qui n'avoit point de modèle, & il en a tire parti. » Je fais, dit-il, & S. Louis » ne l'ignoroit point, que, dans le principe & dans l'origine des Sociétés, les Rois "furent créés pour les Peuples, & que le » contraire n'a pu s'établir depuis; que fi, » dans un fens, les Souverains font les pères de leurs fujets, dans un autre fens "plus exact & plus vrai, les Peuples font les pères des Rois.... "Telles furent les maximes de Louis IX. M. L.... palle à un des plus beaux momens de ce Roi. C'eft dans Joinville, dit-il, qu'il faut » voir le tableau de ces fcènes touchan

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"tes où le déployoit cette fenfibilité ré»ciproque du Feupie & du Monarque. » Souvent, nous dit ce naïf Historien, S. "Louis alloit dans le bois de Vincennes » rendre la juftice: il s'afleyoit au pied » d'un chêne; grands & petits, nous nous rangions tans diftinction autour de lui: » fan garde, fans pompe, il fe rendoit » accelible a tout le monde; là, le malheureux venoit dépoter les chagrins dans » fun fein, & il le confoluit: la veuve » affligée, d'une main tremblante lui préfentoit la lifte de fes enfans délafés & "au berceau, & il leur affuroit à tous du pain: l'orphelin, trifte & pâle comme » au jour lugubre des funérailles de fes » parens, venoit exhaler à fes pieds fa douleur, & il lui difoit: Pourquoi vous affligez-vous? eft-on fans père quand on » a un Roi vous êtes tous mes enfans. A ce difcours, l'admiration, la recon»noiffance, tous les fentimens tendres pénétroient tous les cours; de douces larmes s'é happoient de tous les yeux, » tout pleuroit, & Monarque & Sujets, & "Courtifans & Laboureurs; tous étoient

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heureux; le fentiment, la vertu, le bonheur confondoient tous les coeurs & tous les rags. Siècle de fimplicité & de gloire, vous reverrons-nous ? Ce morceau ne peut manquer d'attendrir les Lecteurs; il eft écrit avec cette fimplicité que le fentiment comporte; toute autre parure eût été

déplacée. M. Lambert termine fon Difcours par une apostrophe à Louis IX, qui nous a paru réunir l'onction & le caractère propres à l'Orateur facré.

I

SPECTACLES.

COMÉDIE FRANÇOISE.

Es avantages & l'utilité de l'Ecole Royale de Déclamation font maintenant démontrés, & il n'y a plus à douter que cet établiffement ne doive régénérer l'Art de la Comédie en France. L'accueil diftingué que le Public a fait à M. Talma & à Mademoiselle Maffon, le début éclatant & les fuccès foutenus de Mademoifelle de Garcins, élève de l'Ecole Royale, comme ces deux fujets, difent neux que ne le pourroient faire toutes les réflexions & tous les éloges, com bien cet établiffement eft déjà utile & intéreffant il peut le devenir davantage. Ce n'eft pas feulement pour le Théatre François que l'Ecole de Déclamation forme des Comédiens; ce Theatre ne fçauroit offrir des places à tous les fujets dont on y exerce les talens ainfi l'Ecole peut être confidérée comme une pépinière deftinée à fournir aux

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