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de la population noire; ce sera pour lors que vous verrez cette population suffire à tous les besoins. Pour cela, il faut d'autres lois que celles qui existent; il faut ces lois que nous demandons vainement depuis plusieurs années au gouvernement, qui médite sans cesse et ne produit jamais.

Si donc vous éprouvez aujourd'hui des embarras pour la culture de vos colonies, il ne faut pas vous en prendre aux colons; il ne faut pas vous en prendre à ceux qui défendent ici les intérêts de l'humanité; mais bien au gouvernement qui connaît la nécessité d'une législation nouvelle, et qui laisse cependant aller les choses sous l'empire de lois vicieuses et du régime des ordonnances. Voilà, Messieurs, où est le mal; et ce ne sont pas seulement les députés de la France qui s'en plaignent, ce sont encore les colons. Tout ce qu'il y a de raisonnable parmi eux élève la voix pour proclamer les vérités que je viens d'énon

cer.

Je crois, Messieurs, que j'ai eu raison d'insister sur la suppression de 400,000 francs, parce que 100,000 francs sont suffisants pour faire de simples recherches. Si le ministère voulait soutenir qu'il peut avec succès envoyer à la Guyane des Chinois où des Français, la discussion s'établirait sur la convenance de cette mesure. Mais jusque-là, nous ne devons pas accorder les fonds qui nous sont demandés...

(Voix à gauche: L'impression!....-Quelques voix à droite: Non, non!.... D'autres : Oui, oui, sans opposition.....- La Chambre ordonne l'impression de cette improvisation.... Sensation à gauche.)

M. Lainé. J'imiterai le préopinant, et sans rouvrir une discussion épuisée ou ajournée, je ne répondrai que par de courtes réflexions aux obervations qu'il a faites.

La somme de 500,000 francs est demandée en termes généraux pour colonisation, elle est destinée à explorer et à préparer les lieux qui pourraient servir à des établissements qu'on désire pour servir de ressources à la population surabondante. Si les lois sur les personnes et les propriétés ont l'avantage dont on se félicite, elles auraient nécessairement l'effet d'augmenter notre population, dont la progression croissante s'accroîtrait encore; et bientôt nous ressentirions plus vivement le défaut d'établissements, objet de l'article attaqué. Il est donc prudent de se préparer d'avance pour ne pas mériter le reproche d'imprévoyance ou d'insouciance. Les regrets qu'on exprime tous les jours en France sur la perte du Canada, sur la vente de la Louisiane, indiquent assez qu'il convient de rechercher, non de nouvelles colonies à esclaves, mais des établissements où les blancs puissent vivre de leur travail et devenir propriétaires.

C'est dans cet esprit que des explorations ont été faites dans la Guyane, région jadis trop vantée et aujourd'hui trop décriée. Les commissaires que le gouvernement a chargés du soin d'explorer ces contrées, ont donné de grandes espérances, et ont présenté un plan étendu dont l'exécution coûterait pendant plusieurs années des sommes plus considérables que celles qui vous sont demandées. Ce travail, ayant été soumis à un mûr examen, n'a pas été adopté; mais l'administration y a trouvé des raisons suffisantes de continuer l'exploration, et de commencer même des établissements. Il est plus que probable que des cultivateurs européens pourraient vivre à l'aide d'un travail modéré, et, par l'attrait de la propriété,

attirer peu à peu les hommes qui, en France, ne trouveraient pas de travail, ou dont le travail ne nourrirait pas la famille. Il ne s'agit pas là de faire fortune ou de procurer subitement des richesses au commerce, il n'est question que de préparer à une population surabondante un meilleur sort dans un pays où trois heures de travail par jour suffisent pour donner la subsistance que ne procure pas dans nos climats le travail de deux jours entiers.

On ne saurait d'ailleurs trop se pénétrer des paroles de M. le ministre de la marine, si pleines de sens, sur les exploitations pour les colonies, sur l'essai qui se tente avec tant de précautions. Voyez avec quelle sage lenteur on procède. C'est la troisième année que vous votez la même somme; deux fois elle a été reproduite dans les comptes comme non dépensée et, cette année, où les premières dépenses ont été faites et vont se continuer, on voudrait la diminuer ! La conduite passée est un garant de la prudence promise; si toute la somme n'est pas dépensée, l'excédant servira à l'exercice suivant.

