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il a souvent rendu un service aussi essentiel à son souverain et à sa patrie, que celui qui, chargé d'une négociation en forme, est parvenu à la terminer à la satisfaction de son maître.

Pour ne jamais perdre de vue des objets d'une si grande importance dans les relations mutuelles de deux cours, l'occupation la plus constante de l'agent diplomatique doit être d'observer tout ce qui se passe sous ses yeux, et de pressentir autant que possible les événemens prochains. Pour que cette surveillance exercée par lui, et qui n'est limitée par aucune restriction quelconque, puisse se porter sur tous les points, il faut qu'il ait acquis, ou dumoins qu'il s'applique à acquérir une connaissance exacte, des droits et prétentions de son souverain, et des intérêts ainsi que des rapports politiques et commerciaux de sa patrie dans le pays où il est accrédité. L'agent diplomatique ne remplirait que bien imparfaitement, les devoirs de sa charge s'il négligeait cette étude aussi essentielle pour sa propre instruction et sa conduite, qu'utile pour le gouvernement qui l'envoie. Ce n'est qu'avec ces connaissances acquises qu'il sera certain de n'être jamais pris au dépourvu, et qu'on ne parviendra que difficilement à le tromper. C'est à la sagesse et à la prudence de l'agent diplomatique à juger dans quelles circonstances il peut être utile de laisser appercevoir sa surveillance, et faire présumer aux ministres du gouvernement étranger que leurs démarches ou tentatives secrètes n'ont point échappés à sa sagacité.

Si les affaires de sa cour sont dans une situation

fâcheuse ou embarrassante, l'agent diplomatique doit éviter avec soin toutes les occassions qui donneraient lieu à la faire connaître. Une contenance également éloignée de la fierté et de la faiblesse servile et obséquieuse, sied bien au représentant d'un souverain et ne peut qu'être utile aux affaires de celui-ci.

Comme il existe entre les agens diplomatiques accrédités à une même cour, un commerce réciproque d'avis et de nouvelles, il faut nécessairement en donner si l'on veut en recevoir, et le plus habile est celui qui tire le plus d'utilité de cet échange, en adaptant aux circonstances du moment les renseignemens et même les simples bruits qui lui sont communiqués. C'est à l'habilité de l'agent diplomatique au surplus, à former des liaisons qui le mettent à même de recueillir des nouvelles, et d'en examiner l'authenticité.

Le droit des gens européen ne parait pas regarder comme illicite la corruption employée dans ce but; personne dumoins ne met en doute l'exercice journalier de cet art, et si l'on s'est souvent élevé contre son usage, il n'est pas rare, qu'en d'autres circonstances on en ait fait assez clairement l'aveu (4).

(4) Si le devoir de sa charge (de ministre public) dit Mr. CALLIÈRES, l'oblige d'user de discrétion et de circonspection dans tout ce qu'il peut être dans le cas de communiquer à d'autres, rien certainement ne convient moins que d'user de fausseté qui, tôt ou tard, se découvre, quelque précaution

ution que l'on prenne. Les hommes d'ailleurs ne se pardonnent pas d'avoir été trompés; l'amour-propre en est trop humilié, et le desavantage réel qui résulte pour celui qui a été abusé l'empêche de pardonner à celui qui a abusé de la confiance qu'il avait su inspirer. On fait gloire au surplus

Dans les communications par écrit (5), que l'agent diplomatique se croirait en droit de faire à ses collègues, il ne saurait trop observer la plus grande prudence et la plus grande circonspection, attendu que la moindre chose, une phrase, un mot peut avoir de grandes conséquences; les circonstances seules doivent le diriger. Mais comme l'intimité de deux cours peut s'affaiblir et même cesser: que les vues politiques peuvent changer, et qu'alors les confidences faites par écrit pourraient facilement compromettre celui qui les a faites, il est bon de ne jamais perdre de vue que quelque soit l'intimité entre deux cours, quelqu'étroits que soient leurs liens politiques et même de famille, elles ont des intérêts séparés, souvent même opposés: et qui peut répondre que d'un moment à l'autre, cette opposition ne produira pas du réfroidissement et même une rupture?

