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» le plus grand de tous nos intérêts. » D'où vous concluez qu'il ne reste, selon moi, en cet état que le seul motif de la charité, et que celui de l'espérance est exclu comme intéressé, parce qu'intérêt propre et le plus grand de tous nos intérêts sont précisément la même chose.

Mais n'y a-t-il, Monseigneur, qu'à supposer sans preuve ce qui est en question, pour conclure que j'ai blasphémé? Pour moi, dont la cause doit être plus favorable que celle de mes accusateurs, puisque je ne parle que pour expliquer ma propre pensée, et pour justifier ma foi, je n'avance rien sans preuve clairement tirée de mon texte. J'ai déjà prouvé que j'ai entendu par objet formel tout ce que vous entendez par motif. Il s'ensuit donc qu'en établissant la diversité des objets formels, j'ai conservé celle de ce que vous nommez les motifs, et qu'en excluant la diversité des motifs, je n'ai exclu que la diversité ou mélange de divers principes intérieurs d'amours, qui font agir la volonté. Pour l'intérêt propre, il n'est pas permis de le confondre avec le plus grand de tous nos intérêts. J'ai dit du salut qu'il étoit le plus grand de tous nos intérêts. Mais, en parlant ainsi, je l'ai toujours opposé à l'intérêt propre, et j'ai sans cesse réservé l'un en excluant l'autre de l'état des parfaits. Je n'ai exclu le désir du salut qu'en le regardant comme le salut propre (1); ce qui est réserver clairement le salut, n'en exclure que la propriété. Qui ajoute propre au terme d'intérêt, exprime cette propriété rejetée par tant de saints, et avec laquelle cet intérêt est re() Max. des Saints, p. 52.

et

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cherché par les imparfaits. La propriété n'est pas l'objet extérieur, c'est une affection intérieure de l'ame. Niez-vous, Monseigneur, qu'il n'y ait une propriété à retrancher du désir des plus grands dons de Dieu? N'avez-vous pas approuvé que M. de Meaux ait dit «< Telle est la véritable purification de l'a>>mour, telle est la parfaite désappropriation du cœur qui donne tout à Dieu, et ne veut plus rien avoir » de propre (1)?» Il ne faut donc, dans cette désappropriation et dans cette pureté d'amour, avoir aucun intérêt propre en aucun genre. Ce qu'on ne doit plus avoir en se désappropriant, ne peut-il pas être absolument exclu ou sacrifié? l'unité de motif, qui vous choque tant, n'exclut donc qu'un principe intérieur, qui est la propriété d'intérêt. Alors le Chrétien cherche son salut comme son bien, et par la raison qu'il lui est souverainement bon. Mais c'est l'amour de Dieu et de sa gloire qui prévient l'ame et qui l'excite à se désirer ce bien. Ainsi elle ne se le désire plus comme un bien propre qui contente l'amour naturel. Voilà l'exclusion de cette propriété ou mercenarité qui cherche notre bien comme notre bien, sans remonter plus haut. Telle est dans mon livre l'exclusion du motif précis (2), qui n'exclut jamais les actes d'espérance surnaturelle.

IV OBJECTION.

XII. Vous vous récriez, Monseigneur : « Quoi » intérêt et intéressé ont un double sens dans l'es >> pace de deux lignes, aux endroits les plus impor ((1) Instr. sur les Etats d'orais. liy. x, n. 30: tom. xxv11, p. 460. - (2) Max. des Saints, p. 45.

» tans de son livre, parlant d'un même acte, etc..... »sans en avertir le lecteur (1)? »