Si l'on n'avait critiqué la colonisation que pour rouvrir la discussion sur la traite, on aurait fourni l'occasion de montrer la bonne foi du gouvernement et ses efforts pour concourir à l'abolition de cet infâme trafic.

(L'oraleur, après avoir sommairement rappelé les raisons exposées à la dernière session sur l'inefficacité d'une loi plus sévère, cite les exemples des nations chez qui la traite, malgré la plus grande rigueur des peines, se fait plus que par la France, dont le pavillon est souvent usurpé.) La quotité des primes pour la capture des esclaves qu'on remarque dans les budgets britanniques, fait voir ou que des Anglais se livrent aussi à ce trafic, ou que les délits des autres tournent au profit de l'Angleterre; elle enrôle dans ses milices, ou adonne à la culture les esclaves capturés. Comme elle, le gouvernement affecte à des travaux dans nos colonies les noirs confisqués; mais elle rend leur sort plus doux que celui des esclaves; à ce sujet, l'administration a des projets qui lui attireront les éloges de la philantropie.

Une choses rendra désormais plus facile la répression de la traite, c'est que la puissance de l'Europe, pour qui ce commerce était licite, doit se l'interdire cette année même. Par là, les mesures administratives des autres Etats deviendront plus faciles. Quels que soient les reproches que les gouvernements ou les sociétés philantropiques s'adressent réciproquement, il est certain que les armateurs français se livrent de jour en jour beaucoup moins à ce trafic criminel; ils se découragent ou se convertissent. Les débats de la session dernière, où personne n'a eu l'impiété de soutenir la traite, les débats de celle-ci servent à éclairer l'opinion; les tribunaux acquièrent tous les jours plus de force et de volonté pour appliquer la sévérité des lois existantes. Les preuves se recueillent plus aisément, et la justice, qui a déjà prononcé plusieurs condamnations, achèvera d'effrayer la cupidité.

S'il est vrai que les coupables aient pris une. autre route, si des Antilles de plusieurs nations les bâtiments se rendent directement sur les côtes d'Afrique, ces manœuvres seront bientôt réprimées. La station de nos iles se montre vigilante et sévère, et la croisière du Sénégal prévient seule de grands maux. Quelle que soit la violence des accusations contenues dans les documents étrangers qui nous ont été distribués, on est obligé de reconnaître que la traite ne se fait

plus par nos établissements du Sénégal ou par les côtes voisines. C'est par le Sénégal, dont l'administration actuelle est si opposée à la traite, que nous aurons le plus de moyens de prévenir ou de réprimer cet abominable commerce d'hommes; en même temps que nous pouvons par là concourir au bien-être des Africains, et les encourager à nous procurer par un travail facile et volontaire des objets d'échange.

(L'honorable membre, saisissant cette occasion de faire l'éloge des marins employés à la croisière des côtes d'Afrique, assure que plusieurs d'entre eux sont morts victimes de leur philantropie.)

Il ne nous reste plus, dit-il, qu'à répondre à une critique générale du préopinant sur la conduite de l'administration qui, selon lui, promettant sans cesse des lois et des plans sur la traite et les colonies, médite toujours sans rien produire.

De nouvelles lois sur la traite ! L'administration n'en a pas proposé, parce qu'elle a jugé qu'elles seraient plutôt nuisibles que favorables au noble but qu'on se propose. Si, lorsque ce trafic ne sera plus licite pour les uns pendant qu'il est criminel pour les autres, les mesures employées ou préparées sont insuffisantes, le gouvernement sera fort disposé et plus autorisé à en présenter de nouvelles."

Quant à un nouveau système colonial, sur lequel on disserte beaucoup, ne suffit-il pas d'observer, avec quelque attention, ce qui se passe dans le monde, pour reconnaitre que toute grande innovation eût été prématurée. Il y a peu d'années que nos colons étaient fort enclins à désirer une sorte d'émancipation; c'était alors le commerce qui s'y opposait et se prononçait pour la rigueur du régime prohibitif, ancienne source de sa prospérité. Aujourd'hui les rôles sont changés, et les opinions qu'on a dù consulter sont inverses comme les intérêts, sans être de part ni d'autre bien positivement fixées. Tant d'autres causes influent d'ailleurs sur les rapports des colonies et des métropoles, sur l'administration et le régime intérieur des premières : les exemples des autres gouvernements préoccupés par des difficultés semblables, le régime différent de plusieurs grandes Antilles, et notamment de l'ile de Cuba, les révolutions politiques et commerciales des Amériques, sont des données pour la solution du problème à résoudre.

