Page images
PDF
EPUB

branchement de la route forestière qui conduit à Saint-Pierre-deChartreuse; elle comprend 115 hectares de bois et 64 hectares de prairies, autrefois concédées aux Chartreux.

«Dans son ensemble, dit M. l'inspecteur Répiton-Préneuf, la forêt est une vieille futaie de sapins, d'épicéas et d'érables, en très bon état de végétation (1). Elle renferme des arbres magnifiques, de très vieux sapins et d'antiques érables aux troncs moussus. L'on y trouve de merveilleux sous-bois avec des blocs couverts de mousses brunes, des sous-bois où les luisants de soleil sur les herbes du sol et la transparence de la verdure des hêtres sont rendus plus lumineux par l'ombre épaisse des sapins.

« C'est une forêt qui, mise à l'abri de la hache, deviendra une antique futaie, donnant de nos jours l'aspect des vieilles forêts des anciens âges. Elle est le cadre qui convient à cette Grande-Chartreuse, si pleine de souvenirs. Son rideau noir, au-dessous de la belle falaise du Grand Som, aux formes si nobles, sert de fond à l'austère couvent. La multitude des clochetons, les toits d'ardoise gris, en pente rapide et si en accord avec les lignes de la montagne, se détachent vigoureusement sur la masse sombre des sapins.

<< Dans ce paysage si sévère et si fermé, l'on retrouve un peu l'âme des Chartreux, de ces moines à la pensée haute, épris de solitude, et qui venaient chercher l'oubli du monde dans les coins les plus perdus de la montagne. C'est dans ce polygone d'ornementation que se trouve aussi la petite chapelle de Saint-Bruno, construite à la place même où le fondateur de l'Ordre était venu se retirer. Cette chapelle, édifiée au sommet d'un gros bloc, est environnée de toute part par la vieille forêt. C'est toujours le même recueillement et la même solitude qu'à l'époque des premières méditations du grand saint et la destruction des vieux arbres serait une profanation. >>

Nous n'ajouterons rien à ces lignes éloquentes, écrites par un artiste profondément pénétré du sentiment de la nature et qui rendent bien l'impression ressentie par l'étranger lorsqu'il visite ces lieux pour la première fois.

Excursions.

Saint-Laurent-du-Pont, Saint-Pierre-d'Entremont, le Sappey sont des localités situées sur le pourtour du massif de la Grande-Chartreuse et qui peuvent être avantageusement choisies par les touristes comme centre d'excursions. Mais le véritable centre

(1) Le peuplement est âgé de 100 à 200 ans.

d'excursions de cette pittoresque région est le village de Saint-Pierrede-Chartreuse, bâti sur les pentes du col du Cucheron, en face de la. verdoyante vallée de Saint-Hugues que domine la cîme au profil caractéristique de Chamechaude.

On peut accéder à Saint-Pierre-de-Chartreuse de Grenoble par quatre voies différentes :

1° Par le Sappey et le col de Porte.

Après avoir franchi l'Isère

et dépassé les villages de la Tronche et de Corenc, la route s'élève sur les pentes escarpées du Saint-Eynard; la vue sur Grenoble, la vallée du Grésivaudan, le massif de Belledonne aux pics déchiquetés et neigeux, le Taillefer, le Moucherotte et les falaises du Vercors est merveilleuse. Le village du Sappey se montre entouré de prairies et de forêts de sapins, à 354 mètres au-dessous du col de Porte; ce dernier est situé à 1.354 mètres entre les sommets de Chamechaude et de la Pinéa.

Du col de Porte, la route descend à travers de magnifiques sapinières, puis dans les prairies du riant vallon des Cottaves, jusqu'à la Diat, hameau situé sur le Guiers mort à 1.100 mètres de SaintPierre-de-Chartreuse.

2° Par Proveysieux et la Charmette.

