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Un Ecrivain qui a long-temps médité un fujet d'un intérêt univerfel, fe place naturellement fur un vafte théatre; il élève naturellement le ton & les accens de fa voix: il parle aux Nations & aux Siècles; & fa voix, fon ton, doivent paroître exagérés à ceux qui n'ont jamais parlé que dans quelques cercles des intérêts d'un jour & d'une maison.

Il nous femble que ce parallèle explique affez bien & le ftyle de M. Necker, & les reproches que nous avons entendu lui faire.

De tous ces reproches, celui d'une dignité trop foutenue nous paroît le plus mérité. Le ton conftamment noble & oratoire met en quelque forte un intervalle entre l'Ecrivain & le Lecteur. C'est la familiarité & la foupleffe du ftyle qui rapproche le Lecteur de l'Auteur: pour répandre au loin la lumière, quand elle eft née, il faut peut-être l'éclat du ftyle oratoire; mais pour la faire naître, il faut la fimplicité & la précision du ftyle purement philofophique; & ce ftyle, de la clarté feule fait tirer encore des beautés & des graces: mais combien, il faut en convenir cependant, combien cette fimplicité & cette familiarité, qui font une adreffe de l'efprit plutôt qu'un talent, font inférieures aux beautés fi communes & fi multipliées dans l'Ouvrage de M. Necker! Je pourrois citer vingt morceaux; en voici un que je n'ai pu me laffer de relire.

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"Il eft des idées fimples, il est des » fentimens qui femblent nous approcher » de bien plus près que la métaphyfique, » des confolations & des efpérances qui

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nous font néceffaires. On ne peut médi ter profondément fur les merveilleux at» tributs de la penfée; on ne peut arrêter fon attention fur le vafte empire qui lui » a été foumis; on ne peut réfléchir fur la » faculté qui lui a été donnée de fixer le paffé, de rapprocher l'avenir, de rame»ner à elle te fpectacle de la Nature & le » tableau de l'Univers, & de contenir » pour ainfi dire, en un point, l'infinité de l'efpace & l'immenfité des temps; on "ne peut confidérer un pareil prodige fans » réunir à un fentiment continuel d'admi» ration, l'idée d'un but digne d'une fi

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grande conception, & digne de celui dont "nous adorons la fageffe. Pourrions-nous » cependant le découvrir, ce but, dans » le fouffle paffager, dans l'inftant fugitif » qui compofe la vie. Pourrions - nous le » découvrir dans une fucceffion d'appari"tions éphémères,qui ne fembleroient deftinées qu'à tracer la marche du temps? Pourrions-nous fur tout l'appercevoir » dans ce fyftême général de destruction, où, » devroit s'anéantir de la même manière, & la plante infenfible qui périt fans avoir » connu la vie, & l'homme intelligent qui » s'inftruit chaque jour du charme de l'exif»tence? Ne dégradons pas ainsi nous-mê

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» mes notre fort & notre nature, & jugeons, efpérons mieux de ce qui nous » eft inconnu. La vie, qui eft un moyen

de perfection, ne doit pas conduire à » une mort éternelle. L'efprit, cette fource » féconde de connoiffances & de lumières,

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ne doit pas aller fe perdre dans les om"bres ténébreufes du néant. Le fentiment, » cette douce & pure émotion qui nous » unit aux autres avec tant de charmes, "ne doit pas fe difliper comme la vapeur d'un fonge; la confcience, ce rigide ob» fervateur de nos actions, ce Juge fi fier

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& impofant, ne doit pas avoir été » destiné à nous tromper; & la piété, la » vertu, ne doivent pas élever en vain leurs regards vers ce modèle de perfection, l'objet de leur amour & de leur adoration. L'Etre Suprême, à qui tous les temps appartiennent, femble avoir fcellé déjà "notre union avec l'avenir, en nous faisant » le don de la prévoyance, & en plaçant au fond de notre cœur le défir paflionné "d'une longue durée, & le fentiment con» fus qui nous en donne l'attente. Il y a quelque relation encore obfcure, quelque rapport encore ignoré, entre notre nature » morale & les temps éloignés de nous » & peut-être que nos vœux, nos efpé»rances font un fixième fens, & un fens à

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diftance, s'il eft permis de s'exprimer ainfi, dont un jour nous éprouverons la fatif» faction. Quelquefois aufli j'imagine que

» le don d'aimer, le plus bel ornement de » la nature humaine,, le don d'aimer,

chantement fublime, eft un gage mysté-. rieux de la vérité de ces espérances; » car en nous dégageant de nous-mêmes & " en nous tranfportant au delà des limites. de notre être, il femble comme un premier pas vers une nature immortelle; & en nous préfentant l'idée, en nous offrant l'exemple d'une existence hors de nous, » il paroit vouloir interpréter à notre sen»timent ce que notre efprit ne peut com prendre.

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Enfin, & cette réflexion eft la plus impofante de toutes, quand je vois l'efprit de l'homme atteindre à la connoiffance d'un Dieu, quand je le vois s'approcher du moins d'une fi grande idée, ce degré d'élévation me prépare en quelque manière à la haute deflinée de notre ame. Je cherche une proportion entre cette immenfe penfée & tous les in"térêts de la terre, & je n'en découvre » aucune; je cherche une proportion entre » cette méditation fans bornes & le tableau rapproché de la vie, & je n'en apperçois point. Il y a donc, n'en doutons point. quelque magnifique fecret derrière tout » ce que nous voyons; il y a quelque éton»nante merveille derrière cette toile en» core baiffec; & de toutes parts, autour de nous, nous en découvrons les com» mencemens. Ah! comment imaginer,

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comment fe réfoudre à penfer que tout » ce qui nous meur & nous anime, que » tout ce qui nous guide & nous entraîne, » eft une fuite de preftiges, un affemblage » d'illufions «!

Comme, dans ce morceau, la pensée eft toujours profonde, & l'expreffion toujours fenfible & animée. J'en connois peu d'auffi beau dans notre Langue.

Le nom de M. Necker, comme fon Ou-, vre, fervira un jour aux défenfeurs de la caule de Dieu. On dit aujourd'hui que Newton & Locke croyoient, en Dieu: il viendra un temps où l'on dira auffi que Turgot & Necker y ont cru.

(Cet Article eft de M. Garat.)

TRAITÉ élémentaire fur l'Art de peindre en miniature, par le moyen duquel les Amateurs qui ont les premiers principes du Delfin, peuvent atteindre à la perfection dans ce genre fans le fecours d'un Mattre; par M. VIOLET, Peintre en miniature, & Membre de l'Académie de Lille en Flandre. Prix, 30 f. A Paris, chez l'Auteur, rue Chauffée d'Antin, vis-à vis l'Hôtel Monteflon; & Guillot, Libraire de MONSIEUR, rue SaintJacques, vis-à-vis celle des Mathurins.

II. feroit à fouhaiter que les Artistes célèbres vouluffent bien écrire fur l'Art

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