Page images
PDF
EPUB

D'abord, souvent, il reste la seule essence possible, au moins provisoirement.

Ensuite certains massifs (Alep, maritime) s'accommodent parfaitement de l'incendie comme terme normal de la vie d'une genération; la réalisation des bois incendiés constituant une coupe préparatoire permettant, grâce au passage du feu, une régénération naturelle et abondante.

Enfin, le massif peut être évité; en bouquet ou en mélange intime dans les feuillus, le pin conserve tous ses avantages et les risques d'incendie disparaissent pratiquement, au moins de son fait spécial.

En conclusion :

1° N'utiliser le pin que si l'on ne peut faire autrement;

2o Le traiter en essence essentiellement transitoire et rapidement transitoire, j'insiste sur le mot rapidement; et installer à son abri les essences résineuses d'ombre (sapins et cèdres) aussitôt que possible;

3o Favoriser son mélange avec les feuillus..

Pour le surplus, les mesures préventives déjà préconisées pour les taillis de plaine garderont en montagne leur entière efficacité.

A. JOUBERT.

« Aurons-nous une Révolution », écrit le comte de Fels, dans la Revue de Paris (nos du rer et du 15 février 1923); et dans sa conclusion, plutôt pessimiste, le distingué écrivain préconise comme unique remède à la situation financière angoissante où le pays se débat, l'« inventaire et la prisée de tous les biens possédés par l'Etat français », idée qu'il avait déjà mise en avant dans un précédent article, et qui, d'ailleurs, a fait son chemin depuis lors.

Cette opération faite, il préconise « l'extinction de la dette flottante combinée avec l'aliénation d'une partie des immenses richesses de l'Etat, dont l'inventaire révèlerait la valeur ». En effet, écrit-il plus loin, « la possession de domaines par l'Etat constitue un nonsens administratif, car l'Etat ne sait pas faire valoir et se prive d'impôts: il perd donc deux produits à la fois ».

Puis, étendant le même raisonnement aux fabriques du gouvernement, il ajoute que « le double non-sens ayant été élevé depuis un demi-siècle à la hauteur d'une doctrine de progrès, on devine quelle déperdition de forces et de richesses il a dû entraîner, et quelle surabondance de ressources la Nation trouverait dans l'inventaire et l'aliénation du patrimoine de l'Etat ».

Nous n'avons pas à discuter ici la question des monopoles d'Etat; nous voudrions seulement, en dehors de toute question doctrinale, examiner si la possession de forêts par l'Etat constitue réellement, à notre époque, un non-sens administratif.

Nous ne reviendrons pas sur les arguments financiers que nous avons déjà exposés dans ces mêmes colonnes (voir Revue des Eaux et Forêts, du 1er décembre 1921). Il est incontestable que les forêts domaniales rapportent beaucoup plus à l'Etat que ne lui coûte leur gestion; il est également certain que ce revenu pourrait être fortement augmenté si l'Administration forestière n'avait pas toujours géré les biens qui lui sont confiés avec, comme préoccupation dominante, la volonté bien nette de conserver le plus possible de matériel ligneux sur pied, c'est-à-dire, en un mot, de sacrifier le revenu argent au capital-matière, patrimoine non pas d'une génération, mais des générations successives.

Peut-être cette politique forestière a-t-elle été poussée parfois à l'extrême. On en a vu pourtant les avantages quand, au moment . de la guerre de 1914-1918, on a pu réaliser, au profit des armées alliées, une partie du capital ligneux accumulé sans compromettre irrémédiablement l'avenir de la forêt française.

D'ailleurs, l'Administration elle-même a-t-elle bien senti qu'il y avait lieu, sous la pression des circonstances, de modifier les errements antérieurs, et a-t-elle prescrit par une récente circulaire d'intensifier les coupes, dans le cadre des aménagements en vigueur.

Mais quel serait, au point de vue de l'Etat et du pays, le résultat de l'aliénation par l'Etat de ses forêts domaniales, voilà ce que nous voudrions simplement chercher à dégager.

Se résoudre à mettre d'un coup 1.200.000 hectares de forêts sur le marché (chiffre auquel il faut encore ajouter la superficie des forêts d'Alsace-Lorraine), préparer les voies, dans ces conditions, à l'aliénation successive ou simultanée de 2.000.000 d'hectares de forêts communales et d'établissements publics, n'est-ce pas d'abord déprécier complètement la propriété boisée, au grand dommage également des propriétaires particuliers, possesseurs de 6.000.000 d'hectares de forêts?

Le milliard auquel on pourrait peut-être évaluer, en ordre de grandeur, la valeur des forêts domaniales ne rentrerait donc pas dans les caisses de l'Etat, lequel ne toucherait, comme lorsqu'il s'est agi de la liquidation des stocks, qu'une part minime de la valeur réelle et aurait ainsi converti en fumée des propriétés qui lui rapportent un bénéfice égal, sinon même supérieur, à celui qu'il pourrait tirer de l'opération. Ce n'est pas cela qui comblerait le déficit du budget.

En outre, ces forêts deviendraient vraisemblablement plutôt la propriété de sociétés financières formées pour les exploiter que de particuliers disposés à les acquérir en prenant à leur charge, en plus des frais de gestion, les impôts qu'ils devraient alors à l'Etat. Ces impôts compenseraient certainement, soit dit en passant, l'économie de frais de personnel que ces particuliers seraient disposés peut-être à envisager tout d'abord, car ce n'est guère sur les travaux d'entretien et d'amélioration faits par l'Etat et déjà insuffisants que de nouveaux propriétaires, intéressés à la conservation de la chose, pourraient opérer une sensible réduction.

