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des vues particulières de la part d'une grande puissance, la politique devient encore plus compliquée, plus incertaine; elle occasionne partout du mouvement et de l'agitation, parceque l'on veut partout se mettre en garde contre l'orage qu'on croit prévoir et dont on craint l'explosion.

Encore faut-il observer que des plans de cabinet souvent parfaitement combinés, ont avorté, soit parceque les têtes secondaires ou chargées de l'exécution avaient mal appliqué les ordres de l'autorité, soit parceque des instructions ont été mal comprises.

D'après ce qui vient d'être dit on concevra facilement que dans les opérations diplomatiques on pourrait quelquefois juger à tort du mérite des plans ou des conceptions premières par les résultats.

Il faut surtout excepter de la responsabilité morale du ministre, les opérations intimement liées aux événemens de la guerre; car souvent, après des campagnes malheureuses, tout ce que la politique avait conçu de plus habile s'évanouit; et alors le ministre n'a plus à répondre que du mérite de ses opérations dans certaines hypothèses.

Le négociateur médiocre, favorisé par les événemens, pourra faire beaucoup mieux que l'homme de génie épuisant contre la fortune ennemie toutes les combinaisons; mais cette différence de succès ne change rien à la capacité de l'un et de l'autre, et un esprit clairvoyant sait bien séparer l'homme des circonstances.

On doit être très-indulgent sur les erreurs de la

politique, à cause de la facilité qu'il y a à en commettre, erreurs dans lesquelles la sagesse elle-même fait tomber quelquefois.

Du Ministère des affaires étrangères.

La multiplication des rapports commerciaux, suite de la découverte du nouveau monde et de la nouvelle route de l'Inde, les relations littéraires excitées par l'invention de l'imprimerie et accrues par la réformation, l'influence respective des états entre eux et leur danger commun à l'égard des puissances prépondérantes, telles furent les causes qui, vers la fin du seizième siècle, obligèrent les gouvernemens à entretenir entre-eux des négociations continuelles, la plupart du tems trop compliquées pour être traitées par voie de correspondance et qui par conséquent rendaient souvent nécessaire l'envoi de ministres extraordinaires.

Ce furent les cours des grandes puissances de l'Europe, dont les rapports politiques et les vues plus étendues de leurs cabinets se multipliant de plus en plus, sentirent la nécessité de s'observer et de se surveiller réciproquement, et pour cet effet commencèrent à s'envoyer mutuellement des agens diplomatiques en mission fixe; bientôt les petites puissances suivirent leur exemple et depuis la paix de Westphalie l'usage en devint général (1).

(1) Quoique les agens fixes, dit Mr. DE FLASSAN, remontent à la fin du quinzième siècle, c'est surtout à dater du ministère du cardinal de Richelieu, que l'Europe se trouva sous l'influence d'une foule d'agens diplomatiques mis en action

Les relations au dehors devenues ainsi plus fréquentes et plus utiles entre toutes les puissances rendirent bientôt nécessaire la formation d'un cabinet spécial, chargé de la correspondance politique et de la direction des affaires au dehors.

De là l'origine de cette administration connue d'abord sous la dénomination de Secrétariat des affaires étrangères et des dépêches, de Ministère des conférences et de Chancellerie d'État, et qui fut désignée plus tard par Ministère ou Département des relations extérieures ou des affaires étrangères.

Du Ministre des affaires étrangères et de ses

Fonctions.

Si la politique extérieure d'un état, doit être regardée comme la partie la plus importante de l'administration publique, et que nulle autre ne présente comme elle des rapports si variés, si multipliés, si versatiles, et à la fois environnés de tant d'écueils et de dangers: on concevra facilement combien doivent être difficiles et délicates les fonctions de celui qui est appelé à la direction d'une telle administration; elles le sont d'autant plus qu'il ne saurait être soumis pour la conduite générale de son ministère à aucune responsabilité légale; qu'il n'a d'autre tribunal que son propre sentiment, celui de

perpétuelle par la politique remuante de ce ministre, et cet ordre de choses s'étant encore développé, les nations se trouvent aujourd'hui sous la surveillance active de la diplo matie dont les yeux perçans voient tout et pénètrent tout.

son souverain, et surtout l'opinion publique qui établit ou détruit en tyran les réputations, qui punit les empiriques par le mépris, et récompense les hommes de mérite par l'estime et la considération.

Celui qui à la justesse dans ses idées, joint celle du raisonnement; qui a la sagacité et l'instruction nécessaires pour embrasser, démêler et juger sainement, les véritables intérêts de la patrie; qui possède assez de pénétration et de connaissances pour les combiner avec ceux des autres puissances, et pour trouver les moyens de les soutenir; qui fonde ses combinaisons sur des principes et non sur le hazard des événemens ou de la seule convenance; qui est prévoyant dans ses plans," prudent dans sa conduite, et à qui l'expérience des hommes et des choses sert de guide; qui, éclairé par la nature des choses, fuit les extrêmes; qui enfin ne connait d'autre orgueil que celui de bien remplir son devoir, d'autre intérêt que celui de l'état; celui qui, en un mot, sait douter, s'arrêter et revenir sur une erreur, celui-là seul comprendra l'importance des mesures qu'il prendra, et l'importance des fonctions qui lui seront confiées. Un tel ministre ne commettra que les fautes inséparables de la versatilité des événemens: il ne précipitera rien; il n'entreprendra rien de hazardeux ou d'incertain au risque d'exposer, sans les motifs les plus urgens, la tranquillité et la sûreté de l'état, il ne se tourmentera point, pour forcer ou précipiter les événemens; les obstacles loin de l'impatienter, de l'irriter, ne serviront qu'à le rendre plus circonspect;

toutes les résistances qu'il éprouvera ne seront pas à ses yeux ou à ceux des autres ministres autant d'offenses, car jamais il ne compromettra, par présomption ou légèreté, ni la dignité, ni les intérêts de l'état, ni l'attente de son souverain, estimé, considéré, il inspirera de la confiance, il aura pour lui l'opinion publique, cet appui inappréciable pour l'homme public et son nom seul sera le garant de la sagesse du gouvernement (1).

Pour que la direction de cette administration réponde dans toute son étendue au but de son institution, voici à peuprès les points principaux auxquels peuvent être réduits les objets qui doivent fixer l'attention constante de celui qui est appelé à des fonctions d'une si haute importance.

1o. La connaissance parfaite de la situation géographique de toutes les parties qui composent l'état que l'on sert;

2o. la connaissance des intérêts, des rapports commerciaux et des ressources physiques et morales de ce même état;

3°. la connaissance exacte des droits et des pré

que

(1) La Prusse, par les sentimens reconnus de loyauté et de justice de S. A. Mr. le Prince de Hardenberg, et la France par le noble caractère de son Président du conseil des Ministres, présentent aux autres Puissances, toutes les garanties la personne d'un premier Ministre peut donner. Il est encore, et dans ces deux pays, et dans les autres cabinets de l'Europe, des ministres auxquels l'opinion publique rend le tribut d'hommage qui leur est dû, et auxquels l'histoire assignera un rang distingué parmi les hommes d'État dont chaque pays doit si justement s'honorer.

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