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cher non seulement les conséquences à leurs principes, mais aussi les principes les uns aux autres. En un mot, ce n'est pas tant la loi germanique que nous avons voulu retrouver (d'autres l'avaient déjà cherchée et trouvée avant nous), que la raison de la loi, et si ce mot n'était pas trop compromettant, l'esprit même de la loi barbare.

C'est là du moins l'objet que nous avions en vue; mais nous prions le lecteur de ne chercher dans ce livre que ce que nous avons eu dessein d'y mettre, c'est-à-dire le droit barbare. Il n'y trouvera rien, ni sur la partie romaine, ni sur la partie celtique de nos origines. Pour ce qui est de la première, nous croyons lui avoir assigné ailleurs la place qui lui appartient dans la constitution politique de la France mérovingienne (car nous n'avions pas à nous occuper de celle qu'elle peut réclamer dans notre droit civil); et quant à la seconde, d'un côté, M. de Courson vient de donner un fort bon livre sur la matière 2; de l'autre, M. Laferrière prépare sur le même sujet un grand travail où la question sera remaniée de fond en comble. Nous n'avons donc point à nous en occuper.

Du reste, nous croyons que la tentative que nous hasardons ici est la première de ce genre; car on peut dire que jusqu'ici le droit germanique n'a été étudié que par fragments, c'est-à-dire chez tel ou tel peuple, et jamais dans

1 Instit. méroving.

2 Histoire des Origines et des Instit. de la Bretagne armoricaine. 1 vol. in-8°, Paris, Joubert, 1843.

son ensemble. Montesquieu seul fait peut-être exception : nous disons peut-être, et nous le disons avec respect; car, en parlant des lois barbares, il ne s'est guère préoccupé que du point de vue politique et historique, sans doute parce que cette fois il a plus suivi sa querelle avec l'abbé Dubos que son sujet1. Or, il faut faire au préalable une observation capitale; c'est que les lois politiques de la féodalité ne sont en réalité que des lois civiles, ou pour mieux dire des lois domestiques (car ce mot est le véritable), et qu'on ne peut comprendre l'histoire et le gouvernement des deux premières races, et surtout de la seconde, qu'autant que l'on s'est fait ⚫ des idées exactes sur l'histoire de la famille et de la propriété chez les Germains. Jamais, en effet, à aucune époque et chez aucun peuple, le gouvernement ne s'est tenu plus près de la famille; et c'est dans la démonstration de cette vérité que consiste l'originalité, car nous ne saurions dire le mérite de ce livre. Et comme c'est la première fois que le problême est envisagé sous cet aspect, nous en faisons la remarque pour excuser à nos propres yeux les imperfections de notre ouvrage, et pour ne négliger aucun de nos titres à l'indulgence.

Nous nous hâtons d'ajouter, pour rassurer le lecteur sur le mérite des résultats obtenus, que la témérité de cette tentative a été considérablement diminuée par le choix

1 Cela est vrai même du livre xxvIII, où il traite de l'origine et des révolutions des lois civiles chez les Français.

et l'abondance des travaux préparatoires que nous avons trouvés sous notre main à l'entrée même de la route. Je ne parle pas du livre, d'ailleurs si raisonnable, d'Heineccius1; parce que, en brisant pour ainsi dire son sujet sur la forme des Institutes de Justinien, il en a mal à propos dérangé les proportions, et par cela même altéré le sens et détruit l'harmonie; ce qui l'a privé de la lumière la plus précieuse de son sujet, celle des rapports. Je ne parle pas davantage des traités spéciaux et des considérations générales qui ont paru sur la matière, avec une fécondité vraiment merveilleuse, en France et à l'étranger, dans ces trois derniers siècles; parce que c'est là comme un fonds commun où chacun est venu puiser à son tour, et sur le mérite duquel tout le monde est d'accord depuis long-temps. Je parle surtout de quelques publications nouvelles qui ont dignement continué les premières, et qui tendent à maintenir l'érudition et la critique françaises dans le rang élevé dont elles ont paru vouloir déchoir un moment. Au nombre de ces écrits, le public a distingué l'Histoire du droit de propriété foncière en Occident, par M. Edouard Laboulaye 2. L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a fait mieux encore: elle l'a couronnée. Les amis de l'auteur n'auraient donc rien à désirer, si, non content d'exposer les faits avec une netteté et une simplicité qui méritent de faire école, il les avait dominés de plus haut,

1 Elementa juris Germanici. (Dans les œuvres complètes.)

21 vol. in 8. Paris, 1839.

en remontant un peu plus souvent jusqu'aux principes. Il en est un surtout dont l'absence nous a vivement frappé dans son travail; à savoir, le principe même et l'origine de la propriété germanique, sur lesquels les lois barbares et les Capitulaires nous fournissent pourtant des indications si curieuses 1. M. Giraud, que l'Institut vient tout récemment d'appeler dans son sein, et qui déjà à cette époque disputait avec ardeur ses plus belles couronnes, avait senti, en `traitant le même sujet, la nécessité de l'éclairer en le rattachant à une théorie de la propriété, basée en même temps sur la philosophie et sur l'histoire, et nous sommes heureux de nous prévaloir ici de son exemple. Ses Recherches sur le droit de propriété chez les Romains 2 ne sont qu'un fragment détaché d'un vaste ensemble qui devait comprendre à la fois l'antiquité et les temps modernes jusqu'au xvi° siècle. Si l'auteur avait rempli ce large cadre, l'ouvrage que nous donnons aujourd'hui aurait été superflu; mais, distrait sans doute par d'autres soins, il s'est arrêté trop tôt dans la carrière, au grand détriment de la science et de tous ceux qui s'intéressent aux progrès des études historiques dans notre patrie.

Nous n'adresserons pas le même reproche à un travail plus récent, et aussi plus complet de M. Laboulaye, sur la condition civile et politique des femmes depuis les Romains jusqu'à nos

1 V. infra. I. I. c. 4.

21 vol. in-8°. 1838.

jours 1. L'Académie des sciences morales et politiques a accordé à celui-ci l'éminente distinction que l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres avait déjà accordée au premier; mais il est facile de voir qu'entre ces deux productions l'esprit de l'auteur n'est point resté stationnaire, et que la distance qui les sépare est tout à l'avantage de la science. Nous regrettons sincèrement que les Recherches sur la condition civile et politique des femmes ne nous soient parvenues qu'à une époque où nous ne pouvions plus en faire usage pour contrôler nos propres recherches; quoique nous soyons forcé d'avouer que nous ne saurions restreindre l'étendue et la portée du mundium aux limites que l'auteur semble lui assigner; dans notre opinion, le mundium était la base même de la famille germanique dans sa plus grande extension, et cette extension ne comprenait rien moins que l'État et la famille. M. Laboulaye ne veut le voir, je crois, que dans la famille.

car,

L'Histoire du Droit français de M. Laferrière date déjà de plusieurs années, et dès son apparition, elle a conquis dans la science une place d'autant plus belle, que jusqu'ici elle était restée inoccupée 2. M. Laferrière est encore un lauréat de l'Institut; et son livre est certainement un de ceux où il y a le plus de choses à apprendre, et peut-être celui où l'histoire est venue le plus heureusement en aide à la doctrine. Il

11 vol. in-8°. Paris, Joubert, 1843. 2 2 vol. in-8°. Paris, Joubert, 1838.

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