Comment se pourrait-il que, lorsque les intérêts ne sont pas encore déterminés, lorsque les opinions sont incertaines, lorsque les causes ne peuvent être appréciées et leurs effets calculés, lorsque les événements ne sont pas achevés, comment se pourrait il que le gouvernement prit un parti définitif? Loin d'accuser le ministère de ne rien concevoir, il faudrait le remercier de méditer encore un plan dont le but doit être de concilier tant d'intérêts et tant de droits. Une seule chose est certaine : c'est que, quel que soit le système de chacun de nous, la Chambre ne pourra se dispenser de voter des fonds pour le service des colonies.

(On demande généralement l'impression de cette improvisation. Elle est ordonnée.)

Plusieurs voix à droite: La clôture, la clôture!

M. Labbey de Pomplères. Je demande la. parole.

Les mémes voix : Non, non !.... La clôture!

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M. Labbey de Pompières. J'avais prié M. le commissaire du Roi de nous donner des renseignements sur la somme qui nous est demandée pour l'ile de Madagascar; ces renseignements n'ont pas été donnés. On demande, cette année, 93,000 francs sans nous dire pourquoi; on en a demandé autant l'année dernière; l'année précédente on avait demandé 420,000 francs. Il y a dans une telle variation quelque chose de bizarre qui mériterait ce me semble une explication. Dans la somme de 93,000 francs est comprise une somme de 35,000 francs pour fourniture de vins aux agents du gouvernement. Or, il n'y a à Madagascar que quatre ou cinq agents; et assurément avec une pareille somme c'est du meilleur vin qu'ils peuvent boire; ce doit être pour le moins du vin de Constance (On rit). Toutefois comme on ne nous a donné aucune explication, je demande la suppression des 93,000 francs.

M. Jurien, commissaire du Roi. M. Labbey de Pompières a témoigné de l'étonnement sur les variations qu'il a cru remarquer dans les sommes affectées successivement à l'établissement de Madagascar. Ces variations s'expliquent très-aisément. Le gouvernement vous à dit dans ses rapports qu'il se proposait de consacrer une somme de 700,000 francs pour un établissement très-modeste à former sur l'ile Sainte-Marie de Madagascar. En 1820, 420,000 francs ont été dépensés. La dépense a été plus forte dans cette première année, parce qu'il fallait faire les préparatifs d'installation; en 1821, on n'y a consacré que 3.000 francs; on vous demande la même somme pour 1822; en 1823, on vous demandera 94,000 francs. Si vous voulez additionner ces quatre sommes, vous verrez qu'elles forment précisément les 700,000 francs. J'espère que cette explication vous aura démontré qu'il n'y a rien de bizarre dans les variations signalées par le préopinant.

Voix nombreuses à droite: Aux voix, aux voix !

L'amendement de M. Labbey de Pompières est mis aux voix et rejeté.

Le chapitre Xl est adopté.

M. le Président. La délibération est terminée sur le budget de la marine; demain elle s'ouvrira sur celui des finances.

Une voix à droite: Il ne doit pas y avoir de séance demain !

M. le Président. Les années précédentes il y a eu séance à pareil jour; c'est le jour suivant que la Chambre a coutume de ne pas se rassembler; je la consulterai demain à cet égard. La séance est levée. J'invite MM. les députés à s'assembler de meilleure heure.

L'Assemblée se sépare; il est cinq heures trois quarts.

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La séance est ouverte à deux heures par la lecture du procès-verbal; la rédaction en est adoptée.

M. le garde des sceaux et M. le ministre des finances assistent à la séance.

M. le Président fait lecture de quatre lettres par lesquelles MM. Aupetit-Durand, Babey, Ollivier (de la Drôme) et d'Aubergeon demandent un congé; le premier pour aller rétablir sa santé dans son département, les trois autres pour des affaires qui exigent leur présence dans leur famille.

(Des murmures s'élèvent à droite.)

M. Piet et d'autres membres: Après le budget... Tout le monde a besoin chez soi...

M. le Président. Puisqu'il y a opposition, je vais consulter la Chambre sur les demandes de congé.

Une voix à droite: Mettez aux voix successivement.