Les forêts domaniales celles qui font la beauté et la parure de la France, parce que, en fait, seul un Etat ou une personne impéris

sable peut être propriétaire de bois sans avoir un jour la tentation d'en abattre les futaies les forêts domaniales seraient donc rasées, comme les forêts particulières vendues au cours de ces dernières années, à ce que l'on a appelé « les bandes noires ».

Sans doute, en montagne, existe-t-il déjà une loi relative aux forêts de protection (loi Chauveau), qui pourrait mettre un frein aux exigences des acquéreurs, et, dira-t-on, cette loi, on pourrait l'étendre aux forêts de plaine, et n'aliéner celles-ci qu'à la condition de les soumettre à des servitudes plus ou moins analogues au régime forestier. Mais alors qui les achètera? Et, si l'Etat trouve acquéreur, quel prix infiniment réduit ne trouvera-t-il pas dans ces conditions de ses forêts? Est-ce à dire que le domaine forestier, tel qu'il est actuellement constitué, doive être immuable? Ceci est une autre affaire. Peut-être l'inventaire réclamé par le comte de Fels, et dont la réalisation à plus ou moins bref délai paraît acceptée en principe par les pouvoirs publics, révèlera-t-il que, parmi les propriétés boisées échues à l'Etat au cours des siècles et dont il est resté détenteur, il y en a quelques-unes qu'il pourrait avoir intérêt actuellement à abandonner. Ceci paraît d'autant plus admissible que, du fait de la guerre, l'Etat va se trouver dans l'obligation d'acquérir, dans les régions libérées, des surfaces devenues improductives pour les reboiser, et qu'on ne doit peut-être pas souhaiter qu'il agrandisse indéfiniment son domaine.

En somme, la Nation confie à l'Etat la gestion de ses forêts; il peut sembler naturel que l'Etat cherche à améliorer la composition de ce domaine, en se débarrassant des parcelles dont il peut tirer profit (1), alors qu'il est forcé d'en acquérir d'autres dans l'intérêt même du pays. Mais aller plus loin dans cette voie, méconnaître en outre l'obligation pour l'Etat d'offrir aux promeneurs dominicaux, à proximité des grandes villes, de plus en plus surpeuplées la cure de repos moral et physique que peut leur procurer l'excursion en forêt vitude à laquelle on ne pourrait contraindre des propriétaires particuliers ce serait, pour un bénéfice illusoire, décréter en fait la mort de la forêt française et supprimer, de gaîté de cœur, l'existence sur le sol national des produits ligneux qu'il faudrait ensuite, à prix d'or, faire venir de l'étranger, ou qu'on serait même exposé à ne plus recevoir du tout, en cas de conflit international.

[ocr errors]

A. GRANGER.

(1) Ce qu'il peut faire dès à présent par voie d'échange.

[ocr errors]

ser

BIBLIOGRAPHIE

LE SAPIN DE DOUGLAS (1)

Sous ce titre, M. Hickel, conservateur des Eaux et Forêts, professeur à l'école de Grignon, a réuni en brochure une série d'articles publiés par lui dans la Revue de Dendrologie.

Cette brochure constitue une excellente monographie de l'une des essences exotiques les plus intéressantes; elle vient à point pour documenter les propriétaires, forestiers, pépiniéristes, planteurs, industriels du bois et de la pâte à papier, alors que l'attention publique est appelée de bien des côtés sur les questions du boisement des terres pauvres et de l'approvisionnement ligneux de notre pays.

Jusqu'ici nous n'avions, en effet, sur le sapin de Douglas que les renseignements succincts de la « Flore Forestière », de Mathieu et Fliche; du <«<Traité des Arbres et des Arbrisseaux », de Mouillefert; du « Catalogue de l'arboretum des Barres », de M. Pardé, et divers articles parus soit dans la Revue des Eaux et Forêts, soit dans les bulletins de la Société Forestière de Franche-Comté et Belfort ou du Comité des Forêts, traitant certains points particuliers de la culture du Douglas.

Une brève analyse du travail de M. Hickel pourra engager les boiseurs à faire plus ample connaissance avec cette essence si précieuse.

Après un court historique du genre botanique Pseudotsuga et de la découverte de ses diverses espèces, l'auteur décrit leurs caractères botaniques et les différences entre les espèces américaines, les seules intéressantes actuellement pour les forestiers: P. Douglasii et P. Glauca. Il étudie, d'après les forestiers américains, leur aire de distribution géographique et les essences qui leur sont associées. Cette aire géographique est très étendue aussi bien en altitude qu'en latitude, ce qui est le signe chez cette merveilleuse essence d'une particulière souplesse d'adaptation à des conditions climatiques très variées quant à la température, à la durée des saisons, à l'intensité et à la répartition des neiges et pluies. Tous les détails de cette distribution, où les expositions préférées sont indiquées selon les stations, sont à retenir pour les planteurs. L'on regrette qu'à l'énumération des arbres associés au Douglas selon les climats et les stations, l'auteur n'ait pas joint une courte description du tapis végétal de ces peuplements exotiques. Un peuplement forestier à ses divers âges est une association végétale, un petit peuple, dont il n'est pas indifférent de connaître les principaux éléments et dont les plus humbles représentants sont souvent les plus utiles

(1) Chez l'auteur, 11 bis, rue Champ-la-Garde, Versailles.

« PreviousContinue »