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L'ombre épaiffe & le foir s'opposent à mes vœux
Maintenant, chère Églé, devine fi tu peux.
Ai-je pu m'endormir? Quand l'herbe repofée
S'émailla des vapeurs d'une douce rosée;
Quand le ciel éclairci brilla d'un tendre azur
Bientôt je vis pareître un Berger far le mur;
(Car d'un pâle rayon ma couche blanchiffante,
Ebauchoit de fes traits une image mouvante. )
Je rougis, & mon cœur fi promptement battoit.....
Auffi-tôt que je crus que le Berger partoit,
Je me lève; il faut bien m'aflurer que je veille;
Je foulève en tremblant l'odorante corbeille;
Son parfum devançoit le plaifir de maes yeux.
On y voyoit s'unir les myrtes amoureux ›
L'arboifier s'enlacer à l'épine champêtre,
Et, fur l'humide ofier, le lilas fembloit naître.
Tu n'as jamais goûté des fruits d'un goût fi fin.
Pour le nom du Berger, tu l'attends, mais en vain.
Tu ne le fauras pas.

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Suis-je donc envieufe? Il te fied avec moi d'être mystérieufe? C'étoit-mon frère ; ch bien ! tu pâlis, tu rougis, Veux-tu bien m'embraffer? Mon frère, chère Iris, T'aime, & déjà pour four mon cœur t'avoit choific.

IRIS.

T'aurois-je abandonné mon fecret & ma vie,
Si je ne te voyois tout comme un autre moi ?

ÉG Lí.

Eh bien pour achever de calmer ton effroi,
Je vais conter auffi; mystère pour mystère.
re premier jour du mois, mon vénérable père
Offrit un facrifice à nos Dieux protecteurs.
Il invita Daphnis, le plus beau des Pasteurs ;
Daphnis chanta; (tu fais que dans cet art fuprême,
Rien n'égale Daphnis, ni mon frère lui-même. )
Sur les habits de lm flottoient fes blonds cheveux;
Des guirlandes de Meurs en relevoient les noeuds
Tel on peint Apollon fur la molle verdure,
Accordant fon beau luth au ton de la Naturc.
Le facrifice fait, nous allâmes....

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Tai-toi, j'entends du brui: écoutons.

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Ciel! il eft près d'ici : Déités fecourables!
Nymphes de ce rocher, foyez-nous favorables!
L'une & l'autre, à ces mots, vole aux antres déforts.
Pareil au jeune oiseau, nouvel hôte des airs,
Qui du rapide Autour voit les ferres cruelles ;
Et ce n'étoit qu'un Faon, auffi timide qu'elles,
Qui, du frais averti par l'accent du ruiffeau,
Vient fe défaltérer au courant de fon eau.

(Par Mme, la Comteffe de Fa...)

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MME.

(1).

ME. la Marquife de l'A*** étoit dans une Terre en Franche-Comté, près de la petite ville de Saint - Amour, feule avec fes deux fils & leur Gouverneur; un jeune homme demande à lui parler. Introduit dans le fallon, il prie Mme. de l'A*** de lui faire donner à manger. Interrogé fur fon âge, il dit avoir quatorze ans, & fa phyfionomie n'en annonçoit pas davantage. Interrogé auffi fur fon état, il répondit fièrement Madame, pour me donner à manger, vous n'avez pas besoin de favoir qui je fuis. On l'envoya dîner, fans lui faire davantage de queftions; mais fa réponfe avoit piqué la curiofité de la Marquife, & l'étrange manière dont le jeune homme étoit habillé, avoit déjà fait naître mille foupçons dans fon efprit. Son nou

(1) Ce morceau nous eft parvenu avec cette Note: » Monfieur le Directeur du Mercure eft prié » de vouloir bien donner place dans fon Journal à » l'Hiftoire ci-jointe. On efpère que fa publication "pourra engager ceux qui s'intérefferont au fort » du jeune Inconnu, à fatisfaire la curiofité que fon n fort a infpirée «<.

vel Hôte portoit une vefte déchirée, fur laquelle on voyoit des lambeaux de parement de foie; il portoit des manchettes en aufli mauvais état que fes parcmens, une boucle d'argent, & du linge

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es-fin. Après le dîner, l'on fit ontrer le jeune Inconnu dans le fallon, & Madame de A*** n'en pouvant tirer aucun éclairciffement, le laiffa jouer avec les enfans,'à peu près de même âge, & qui étoient bien avertis de chercher à furprendre fon fecret. Il ne laille rien échapper; il s'enquiert des jeunes gens s'il y a de quoi le coucher, & les engage à demander un lit pour lui, ce qui lui fut accordé dans l'efperance de découvrir ce qu'il étoit d'ailleurs Mme. de l'A*** ayant examiné cet enfant, ne douta pas qu'il ne fût de bonne naiffance; elle efpéra qu'on pourroit venir le réclamer chez elle, & en lui donnant l'hofpitalité, elle crut rendre fervice à une famille diftinguée.

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Comme les fils de Mme. de l'A*** le regardoient avec étonnement : » Meffieurs, dit-il, vous me regardez avec étonne»ment, mais je ne vois rien ici qui m'é» tonne; le château eft bien, fans être beau" & il avoit raifon.

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Le foir, Mme. de l'A*** lui dit qu'elle alloit hui faire donner un habit plus propre: il accepta fa propofition. On fut prendre un habit gros - bleu, qui appartenoit à un petit de l'A***; mais il refufa de

GS

le mettre, difant : » Je ne fuis point fait, Madame, pour porter vos livrées". La couleur lui avoit denné lieu de croire que c'étoit un habit des gens de la Marquife.

Tant de fierté fous l'apparence d'un Mendiant, furprit Madame de l'A*** au delà de l'expreffion, & l'embarraffa beaucoup: elle vouloit le garder, efpérant des éclairciffemens; mais elle ne favoit à quelle place le tenir. En l'admettant à fa table s'il n'étoit qu'un gueux arrogant, elle manquoit à ceux qui venoient manger chez elle; & fi elle mettoit un enfant de qualité à la table des Domeftiques, elle manquoit à fa famille. Elle prit le parti de le faire manger feul. Elle lui donna un habit gris, & lui procura les chofes les plus nėcellaires, dont il voulut faire fon billet promettant qu'elle en feroit payée; & il n'a jamais rien reçu qu'en donnant fon billet. Il falloit figner; il demanda qu'on lui choisît un nom, & fur la liberté qu'on lui laiffa il prit celui d'Honoré c'eft celui que je lui donnerai dorénavant. Honoré paroiffoit très bien élevé. Quand il affiftoit aux leçons de MM. de l'A***, il les avertiffoit de leurs fautes, quoiqu'il n'eût pas une inftruction au delfus de fon âge.

Il difoit qu'il n'avoit pas achevé fes études, & il les continua avec MM. de PA***.

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Il paroiffoit avoir voyagé, & parloit de différens pays comme les connoiffant bien.

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