M. le Président met aux voix les quatre demandes de congé; la Chambre accorde le congé demandé par M. Aupetit-Durand et refuse les trois autres. (On rit.)

La séance est suspendue pendant une demiheure; le nombre des membres présents n'est pas suffisant pour délibérer. A deux heures et demie, M. le président envoie des huissiers à la salle des conférences et à la bibliothèque prier MM. les députés de se rendre à l'Assemblée.

La séance est reprise.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget des dépenses de 1822. Ministère des Finances.

M. le Président fait lecture du chapitre 1er, portant: Dette viagère, 10,400,000 francs Ce chapitre est adopté sans discussion, de même que le chapitre II, ainsi conçu: Pensions, 64,421,800 francs.

M. le Président lit le chapitre III, portant: Intéréts des capitaux de cautionnements, 10 millions de francs.

M. Bogne de Faye demande et obtient la parole.

M. Bogne de Faye. Jusqu'en 1821, le crédit demandé pour les intérêts de cautionnements ne s'était pas élevé à plus de 8 millions. M. Roy demanda 10 millions pour l'année suivante sans dire autre chose que :

« Des fonds quí restaient libres sur les crédits spécialement affectés au service des intérêts de cautionnements, permirent l'an dernier (1820) de borner à 8 millions la demande du fonds destiné au payement de ces intérêts pendant 1820. Mais j'eus l'honneur d'annoncer dès lors à Votre Majesté que ce service exigeait une somme annuelle de 10 millions.

Il n'avait également été fourni pour desservir ces mêmes intérêts que 8 millions en 1819.

• Capitaux des cautionnements au 1" jan

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Caissiers et payeurs... 5,117,712 fr.

29,924,730

Receveurs généraux.. 30,919,439 Receveurs particuliers. 17,190,609

83,152,490 fr.

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L'année dernière un crédit semblable avait été accordé. La dépense ne s'est élevée qu'à 9,857,360 francs; et il vous sera proposé d'annuler 142,640 francs. Ainsi, en accordant cette année le crédit de 10 millions, vous êtes exposés à voir une annulation à peu près semblable. Il n'y a aucun inconvénient, car on ne perd que ce qui sera dû, et je suis obligé de demander à la Chambre, par prévision, un crédit suffisant. Vous auriez tort d'annuler quelques cent mille francs sur une dépense aussi mobile. It ne peut donc y avoir de difficulté à l'allocation du crédit demandé.

M. Bogne de Faye. Je demande la parole. (Mouvement d'impatience à droite.) Je ne crois pas que je puisse fatiguer ceux qui liront nos débats, lorsqu'ils verront qu'on s'os cupe de leurs intérêts, et qu'il s'agit d'empêcher qu'on ne tire de la poche des contribuables des sommes qui peuvent rester inutiles dans le Trésor. (Murmures à droite.)

L'annulation de crédit de 140,000 francs, que M. le ministre vous a annoncée sur l'exercice de 1821, prouve que nous avons fait payer aux contribuables une somme de 140,000 francs qu'ils ne devaient pas payer. Mon observation n'a pas pour but de gêner les opérations du Trésor, car les rentrées viennent à jour fixe, tandis que les payements se font après, à des époques reculées. Ainsi, en diminuant le crédit de 280.000 francs, le Trésor ne sera pas gêné, et les contribuables auront autant de moins à payer dans l'année 1822.

M. de Villèle, ministre des finances. Le préopinant se sert de deux moyens pour établir qu'il y a un intérêt quelconque dans la discussion qu'il a élevée. D'abord, il prétend que c'est inutilement imposer les contribuables. Je lui réponds que les contribuables ne seront ni plus ní moins imposés parce que le crédit ouvert sera de 300,000 francs plus considérable; car ce n'est pas avec les impôts seulement que vous ferez face à vos dépenses.

Il dit ensuite que le Trésor ayant des fonds suffisants pour faire face à la dépense, il est inutile d'allouer un crédit surabondant. Nous aurons tout à l'heure l'occasion de traiter la

question des frais de négociations. Quant à présent, je répondrai que si vous accordez nn crédit surabondant, vous en trouverez dans les comptes l'annulation; mais si le crédit était insuffisant, je serais obligé de vous demander un supplément de crédit. Je ne crois pas qu'il soit possible d'approcher plus près qu'on ne l'a fait l'année dernière de la dépense réelle, puisqu'il n'y a eu que 140,000 francs d'annulés. Je ne sais pas, au reste, si nous en approcherons aussi prés cette année; mais vous voyez qu'il n'y a aucun inconvénient à allouer le crédit de 10 millions. (Voix à droite Cela est clair. Aux voix !)

