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« Nous n'en sommes qu'au début des améliorations des plantes forestières. La sylviculture est restée jusqu'alors à peu près complètement indifférente aux résultats si remarquables obtenus depuis un demi-siècle en horticulture, en viticulture et en grande culture, par l'emploi de bonnes semences, l'introduction de variétés étrangères, l'application des méthodes de sélection et de croisement. Qu'elle se hâte de regagner le temps perdu ».

« Sur un chêne, dont l'évolution est si lente, je sais bien qu'on ne peut agir avec la même sûreté, avec les mêmes facilités que sur le blé ou sur la betterave, chez lesquels les générations se succèdent rapidement, et puis, circonstance aggravante, la fécondation croisée paraît être la règle chez nos semences forestières ».

« Parce que le problème est difficile est-ce une raison pour renoncer à rechercher les nombreuses solutions qu'il comporte? »

Le savant professeur de l'Institut agronomique qu'une longue pratique de la sélection des semences agricoles autorise tout naturellement à faire une légère incursion dans le domaine sylvicole, a magistralement posé le problème de la sélection des semences fores

tières.

Ce problème est, à l'heure actuelle, de la plus haute importance. Dans beaucoup de régions en France et, en particulier dans le Nord, le chêne subit depuis deux ans une crise qui fait disparaître très rapidement de nombreux sujets en pleine vigueur (1). Dans notre région en particulier (forêt de Compiègne) on va être obligé de mettre la hache dans plus de 2.000 hectares de peuplements de chêne pur, plantés à la fin du XVIIe siècle quelle en est la cause? nous croyons l'avoir assez exactement déterminée depuis deux ans que nous observons le phénomène. Constitués en chêne pédonculé dans des terrains secs et filtrants (sables de Cuise), les peuplements de chêne pur de la forêt de Compiègne auraient dû faire place à des peuplements de chêne rouvre (Q. Robur), plutôt indiqués par la nature même du sol. L'observation attentive le prouve d'ailleurs surabondamment. Dans les peuplements attaqués, seul le chêne rouvre, résiste mieux en massif. Il est également attaqué moins violemment par l'oïdium. C'est là une constatation intéressante.

D'autre part le chêne pédonculé, avec un sous-étage feuillu de charme ou de hêtre, résiste mieux, parce que l'humus formé est

(1) Cf. Revue des Eaux et Forêts, août 1922, « Une Menace pour les forêts françaises », par L. PARDÉ.

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plus riche le sol maigre et peu fertile s'en trouve amélioré et permet au pédonculé plus exigeant que le rouvre de résister plus longtemps. Nouvelle constatation intéressante qui mérite de ne pas être perdue de vue dans l'avenir. Que faut-il finalement en conclure? c'est que la reconstitution des immenses vides, créés par la mortalité désastreuse qui vient de sévir sur les peuplements de chêne de Compiègne, exigera une sélection attentive des glands à employer pour leur reconstitution; la graine de rouvre seul, à l'exclusion de tout autre, devra être utilisée. Mais en aurons-nous les moyens : une sélection attentive en pépinière, soit sur place soit dans d'autres massifs, est le seul moyen d'y parvenir, et cette sélection est indispensable si l'on ne veut pas retomber dans la même erreur que nos devanciers. Dans tous les cas et, comme précaution supplémentaire, les peuplements à reconstituer devront l'être par un mélange de chêne et de hêtre ou charme. Le fait n'est pas nouveau; il mérite de ne pas être oublié; mais la condition primordiale de réussite est le choix raisonné et la sélection du gland.

Aussi souscrivons-nous sans aucune restriction à cette conclusion du professeur Schribaux « Le jour où les forestiers s'intéresseront au problème de la sélection des semences, où ils seront pénétrés de sa grande importance, ils sauront bien vite discerner, parmi les différentes voies qui s'offrent au chercheur, celle qu'il convient de suivre afin d'arriver le plus sûrement au but ».

« Je suis persuadé que dans un temps beaucoup plus court qu'on ne pourrait le croire, on arriverait à découvrir des sujets d'avenir, dont on ferait la souche de races nouvelles perfectionnées ».

La recherche de reproducteurs de choix, réunissant l'endurance à la croissance rapide, devrait être la règle; leurs graines seraient semées dans des pépinières locales. Les plants d'élite des pépinières locales seraient rassemblées dans des pépinières régionales où s'opérerait une sélection plus sévère.

En face du problème à résoudre, le professeur Schribaux donne le programme à suivre. C'est, en effet, à notre avis, la meilleure solution. Dans chaque région, le Service forestier devrait, après des observations attentives, chercher à résoudre cette question de première importance pour l'avenir de nos forêts, la sélection des semences. Le problème est plus simple qu'on ne pourrait le croire, il demande seulement qu'on veuille bien y songer.

La création des pépinières volantes que nous avons multipliées depuis deux ans dans notre Service permet dans bien des cas de se

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rendre compte de la vigueur des plants, de leur convénance au terrain. Tout en évitant des frais de transport onéreux, en supprimant la crise de replantation, un des plus graves écueils des plantations artificielles, elles permettent de constituer ces pépinières locales, dont il est parlé plus haut.

