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perfonnages de Hardi embraffent volon» tiers fur le Théatre; & pourvu que deux Amans ne foient pas brouillés enfemble, » vous les voyez fauter au cou l'un de l'au» tre dès qu'ils fe rencontrent. ... Au » milieu de ces amours qui fe traitent fi » librement, il y a lieu d'être étonné de » voir que les Amans de Hardi appellent » très fouvent leur Maîtreffe, ma Sainte. Ils fe fervent de cette expreflion, comme » ils feroient de celle de mon ame, ma vie ; » & c'est une de leurs plus agréables mignardifes. Vouloient ils marquer par - là » une espèce de Culte? Il n'y a que les » idées du Culte Païen qui foient galantes; le vrai eft trop férieux. On peut appeler » fa Maîtreffe ma Déeffe, parce qu'il n'y "a point de Déeffes; & on ne peut l'appeler ma Sainte, parce qu'il y des » Saintes ".

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On reconnoît Fontenelle à ces réflexions fines & piquantes qui caractérisent fon efprit & fon ftyle. Il continue:

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"Les bienséances étant ainfi méprifées » dans les Ouvrages de Hardi, on peut juger que le refte ne va pas trop bien. » Ses Pièces ne font pas de cette ennuyeufe » & infupportable fimplicité de la plupart » de celles qui avoient été faites avant lui; » mais elles n'en ont pas pour cela plus » d'art. Il y a plus de mouvement, parce que les fujets en fourniffent davantage : » inais ordinairement le Poëte n'y met pas plus du fien ".

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A en juger par Théagène & Cariclée, Tragédie dont le Rédacteur donne une analyfe fuivie, on doit fuppofer que Hardi ne faifoit autre chofe que de mettre en action les interminables Romans qui étoient en vogue dans fon fiècle. C'est un tissu d'Aventures, qui, aujourd'hui même où les incidens multipliés & invraisemblables font fi à la monde, fourniroit matière à une centaine de Tragédies. On verra néanmoins, par une citation, qu'il n'étoit pas tout à-fait indigne de la grande renommée qu'il a eue parmi fes contemporains. Cariclée, qui doit être immolée, eft reconnue fille du Roi Hydalpe. Le Peuple, les Sacrificateurs & les Gardes entourent l'autel. Hydafpe leur adreffe ce difcours:

Obligé vers les Dieux d'un droit de piété,
Et du ferment auffi que je vous ai prêté,

Voici, mes bons Sujets, votre Roi déplorable,
Qui ramène à l'autel fa race miférable.

Le voici, qui ne veut permettre que
fon fang
De l'exacte rigueur des Loix demeure franc,
Le voici, qui préfère à l'amour paternelle,
L'obéiffance due à la troupe éternelle ;
Qui cede fon pouvoir aux ftatuts confervés,
Et qui l'a toujours fait, hélas ! vous le favez,
Vous voyez que mor règne a fui la violence,
Je ne commencerai donc pas cette infolence.
Je vous livre ma fille, & ne la plaindrois tart
Un fucceffeur de moi en fa place reftant,

.

Un qui fut héritier non plus de ma couronne,
Qu'à l'endroit du pays d'une volonté bonne,
Las qu'il me fàcheroit, efprit Plutonien,
Compagnon des Héros du Parc Eléfien,
D'entendre la Difcorde entre vous embrasée,
D'entendre la Province en ligues divifée,
Proie de cent Tyrans à l'Empire béans,
Où le moindre des miens contiendroit ces Géans,
Leur ferviroit de bride en réparant ma perte,
Qu'en ce mien fucceffeur je verrois recouverte !
Les Dieux ne veulent pas, contre nous irrités.....
Mais qu'ai-je tant commis contre leurs Déités ?
De quelle horrible offenfe ai-je irrité leur haine
Pour prendre de mon fang une fi rude peine,
Retordre deffus lui le forfait paternel,
Lui qui n'a point méfait, qui n'eft point criminel ́?
Céleftes, pardonnez à la douleur d'un père
Qui murmure perdant fa géniture chère.
Et vous, amis, ceffez vos farmes de pitié,
Je n'ai pas d'aujourd'hui connu votre amitié.

A fa fille,

Accufe.

Ma fille, je n'ai plus à confoler que toi;
Accufe de ta mort notre barbare Loi,
ta fière destinée
Qui, mortelle, te rend la terre ou tu fus née,
Les périls étrangers ont épargné ton Chef;
Mais pour toi ton pays regorge de méchef,

Naiflante, il t'expofa; au retour, il t'immole,
Il te donna la vie à regret qu'il te vole ;
Et au lieu d'allumer ton nuptial flambeau,
J'allume le bûcher qui té fert de tombeau.

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Que ne puis-je, ajoute-t-il, en te reconnoissant,
Par le mien racheter ton trépas innocent ?
Mais, fuprême rigueur! le Ciel me le dénie.
Te préfervant, je fuis atteint de tyrannie,
D'impiété coupable, & diffamé de los ;
Ma fille, tout chemin de grace t'eft forclos,
Et du côté des Dieux & du côté des hommes.
Que veux-tu ? tous mortels à la parfin nous sommes.
Les fceptres, les honneurs, les plus rares vertus,
Se couchent avec nous au fépulcre abattus.
Chacun doit acquitter cc péage à Nature.
Il eft vrai qu'immortel après la fépulture,
Notre nom fe relève, ayant ainfi vaincu
Les vices journaliers, & juftement vécu ; -
Après avoir utils, obligé fa Patric,
Ainfi que tu feras, pour fon falut meurtrie.
Ma fille, arme-toi donc de magnanimité,
Ne me déshonorant par la timidité.
Un coup emportera tes douleurs & ta vie,
Où la mienne à cent morts tu laiffes affervie.....
Allons, ma fille, allous, approche les autels.

On voit à travers ce vieux ftyle, de l'énergie, de la force tragique, & une nobleffe de fentimens peu commune. Ce ze.

Volume

Volume termine l'Effai fur la Tragédie. Dans le 4. on remontera à l'origine de la Comédie; on la faivra dans les variations & dans fes progrès jufque vers le milieu du 17c. fiècle, époque où P. Corneille, dans la Comédie du Menteur, donna à la France fon premier Chef-d'œuvre en ce genre, comme dans le Cid, il lui avoit donné fon/ premier Chef-d'œuvre Tragique.

(Cet Article eft de M. de Saint Ange.)

ALPHABET Tartare - Mantchou, dédié à l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres, avec des détails fur les lettres & l'écriture des Mantchoux; par M. L. LANGLÈS, Officier de NN. SS. les Maréchaux de France. A Paris, chez Didot l'aîné, Imprimeur du Clergé, rue Pavée-St-André-des-Arts; & Née de la Rochelle, Libraire, rue du Hurepoix.

Voici le premier Ouvrage Mantchou, imprimé en Europe, avec des caractères originaux. Cette Langue a commencé à devenir vraiment intéresante vers la fin du fiècle denier, & maintenant on peut dire qu'elle eft indifpenfable pour le progrès des Lettres. Ce fut vers l'an 16:44 que les

N°. 30. 26 Juillet 178&

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