Un tramway conduit en

une heure de Grenoble à la Monta; de là, on atteint les villages de Proveysieux et de Pomaray, au milieu de prairies et de vergers qui rappellent la Normandie, puis on gagne le col de la Charmette (1.280 mètres), au pied du Charmansom, dans une ravissante situation (chalet-hôtel du T. C. F.). De la Charmette, une route forestière conduit à Saint-Laurent-du-Pont, par la prairie de Tenaison, le canton de la Petite Vache, la Chartreuse de Currière, avec des points de vues grandioses sur la gorge sauvage du Guiers mort. A 6 kilomètres de la Charmette, on peut prendre le pittoresque sentier des Sangles, qui contourne l'arête de la Cochette, prolongement du Charmansom et débouche sur les belles prairies de Malamille et de Valombré; de cette dernière, on découvre un admirable panorama sur la Grande-Chartreuse, la Courrerie et les escarpements formidables du Grand Som. La route forestière de Valombré aboutit au Grand Logis où l'on rejoint la route de Saint-Laurent-du-Pont à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

De Gre

3° Par Saint-Laurent-du-Pont et la route du Désert. noble, on peut aller à Saint-Laurent-du-Pont en chemin de fer par Voiron ou en empruntant la route de terre par Voreppe, le col de la Placette (595 mètres) et la vallée de l'Hérétan.

Revue des Eaux et Forêts

Juin 1923.

18

Saint-Laurent-du-Pont est joliment située sur la rive gauche du Guiers mort, à 412 mètres d'altitude, à l'ouest du massif. A 2 kilomètres, on trouve Fourvoirie (anciennes forges du xv° siècle, remplacées plus tard par les bâtiments utilisés par les Chartreux pour la fabrication de la fameuse liqueur (1) et leur servant aussi d'entrepôt) là commence l'admirable route forestière du Désert construite en 1854-1856 par M. le sous-inspecteur Eugène Viaud. Cette route d'une longueur de 7.350 mètres, suit d'abord la rive gauche, puis la rive droite du Guiers, qu'elle traverse à l'aide d'un pont d'une seule arche de 20 mètres d'ouverture, jetée à 42 mètres au-dessus des eaux tumultueuses du torrent (pont Saint-Bruno); la traversée de la forêt où les sapins à la ramure sombre et les hêtres aux troncs lisses s'accrochent, au milieu des rochers, aux versants escarpés de la montagne, dominés par les falaises abruptes qui surplombent de toutes parts l'étroite vallée, offre un spectacle inoubliable. Après avoir contourné la pittoresque aiguille de l'Œillette, la route traverse trois tunnels, taillés dans le roc, puis quitte la gorge du Guiers pour se diriger vers le monastère, à la bifurcation de la Croix-Verle. Elle se prolonge à l'Est dans la direction de Saint-Pierre-de-Chartreuse, franchit le ruisseau du Couvent sur le pont Saint-Pierre (2), ouvrage biais à trois arches, et, laissant à gauche la Courrerie, arrive au Grand-Logis, point où se termine le Désert. On atteint la Diat, puis une forte rampe mène à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

[ocr errors]

4° Par Saint-Pancrasse et le col des Ayes. Le tramway de Grenoble à Chapareillan conduit le touriste en 45 minutes à SaintIsmier, village riant, bâti au milieu des vignes, au pied de la falaise du Saint-Eynard. La route traverse le redoutable torrent du Manival, issu d'un cirque sauvage et désolé, dont les déjections envahissent fréquemment les vignes voisines de son lit capricieux; ses divagations font le désespoir des vignerons et la préoccupation des forestiers qui cherchent en vain à circonscrire ses dégâts; puis elle s'élève en encorbellement le long de la falaise et atteint le plateau des Petites Roches (1.000 mètres d'altitude), soubassement du massif de la Dent de Crolles, d'où l'on jouit d'une vue magnifique sur la chaîne de Belledonne et sur la vallée de l'Isère. Deux heures de

(1) En 1881, les Chartreux fabriquaient annuellement 1.400.000 litres de chartreuse; ils payaient 5.547 francs d'impôts, dont 2.070 francs de patentes. De 1871 à 180, ils avaient dépensé 395.300 francs en constructions neuves..

