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pas regarder cette partie comme effentielle aux Ouvrages dramatiques, & de croire que des paroles font toujours affez élégantes & affez correctes, pourvu qu'elles offrent des détails agréables au Muficien : il a penfé que l'art de celui-ci exigeoit beaucoup de facrifices; peut-être les a t-il portés un peu trop loin; cette opinion du moins paru la plus générale à la première repréfentation.

Il n'eft pas bien prouvé non plus que le fujet d'Amphitryon fait très-propre à la mu fique. Le merveilleux qui fe trouve au dénouement, a fait croire à M. Sédaine qu'il appartenoit de droit au Théatre lyrique. Mais une Scène ne fait pas une Pièce, & ce font moins les machines que les ficuations muficales qui conftituent un Opéra. Il y a quelques morceaux au commencement, & au troifièine Acte une Scène vraiment faite pour la mufique; auffi ces endroits n'ont-ils pas manqué leur effet, le Public y a retrouvé le talent du Compofiteur. Le refte n'a pas paru faire autant de plaifir. Nous reparlerons de cet Ouvrage, s'il réuffic mieux aux représentations fuivantes. Il eft arrivé fouvent à M. Sédaine de voir fes fuccès conteftés d'abord, pour n'en devenir que plus brillans; & plus d'une fois auffi la musique de M. Gretry a foutenu des Ouvrages contre la févérité d'un premier ju

gement.

COMÉDIE ITALIENNE.

LE

E même jour, on a repréfenté pour la première fois le Siége de Mézières, Cor médie en trois Actes & en vers libres..

Une puiffante armée de l'Empereur Charles-Quint affiégea Mézières, ville de France, en Champagne. Le célèbre Chevalier Bayard fit une fi vigoureuse réfiftance, qu'elle fut contrainte à en lever le fiége en 1521. Tel eft le fond de cet Ouvrage, fur lequel l'Auteur a brodé les acceffoires dont nous allous faire part à nos Lecteurs.

Au fiége de Breffe, en Italie, Bayard a été le protecteur & le bienfaiteur d'une jeune perfonne qu'il a fauvée de la fureur foldatefque, & il l'a remife entre les mains de fa mère. Cette jeune perfonne, qu'on appelle Laure, étoit aimée d'Octavio Prince de la famille des Farnèfe. Bayard n'a pu réfifter aux attraits de fa protégée, il l'a demandée en mariage à fa mère, &. ife prépare à l'époufer. Octavio, toujours plein de fon amour, arrive à Mézières fuivi de quelques perfonnes qui lui font dévouées, fe déguise en Troubadour,s'informe de la demeure de Laure, & tente de l'enlever. Il eft arrêté, chargé de fers,

conduit au Confeil de guerre, & menacé d'être jugé dans toute la rigueur des Ordonnances militaires. Par un preffentiment beaucoup moins naturel que le ne penfent bien des gens, mais très-commun aux Amans de Comédie, Laure prend le plus vif intérêt au prifonnier, elle parle à Bayard en fa faveur, & le généreux Chevalier promet de tout mettre en œuvre pour fauver les jours. Laure va bientôt plus loin; elle déclare à fa mère qu'elle ne doute point que le prifonnier ne foit fon cher Octavio, & qu'elle ne peut fe déterminer à devenir l'époufe de Bayard. La mère de Laure, après avoir quelque temps combattu entre la tendreffe maternelle & la reconnoiffance qu'elle doit à Bayard, fe détermine à lui tout avouér. Elle va le faire; mais pour le moment Bayard ne peut pas lui donner audience. Il attend un Chevalier qui s'est fait myftérieufement introduite dans la ville, & qui y eft entré la vifière de fon cafque baillée, ne voulant pas être connu par d'autres perfonnes que Bayard. Il entre; c'eft le fameux Connérable de Bourbon. Perfécuté par la Ducheffe d'Angoulême, difgracié, il ne refpire que la vengeance. Il vient de faire un traité avec l'Empereur ; il va commander les ennemis de fon Maître, porter dans fon pays natal le fer & la flamme, & il vient pour tenter d'entraîner Bayard dans fa rebellion. On fent que le Chevalier fans peur & fans re

proche repouffe très - vigoureufement une pareille propofition. Il effaye néanmoins de ramener le Connétable à des fentimens plus dignes de lui; il lui rappelle ce qu'il duit au nom de-Bourbon; il lui dit :

Pour la première fois, c'est celui d'un rebelle. Mais il n'eft plus temps; le traité eft figné ¿ le Connétable gémit fur la réfolution qu'il a prife, & il fe retire, après avoir entendu, par avance, les reproches que lui fit en effet Bayard mourant, quelque temps après cette époque. L'intérêt alors fe rejette fur Octavio qui, dans une converfation avec Bayard, qu'il traite affez cavalièrement, fait connoître fon nom, fon amour, fes projets, & demande la mort. Il ne pouvoit pas la demander plus à point, carà l'inftant un Officier vient lui apprendre qu'il eft con damné. Il y va marcher, il y marche même ; mais le canon fe fait entendre; la ville eft menacée d'un nouvel aflaut : on fufpend Pexécution; on remène Octavio à la tour. Les troupes fe raflemblent; les Officiers viennent prendre les ordres de leur Géné→ ral. Bayard voit la confiance qu'il leur infpire, la tendrelle qu'ils lui portent ; il leur demande une grace; on la lui accorde généralement avant de favoir quelle elle peut être; c'eft la vie & la liberté d'Octavio. On marche vers l'ennemi: Octavio eft libre; il réfléchit fur la grandeur d'ame, fur la générofitê de fon rival; il

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fe décide à lui facrifier fon bonheur, & fe difpofe à retourner en Italie, Bayard rentre; it eft vainqueur; l'Empereur a levé le fiége. Laure & la mère font déterminées à ne plus revenir, comme elles fe l'étoient propofé, fur la parole qu'elles ont donnée à Bayard; mais le généreux Chevalier a dompté fon cœur. Il envoie vers Octavio; on l'amène, & il lui rend fa Maîtrelle, laquelle il renonce pour jamais. La joiedevient générale, & la Pièce eft terminée par un Divertiffement dans lequel on appelle Bayard

Le plus jufte des Guerriers,

Le plus loyal des Chevaliers.

Il y a du fpectacle dans cette héroïque Comédie; mais l'intrigue en eft découfue, & l'intérêt en eft faible. Le ftyle, qui eft quelquefois très-élevé, eft auffi monotone & fouvent négligé; il est même incorrect de temps en temps. On a fort applaudi quelques idées heureufes & vraiment patriotiques; mais à la longue les murmures ont prévalu fur les applaudiffemens, & à peine a-t-on pu entendre les derniers vers du troifième Acte.

Nous ne ferons qu'une obfervation fur cette Pièce. Le cara tère de Bayard y eft préfenté fous des traits qui ne conviennent point à ce perfonnage. On n'aime point à entendre le Chevalier fans peur & fans reproche étaler fa&tueulement les maximes

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