Les lois de la bienséance non moins que celles du droit, faisant un devoir à l'agent diplomatique de toujours se conduire de manière à entretenir des rapports d'amitié ou à dissiper des dispositions contraires, il doit, même dans les cas les moins équivoques de mésintelligence entre les deux cours, ne jamais négliger les usages et les égards que la poli

de traiter avec un homme d'honneur, et l'on est toujours en garde contre celui dont la bonne foi est douteuse.

(5) Des cours intimement liées peuvent souvent avoir des confidences à se faire, et il peut donc arriver qu'un ministre ait des motifs pour donner lecture de ses dépêches à un de ses collègues, et même à lui en donner ou à lui en laisser prendre une copie.

tesse a introduits. Aussi est-ce pour cette raison que les ministres étrangers participent extérieurement aux événemens heureux ou tristes qui ont rapport à la famille du prince auprès duquel ils résident; qu'ils paraissent à la cour selon l'étiquette établie, et qu'ils adressent dans l'occasion, leurs complimens de féli– citation ou de condoléance.

Indépendamment des affaires qui touchent les intérêts mutuels des deux gouvernemens, les fonctions et les négociations de l'agent diplomatique en pays étranger, peuvent encore porter sur les intérêts privés des sujets de son souverain, qui dans le pays où il réside doivent être regardés comme ses protégés naturels.

Si le ministre a reçu à cet égard des instructions formelles de son gouvernement il doit s'y conformer strictement. Mais aussi, dans tous les cas particuliers et imprévus, il est du devoir de sa charge de protéger et d'assister les compatriotes qui s'adressent à lui, de les aider de ses conseils par la connaissance qu'il a des localités, et de recommander leurs intérêts au souverain du pays ou à ses ministres; ou bien encore aux diverses autorités locales si l'affaire est de nature à être décidée par elles, sans qu'il soit tenu toutefois de conduire les affaires qu'ils pourraient avoir avec des particuliers, ou de s'y immiscer juridiquement (6),

(6) Lorsque les affaires d'un particulier sont recommandées au ministre à l'étranger par le gouvernement de cet agent, il doit les appuyer de sa recommandation et écrire en leur faveur; mais du moment que de telles affaires ont besoin d'être décidées par les tribunaux, toute intervention et voie diplomatique cesse aussitôt.

Il faut en outre que l'agent diplomatique dans ses démarches officielles ne s'écarte jamais de la prudence, s'il craint de compromettre la dignité de sa cour, ou de froisser celle où il réside. Il ne doit point chercher à modifier le droit en faveur de ses protégés ni apporter obstacle au cours naturel de la justice. Lorsqu'un sujet de son souverain est à l'étranger atteint par les tribunaux, le ministre ou l'agent diplomatique doit laisser aux lois à prononcer sur la culpabilité ou l'innocence du prévenu. Il peut toutefois hâter par

ses demandes l'époque du jugement.

Les instructions qu'il a reçues de sa cour décident şi c'est officiellement ou seulement par des recommandations privées qu'il doit, dans l'occasion, agir en faveur des sujets de son souverain.

Quant aux étrangers, il serait souvent dangereux pour l'agent diplomatique de leur accorder son appui, et les démarches officielles dont il pourrait tenter d'étayer les sujets du souverain auprès duquel il réside, seraient tout-à-fait inadmissibles.

S. 50.

Des négociations diplomatiques (1).

Il ne peut point être question ici de l'art de négocier, peu susceptible d'être traité systematique

(1) Depuis la première paix, dit Mr. DE PRADT T. I, p. 7, du congrès de Vienne, qui eut lieu entre la Convention et les puissances de l'Europe, et celle que le Comte Carletti signa en 1795, au nom du Grand-Duc de Toscane, il n'y a pas eu de véritable négociation en Europe. On a vu des stipulations,

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