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qu'ils ont exercé, & dont ils ont reculé les limites. Leurs règles, leurs apperçus même décéleroient ces fecrets, que le Génie &la Nature femblent ne réferver qu'aux adeptes: mais, nous en convenons à regret, l'Artifte qui fait fi bien peindre tout ce qu'il conçoit, & embellir la Nature & fes créations, feroit embarraffé fouvent à fixer fa penfée fur le papier. Son imagination si brillante quand fa main tient le pinceau, devient froide quand elle prend la plume, La raison de cette impuiffance eft facile à deviner; c'eft que l'Artifte en général ne fût point pénétré de ce précepte fi vrai de Voltaire fur l'union qui exifte entre les Beaux-Arts, & qu'au lieu de les cultiver tous, il n'en chérît qu'un :

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Tous les Arts font amis ainsi qu'ils font divers;
Qui veut les féparer eft loin de les connoître.

On ne fera point ce reproche à M. Violet, qui, par fes portraits, a prouvé qu'il étoit Peintre, & qui prouve encore qu'il l'eft en écrivant. C'eft ainfi qu'il définit fon Art, & tous les Arts en peu de mots. » Tout Art proprement dit eft une réu"nion de préceptes, de règles, d'expé"riences & de raifonnemens. Ariftore le

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définit, une méthode de bien faire quel"que chofe. Selon Lucien, c'est un recueil de préceptes pour une fin utile à l'homme". M. Violet parle-t-il de l'origine de fon

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Art: Tout l'Art, dit-il, confiftoit d'abord » à peindre ce qu'on voyoit & ce qu'on » fentoit. On ne favoit pas choir..... Les Grecs, doués d'un génic heureux, faifirent enfin avec netteté les traits effentiels.& capitaux de la belle Nature, & comprirent clairement qu'il ne fuffifoit pas d'imiter les chofes, qu'il falloit encore les choifir. Jufqu'a cux les Ouvrages » n'étcient encore remarquables que par » l'énermité des males. Les Grecs fen» tirent qu'il étoit plus beau de charmer l'efprit, que d'étonner ou d'éblouir les yeux. Ils jugèrent que l'unité, la variété, la proportion, devoient être le fonde»ment de tous les Arts: & fur ce fond, » fi beau, fi jufte, fi conforme aux loix » du goût & du fentiment, on vit chez » eux la toile porter le relief & les cou» leurs de la Nature; le pinceau enfanta » des miracles".

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Les préceptes que l'Auteur donne font infpirés par le goûr le plus délicat. » Le » but d'un Artifte, dit-il, doit être d'exprimer la Nature, de la rendre, & non » de la farder. C'eft la déguifer, la contrefaire, que de montrer l'Art: il perd tout fon prix dès qu'il eft apperçu. Son mé» rite confifte à ne laiffer aucune trace de lui-même, à ne pas fe laiffer foupçonner, s'il fe peut; en fe décelant, il détruit l'illufion & le charme, qui font ła » vraie fource du plaifir que donnent tous

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les Ouvrages d'imitation «. L'Auteur fait enfuite des applications particulières à fon Art; & enfin il donne des leçons fi claires, des définitions fi exactes, des résultats fi vrais, qu'il eft impoffible qu'on life fa brochure fans fruit. On y eft entraîné par l'agrément du ftyle, & par la vérité & la précision des préceptes. Toutes les règles de l'Art & du goût font renfermées dans vingt-trois Chapitres, & chaque Chapitre eft aufli court & aufi inftructif qu'il doit l'être; tant il eft vrai qu'on peut dire beaucoup de chofes dans 70 pages! Nous finirons cette analyse par une citation du vingt-deuxième Chapitre, où M. Violet relève un ridicule trop commun à ceux qui fe font peindre.

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"Rien ne femble plus ridicule, dit-il, »que de vouloir être peint en riant; cependant chacun dans ce fiècle veut rire en peinture..... On ne peut faifir qu'un » inftant dans l'imitation d'un portrait. Le » moins ridicule eft celui qui convient le mieux, & c'eft fans contredit celui où l'on a l'air de s'occuper de quelque idée » agréable, qui mettant du jeu dans les » yeux & dans tous les traits, y fait naître une gracieufe hilarité. Mais il y a loin » de l'action légère & prefque impercep»tible des mufcles dans un demi-fourire » aimable, aux convulfions d'un rite im"moléré ou forcé..... Je fuppofe qu'un » Génie mal-faifant s'introduisît dans un

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cercle où la groffe gaîté auroit gagné » tous les affiftans, & que fixant leurs traits dans l'état où ils feroient, au mo ment de l'accès du rire, il les condam» nât à y refter toute leur vie, comme un » portrait qui ne change jamais d'expref» hon; je demande fi ces mêmes perfonnes éparfes enfuite en différens lieux, ne

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feroient pas regardées comme des imbé»cilles ou des foux; & rien n'eft agréable "que quand il eft momentané «. Nous avons en effet obfervé à l'expofition des tableaux, que les portraits étoient caracté rifés, fur-tout par ce rire, qui prononçoit les figures d'une manière ridicule. Tout eft de mode; & à ce rire déplacé fuccédera un jour un maintien trop grave. Ces excès font malheureufement très-voifins. M. Violet eft l'Artifte qu'il faut pour favoir fe tenir à cette distance qu'un goût şûr indique. Ses miniatures en offrent des preuves continuelles; & nous ne craignons pas de dire que plus fon talent fera connu, plus il fera prifé & recherché.

VARIÉTÉS

VARIÉTÉS.

NOTICE fur M. RISBEC K.

DEPUIS les progrès que les Allemands ont faits dans la Littérature, depuis que les chef-d'œuvres qu'ils ont produits, ont excité les François à connoître leur Langue & à traduire leurs Ouvrages, la perte des Littérateurs diftingués de l'Allemagné ne peut plus paroître indifférente à la Nation Françoife. Un grand Homme, un bon Ecrivain font de tous les pays, & Buffon eft pleuré en Angle terre, en Italie, en Ruffie, comme il l'eft en France. Le Monde littéraire devroit être regardé comme une famille dans laquelle tous les membres qui la compofent viennent dépofer les richeffes de leur imagination; &, la perte de l'un de ces membres, de quelque Nation qu'il foit, ne peut qu'exciter les regrets de tous les autres. Les Gens de Lettres François font ceux qui fe font le plus long-temps refufés à cette espèce de fraternité avec leurs voifias, & fur-tout avec les Allemands: leur juftice envers eux a été lentę & tardive; mais depuis environ quinze ans qu'ils commencent à connoître leurs Ouvrages, its les ont appréciés, & ont for:é leurs préjugés défavorables à fe taire. C'eft ici le moment de rappeler les regrets touchans que M. de Florian a exprimés, au milieu de l'Académie, fur la perte de fon ami Geffner. Il étoit beau de faire verfer des larmes, fur la mort d'un Ecrivain étranger, N°. 28. 1 Juillet 1788.

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