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Si l'on paroiffoit croire qu'il les eût parcourus, il difoit qu'il en avoit vu la defcription, & citoit le Livre. Il étoit trèsinftruit fur les familles ; & fi l'on paroiffoit tirer induction qu'il les connût, il citoit la page de Moreri où il avoit lu, & les citations étoient toujours juftes.

Il ne mentoit pas ; il éludont les queftions avec les perfonnes les plus adroites. Un habitant de Saint-Amour, qui avoit été employé dans les négociations, fe chargea de le pénétrer; mais tous fes efforts furent inutiles.

On ne remarqua aucun vice dans Honoré, & il n'avoit d'autre défaut qu'un peu de hauteur. Il fe faifoit refpecter & fervir des Domestiques, fans cependant qu'ils euffent jamais à fe plaindre de lui. Il paroilloit très-attaché à Mme. de l'A***, & avoit pour elle des attentions très délicates; elle lui dit un jour qu'elle s'appercevoit de la préférence marquée qu'il accordoit au cadet de les enfans, & qu'elle feroit fâchée que l'aîné s'en apperçût.

Honoré avoua qu'il fe fentoit plus de goût pour le cadet; mais, de ce moment, il fe conduifit également avec l'un & l'autre. Lorfque Mme. de l'A*** alloit diner en ville, elle le faifoit prier à dîner par le Curé ou par quelqu'un de fon intimité; mais elle ne le menoit jamais.

Cependant, comme elle avoit remarqué qu'il parloit. volontiers de Genève, elle

imagina que ce pouvoit être fa patrie; elle lui dit un jour: » Honoré, je compte faire » un petit voyage à Genève, & vous y Madame, vous ne me mene

» mener.

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rez jamais; pourquoi irois-je à Genève «? Quatre mois s'étoient écoulés, Madame la Marquife de l'A*** avoit pris la plus grande affection pour cet enfant; elle projetoit, en allant à Paris, de le mettre au Collège, & de le foigner comme l'enfant le plus. chéri.

Mais un jour qu'elle avoit envoyé Honoré dîner chez un ami, elle l'avoit fait accompagner feulement d'un Jardinier, qui n'étoit qu'un bon homme. Quand Honoré fut à la porte du château où il devoit dîner, il dit au Jardinier: » Il elt inutile que vous » entriez avec les chevaux remmenez

les"; & le jeune homme, au lieu d'entrer dans le château, gagna la campagne, & difparut fans qu'on ait pu découvrir ce qu'il étoit devenu. Il n'emporta exactement que ce qu'il avoit fur lui. On trouva dans fa chambre une lettre de remercîment pour Mme. de l'A***. Quand elle avoit reçu Honoré, elle l'avoit fait mettre dans les Papiers publics; elle y fit mettre auffi fa fuite.

Quelque temps après le départ d'Honoré, il arriva au château un homme en chaife. de pofte, avec un Valet de chambre. I' voulut parler à la Dame, & lui demanda des nouvelles du jeune homme. En appre

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nant fa fuite, il s'évanouit; revenu de ce trifte état, fes queftions fur la conduite de l'enfant, & la fatisfaction qu'il marquoit en écoutant tout le bien qu'on en difoit, ne laiffoient guère douter qu'il n'en fût le père. Il accepta avec peine un lit au châreau. 11 fe coucha fans fouper, & pria Mme. de l'A*** de faire venir la Juftice; le lendemain matin, on dreffa un procèsverbal. Une partie des haillons de l'enfant fut déposée au Greffe; il emporta l'autre ; il fupplia Mme. de l'A*** de lui 'donner le mémoire des dépenfes faites par Honoré. Elle en remit un très-petit, pour ne pas l'offenfer; & il partit aufli-tôt.

Les Domeftiques du Voyageur avoient beaucoup queftionné ceux de la maifon fur le féjour du jeune homme, & avoient marqué une grande joie en entendant faire fon éloge, mais ils avoient été impénétrables.

J'avois oublié une circonftance remarquable; lorfque le jeune Inconnu avoit été à l'Eglife, la pompe de nos cérémonies avoit paru lui être inconnue, & il regardoit tout le monde pour fe conformer au maintien général. Il apprenoit le Catéchifme en cachette, & il paroît qu'il n'étoit d'aucune Religion. Quand Madame de l'A*** lui parloit de notre croyance, il paroiffoit répondre d'une manière conforme à elle, plutôt par déférence que par perfuafion.

Tant de prudence & de réferve, un

caractère fi beau, une manière de fe conduire avec tout le monde fi mefurée & fi fourenue, une reconnoillance véritable & fentie, mais qui ne le porta jamais à la confidence, étonnent dans un jeune homme de quatorze ans, & c'eft tout ce qu'il feroit poffible d'attendre d'une perfonne cónfominée dans les affaires, & vieillie dans le dédale des intrigues; car, hors le fecret qu'il gardoir fur fa naiflance, Honoré n'étoit point d'un caractère caché. En voyant ce jeune homme exempt de vices, & réuniffant tant de qualités aimables & fi rares à fon âge, on ne fait que conjecturer fur la fuite de chez fes parens; celle de chez Mme. de l'A*** fut occafionnée enfuite par l'inquiétude que lui donna le projet de fon retour à Paris; peut-être appréhendoit-il auffi le voyage de Genève, ou peut-être encore avoit-il entendu parJer d'un homme en chaife de pofte, qui étoit venu dans le village, quelques jours avant fa fuite

Madame de l'A*** pleure encore Honoré; j'écris en 1781; il y a deux ans qu'il a difparu, & elle espère toujours qu'elle en entendrà parler.

Explication de la Charade, de l'Enigme & du Logogriphe du Mercure précédent.

LE

E mot de la Charade eft Poiffon; celui de l'Enigine eft Harmonie ; celui du Logogriphe eft Bataille, où l'on trouve Bataille, guerre), Bataille (jeu de cartes), Bile, Baille, Taille des arbres, Taille du corps, Table & Lit, Bât.

U

CHARA DÈ.

Au déclin d'un beau jour, fur la verte fougère,
Un rufé Villageois, au fond de mon premier,
Contok fon doux martyre à la jeune Glycère :
Ses fermens dans les airs, ainfi que mon dernier,
Se perdoient. Mais hélas ! l'innocente Bergère,
De fes foupirs trompeurs, loin de fe défier,
Se rendit ; & l'ingrat, ivre de mon entier,
Des faveurs qu'il reçut dévoila le mystère.
Par M. du ***.)

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