Les pépinières permanentes plus dispendieuses, en raison des façons culturales nombreuses qu'elles exigent, des terrains qu'elles occupent, dont il faut entretenir la fertilité par la fumure, devraient être réduites au strict minimum et constituer les pépinières régionales dont parle le professeur Schribaux.

Tel est, à notre avis, la méthode expérimentale à appliquer, partout facile à suivre dans nos forêts nationales et particulières, pour une sélection raisonnée des semences.

En outre cette expérimentation devrait commencer par un choix raisonné des semences sous les portes-graines eux-mêmes. Ce choix, le commerce peut difficilement l'observer, obligé souvent de se fier au producteur lui-même pour la récolte sur place. Mais les Services forestiers d'Etat devraient pouvoir y réussir en apportant à la récolte toute l'attention et le soin voulus pour la détermination exacte des espèces, et surtout le choix raisonné des reproducteurs. Un peu d'attention et de soin suffiraient. On n'y prend malheureusement trop souvent très peu garde.

« Nos officiers forestiers, dit le professeur Schribaux, possèdent toute la compétence nécessaire; leurs subordonnés sont d'excellents observateurs, bien préparés à la recherche des reproducteurs, à l'établissement de pépinières de comparaison ».

Cherchons à mériter cette flatteuse opinion d'un maître en l'art de sélection des semences. Souvent l'esprit d'observation est long et difficile à s'implanter dans l'esprit de nos jeunes gardes forestiers, peu préparés en général par leur recrutement à cette mesure toute nouvelle. C'est à leurs chefs à s'efforcer de la leur inculquer : l'avenir de nos forêts souvent en dépend.

Point n'est besoin de nombreuses stations de recherches abondamment dotées, entretenues à grands frais. Au point de vue de la sélection des semences, toute forêt doit être un laboratoire, et il suffirait que dans chaque région, présentant au point de vue cultural et climatérique les mêmes caractères, des expériences soient poursuivies, faites avec persévérance, pour que des résultats sérieux soient obtenus; les résultats seraient centralisés au fur et à mesure dans une station de recherches mieux outillée, pour en tirer des lois

définitives. A une époque, où avec grande raison on demande aux Services forestiers de l'Etat de se faire l'initiateur du public, le vulgarisateur de la science forestière, une des premières questions qui se présente, un des plus importants devoirs qui s'impose, est la sélection des semences forestières. La culture forestière sur bien des points n'est pas autre que la culture agricole; elle doit recourir aux mêmes moyens, poursuivre le même but.

A l'heure actuelle, où nos forêts sur près de 300.000 hectares ont été dévastées par la guerre et vont exiger, sur bien des points et de vastes étendues, des reboisements artificiels, il est de la plus extrême importance de faire de bons plants, permettant de donner dans l'avenir des produits de valeur aussi rapidement que possible. La sélection de la semence est le premier élément de la réussite cher

chée.

N'oublions pas le conseil du vieux maître des Eaux et Forêts, qui fut un grand moraliste, parce qu'il fut un bon observateur.

Travaillez, prenez de la peine,

C'est le fond qui manque le moins

Telle doit être la devise du forestier moderne!

Compiègne, 15 janvier 1923.

J. DEMORLAine.

Professeur d'Economie Forestière à l'Institut National Agronomique.

NOTE SUR L'ALLONGEMENT

DES

RÉVOLUTIONS DE TAILLIS SOUS FUTAIES

La crise que subissent les bois de feu et qu'ils subiront encore longtemps, nous fait un devoir d'entamer, auprès des municipalités, une propagande pour obtenir l'allongement des révolutions des taillis squs futaie.

Dans le Doubs région que nous connaissons bien les taillis sous futaie sont, pour la majorité, aménagés à 25 ans. Quelques communes bien avisées ont déjà adopté 30 ans, mais c'est l'exception. Presque tous les aménagements, d'ailleurs, sont assis sur le terrain par des lignes essartées et bornées.

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Or c'est dans la période de 25 à 30 ans que les taillis prennent surtout du développement et que la proportion du rondin augmente aux dépens de celle de la charbonnette. Le taillis qui à 25 ans donnerait à l'hectare 40 stères de rondin et So de charbonnette, donnera à 30 ans 70 de rondin et 70 de charbonnette. Le profit est énorme surtout dans les bons sols. Il faut ajouter que le rondin vaut 6 à 8 francs sur pied et que la charbonnette ne vaut rien, puisqu'on ne fait pour ainsi dire plus de charbon dans cette région. Elle s'écoule uniquement à proximité des grands centres; dans les campagnes on la laisse pourrir sur le sol. Les frais de main-d'oeuvre et de transport sont tels que c'est la seule solution économique à adopter.

Cette circonstance fait que la propagande que nous avons entreprise à ce sujet auprès des municipalités a trouvé beaucoup plus d'écho dans les régions éloignées des grands centres, dépourvues de moyens de communication, que dans celles qui avoisinent Besançon, par exemple.

Auprès des grands centres les coupes se vendent, elles ont toujours un écoulement assuré; à quoi bon alors, se disent les maires, changer

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