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1o Je réponds que ce n'est qu'en un certain sens que Dieu béatifiant peut être nommé un intérêt. M. de Meaux ne veut pas qu'on se serve de cette manière basse de l'exprimer; pour moi, je ne dispute point sur les termes, pourvu que vous cessiez de faire des objections sur une pure équivoque. Quand même on appellera en un sens Dieu béatifiant un intérêt, pour exprimer un avantage, il ne s'ensuivra pas qu'on doive nommer intéressés les actes par lesquels on désire cet intérêt. On dit tous les jours d'un homme généreux qu'il cherche son intérêt d'une manière noble et qui n'est point intéressée intérêt ne dit alors qu'un bien solide, un vrai avantage; intéressé exprime au contraire un sentiment mercenaire et imparfait. Vous avez traduit vous-même, dans votre Déclaration (2), intéressé par mercenarius. Je ne vous demande donc que la justice que vous ne me pouvez refuser, en avouant, selon votre propre traduction, que mercenaire et intéressé sont synonymes. Substituons donc l'un dans mon texte en la place de l'autre, et vous verrez dans le moment qu'en levant l'équivoque votre objection s'évanouit. N'est-il pas clair et naturel de dire qu'un Chrétien parfait désire ce qui est en un sens son intérêt ou son avantage suprême, mais qu'il ne le désire point par un désir mercenaire. Traduisez-le en latin à la lettre. N'est-il vrai de dire : Optanda est merces, sed non affectu mercenario. Voudriez-vous dire

(1) Lettr. past. ci-dessus, p. 155, p. 252, etc.

(2) Déclar. tom. xxvIII,

que tous les actes surnaturels d'espérance sont essentiellement mercenaires? Contredirez-vous les Pères qui ôtent des justes parfaits la mercenarité qu'ils reconnoissent dans les imparfaits? Enfin nierez-vous que les saints mystiques n'aient rejeté de l'état de perfection la propriété et les désirs intéressés des dons de Dieu ? Voyez ma première Lettre sur la Réponse de M. de Meaux à quatre des miennes. Enfin remarquez, Monseigneur, que ce que vous regardez comme la force de votre objection est ce qui se tourne en preuve pour moi contre vous. Ce double sens dont vous vous plaignez se trouve dans l'espace de deux lignes. Il ne peut donc être suspect de mauvaise foi. Quand on veut tromper sur les termes, on ne met pas les contradictoires ensemble dans l'espace de deux lignes. On déguise, on enveloppe, on écarte les contradictions. On craint que le lecteur ne les sente. On craint de les sentir soi-même. D'ailleurs lorsqu'on tombe dans une contradiction, on n'y tombe pas avec une extravagance si évidente, si grossière et si monstrueuse. Dans l'espace de deux lignes, j'oppose l'intérêt au désir intéressé. J'ai donc supposé ouvertement que le double sens d'intérêt et d'intéressé est clair et naturel. En effet, il l'est, comme je viens de le montrer. Plus j'ai opposé ces deux choses l'une à l'autre dans l'espace de deux lignes, plus il est clair que je les ai données comme très-différentes. Quand je dirai par exemple en deux lignes, qu'un homme noble veut ce qui est son intérêt dans ses affaires, sans y agir d'une manière intéressée, tout le monde m'entendra sans peine, et on ne pourra douter du double sens que

j'aurai voulu donner à ces deux termes d'intérêt et d'intéressé. Il n'est point nécessaire d'en avertir le lecteur; la chose parle d'elle-même. Cette opposition si claire, dans l'espace de deux lignes, emporte évidemment la diversité des sens attachés à ces deux termes opposés l'un à l'autre. Ne dites donc plus : « Une sous-entente inconnue deviendra le chiffre et >> le dénouement du livre. » Rien n'est moins chiffre que ce double sens de ces deux termes, et quand il seroit un chiffre, ce seroit à moi à le déchiffrer.

V OBJECTION.

XIII. Vous dites, Monseigneur : « Pourquoi tant » de raisons et tant de tours, etc?..... ni lui ni per» sonne ne pouvoit craindre que la perte d'une affec» tion toute naturelle entrainât celle de l'espérance » chrétienne, ni de son objet formel (1). »

Ne voit-on pas que j'avois sujet de craindre ce qui est arrivé, malgré toutes mes craintes, savoir, qu'on voudroit confondre le désir naturel des dons de Dieu avec le désir surnaturel de ces dons, la propriété avec l'espérance, et la béatitude désirée par l'impression de la grâce comme le plus parfait moyen de glorifier Dieu, avec la béatitude en tant que propre, et comme le meilleur moyen de contenter l'amour de nous-mêmes. En tout cela il n'y a point eu tant de tours. Je n'ai fait que me servir simplement de tous les termes de l'Ecole que vous nommez barbares, excepté celui de motif intéressé, que j'ai mis à un autre usage à l'exemple de beaucoup de saints auteurs. Vous ajoutez : « Il n'avoit (1) Lettr. past. ci-dessus, p. 144.

» qu'à

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