M. Labbey de Pompières. Je demande la parole. (Voix à droite: La clôture!)

La Chambre consultée ferme la discussion.

La réduction de 280 mille francs proposée par M. Bogne de Faye est mise aux voix et rejetée. Le chapitre III est adopté.

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(Commissions aux receveurs généraux; frais de transports et d'emballage de fonds; commission à la Banque pour le payement de la dette publique; perte sur fonte de monnaies; commissions et courtage à divers.)

Art. 2. Frais de négociations, escomptes, intérêts de la dette flottante......

(Intérêts aux receveurs généraux sur leurs comptes courants et leurs fonds particuliers; escomptes à la Banque de France, sur les effets de commerce et bons royaux; intérêts aux communes et au Mont-de-Piété sur fonds déposés; intérêts et escomptes à divers; intérêts sur bons négociés.)

3,400,000 fr.

4,700,000

Art. 3. Remises extraordinaires aux receveurs généraux et particuliers, sur les anticipations de versements de contributions directes........... 3,400,000

M. de Villèle, ministre des finances. Il serait nécessaire de discuter ce chapitre par article.

M. Sirleys de Mayrinhac. Je demande que le premier article de ce chapitre, montant à 3,400,000 francs, soit réduit à 1,700,000 francs. Les commissions dont il s'agit ici sont un bénéfice réel, et peuvent être considérées comme des traitements. Ces commissions sont données sans que les receveurs généraux courent aucun danger. Le payeur prend les fonds chez les receveurs, les porte chez lui, et il y a pour ce transport une commission allouée. Je n'élèverai pas la même difficulté sur les fonds particuliers. Il est juste que les receveurs aient une facture de leurs fonds comme tout autre individu; mais il n'en est pas ainsi du 3 article du chapitre sur les anticipations des contributions directes. Il leur est accordé 5 centimes sur leur anticipation, le terme moyen du bénéfice des receveurs au moyen de cette disposition est de 28,000 francs. Ils touchent en outre une indemnité de 1,500 francs sur les contributions indirectes; enfin les 3,400,000 francs du 1er article. On a établi les

5 0/0 pour les anticipations, dans un moment où la chose était raisonnable; il fallait établir les versements par douzième, la disposition pouvait être nécessaire. Aujourd'hui elle a cessé de l'être. Par motif d'économic pour les contribuables, vous devez réduire les commissions des receveurs généraux; vous le devez encore par cette considération que d'autres capitalistes vous fourniraient à 3 ou 4 0/0 l'argent que vous prenez à 5 des receveurs généraux. Les anticipations sont la cause des rigueurs exercées sur les contribuables; j'en ai particulièrement l'exemple dans mon département qui est un des plus surchargés. Il faut espérer que nous entrerons bientôt dans un meilleur système, car celui qui existe a pour résultat de faire abandonner le commerce et l'agriculture pour les places. J'insiste sur la réduction de 1,700,000 francs sur le premier article.

M. de Villèle, ministre des finances. Je ne répondrai qu'à la partie du discours du préopinant qui regarde l'article 1er du chapitre. Les trois articles sont d'une nature tellement diverse, qu'il serait impossible de s'entendre si nous les traitions ensemble.

(M. le ministre donne ici le détail des diverses natures de commissions et de bonifications que le Trésor accorde aux receveurs généraux et il en démontre la modération.)

Les avantages que vous obtenez au moyen de ce sacrifice sont incalculables; les receveurs généraux, en se rendant responsables de tous les receveurs qui sont au-dessous d'eux, empêchent que vous n'ayez des débets continuels dans la perception de l'impôt; et d'un autre côté, assurent la régularité de la perception, dans un temps donné; chose que vous n'obtiendrez jamais qu'avec l'appåt de l'intérêt particulier. Si vous renonciez à ce système de perception, ne croyez pas que ce fut dans l'intérêt des contribuables. Vous iriez dans un intérêt directement contraire; car, au lieu de pouvoir faire avec régularité et certitude cette perception et ce mouvement, le gouvernement se verrait bientôt arriéré par des non-valeurs, et il serait obligé de faire retomber sur les contribuables une somme bien autrement considérable que celle que nous vous demandons pour maintenir l'ordre. Rien n'est plus coûteux, dans cette partie, que le désordre.