(2) Construit en 1888-1889 par M. Racapé, sous-inspecteur des Forêts.

marche conduisent au col des Ayes (1.515 mètres) qui s'ouvre entre la Dent de Crolles et le Roc d'Arguille; puis on descend à travers les pâturages et la forêt sectionale d'Entremont jusqu'à Perquelin, hameau situé dans une délicieuse vallée, dont les belles prairies arrosées par le Guiers et dominées par des sapins aux fûts élancés rappellent un coin des Vosges. On arrive ensuite en quarante-cinq minutes à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

Les excursions qu'on peut faire dans la forêt de la Grande-Chartreuse sont très nombreuses; en dehors de charmantes promenades dans la vallée du Guiers mort et dans les environs du Couvent qu'il serait trop long d'énumérer, il faut citer les excursions aux prairies de Chartrousette, d'Arpizon, d'Aliénard, de Cordes, de la Cerna, à l'ancienne Chartreuse de Chalais (1), aux gorges du Frou et les ascensions des principales cimes du massif Chamechaude, Dent de Crolles, Grand Som, Granier, Grande Sure, Charmansom, Pinéa, etc. Les botanistes feront une ample récolte de plantes intéressantes, entre autres l'Hypericum nummularium, qu'on dit entrer dans la composition de la fameuse chartreuse.

Paul BUFFAULT.

(1) Ancien prieuré de Bénédictins, dans une ravissante situation au-dessus de Voreppe, acquis par les Chartreux en 1303, cédé par l'Etat aux Dominicains en 1844. Le célèbre P. Lacordaire y séjourna et entama un procès contre l'Administration des Domaines au sujet de la propriété de certaines parties des bâtiments réservés pour le logement des agents et des gardes dans le couvent, lors de la vente faite en 1791. Après un arrêt de la Cour, l'affaire se termina par une transaction.

COMMENT DIMINUER LES INCENDIES DE FORÊTS

Les considérations que nous présentons sont basées sur les déductions que nous avons pu faire, tant de nos observations personnelles que des renseignements recueillis auprès des préposés des Eaux et Forêts. Elles concernent uniquement le département du Gard et si, croyons-nous, elles peuvent être applicables, au moins en partie à la majorité des forêts du Sud-Est, elles ne sont certaine ment pas à étendre sans réserves à d'autres régions et encore moins à des massifs spéciaux tels ceux de l'Estérel ou du Sud-Ouest. Avant toute chose il faut distinguer :

1o Les taillis dits de plaine, mais plus exactement à basses altitudes (100 à 350 m. environ);

2o Les forêts de montagne, anciennes ou issues de reboisement.

TAILLIS DE PLAINE

Ils sont assis très généralement sur sol calcaire très superficiel. mais quelquefois siliceux à profondeur variable. Ils sont constitués par du yeuse pur, du yeuse mélangé au rouvre et exceptionnellement par du rouvre pur.

Tout d'abord on constate que l'incendie ne fait aucune différence; il sévit aussi bien sur la forêt en terrain calcaire que sur celle en terrain siliceux; sur le yeuse que sur le rouvre. Rien n'indique qu'il y ait lieu de favoriser à ce point de vue une essence plutôt que l'autre.

Les incendies s'y sont multipliés d'une façon navrante ces dernières années, semblant rendre vains les gros efforts des forestiers méridionaux en vue d'améliorer et d'augmenter la production de ces taillis. Va-t-on continuer à remonter constamment ce rocher de Sisyphe ou faut-il abandonner la partie.

L'enquête faite auprès de notre personnel sur cette situation nous a donné les résultats résumés suivants :

« PreviousContinue »