Au reste, chaque année on a tâché de faire des réductions sur les commissions aux receveurs généraux. Il y a deux jours encore que j'ai envoyé aux receveurs généraux une circulaire qui ajoute aux réductions qu'avait faites mon prédécesseur. Ce n'est qu'en marchant ainsi progressivement, que, sans vous flatter de pouvoir arriver beaucoup au delà ce que vous obtenez à présent, vous parviendrez néanmoins à diminuer le sacrifice que vous impose cet article de dépenses.

(M. le ministre développe ici les économies faites successivement depuis 1814 sur les bénéfices des receveurs généraux, et il prouve qu'elles s'élèvent à plus de 6 millions.)

On s'est occupé et l'on s'occupera constamment des améliorations qui peuvent être faites sur cette partie du service. Ce n'est, j'ose le dire, qu'à la régularité de la perception qu'est due la ponctualité du Trésor à satisfaire à ses engagements. Vous devez prendre en considération les économies qui résultent de cette régularité, parce qu'elle influe sur le crédit public, et que ces économies tournent en définitive au profit des contribuables.Ainsi vous ne repousserez pas la demande qui vous est faite,

qui a pour objet de vous garantir, non-seulement l'exactitude de la perception de vos impôts, mais encore leur rentrée complète, et d'éviter des poursuites aux contribuables.

Je pense donc que vous ne balancerez pas à accorder une disposition à l'allocation demandée, non pas comme un abus, mais comme véritablement utile.

M. Humblot-Conté. M. le ministre des finances, en nous faisant l'énumération des réductions qui ont déjà eu lieu sur ce chapitre, nous a prouvé qu'il était encore susceptible d'en éprouver beaucoup. La question n'est donc pas de savoir si nous pouvons faire des réductions, mais si nous pouvons en demander davantage que celles qui ont été faites jusqu'à présent. Je crois que la chose est très-possible, surtout sur l'article des remises extraordinaires aux receveurs généraux et particuliers, sur les anticipations de versement.

M. le ministre vous a dit que c'était à ces rétributions, qui intéressaient les receveurs généraux et particuliers à presser les rentrées, qu'on devait l'exactitude des recouvrements. Je conçois trèsbien que, lorsqu'on passa de l'ancienne manière de faire rentrer l'impôt au régime fiscal établi sous Buonaparte, il fallut intéresser fortement les receveurs généraux et particuliers à presser la rentrée des contributions, parce que les contribuables qui n'étaient pas accoutumés à payer avec régularité, opposaient beaucoup de difficultés.

Vous vous rappelez qu'il y a une douzaine d'années, les percepteurs particuliers, au lieu d'attendre paisiblement le contribuable dans leurs bureaux, se donnaient la peine d'aller en recette chez lui. Combien cette partie est perfectionnée aujourd'hui! Les percepteurs ne bougent pas de leurs bureaux; c'est le contribuable qui vient lui apporter l'impôt. En quoi consistent donc les anticipations de versement que font les receveurs généraux et particuliers? Elles consistent à ce qu'ils pressent les percepteurs en recette. Que font les percepteurs pressés ainsi? Menacés de destitution, ils font des avances. Il est peu de percepteurs qui ne soient en avances avec les receveurs. Ainsi, vous voyez que ce sont les percepteurs qui fournissent l'argent, et les receveurs qui en retirent l'intérêt. Voilà ce qui se passe. Il me semble qu'il y a là par trop d'injustice. Il n'y a pas de grandes difficultés à obliger les receveurs à des anticipations de versement, car vous n'avez qu'à leur dire: Si vous ne comptez pas, vous serez destitués. Pour ne pas être destitués, il feront des versements anticipés.

Mais le plus grand mal vient de ce que c'est un emprunt, et que cet emprunt est fait précisément dans le lieu où il ne faudrait pas le faire. C'est donc 60 millions qu'on emprunte et qui sont dans la poche des percepteurs; c'est-à-dire sur tous les points du territoire, dans les lieux où il importerait le plus de laisser des fonds. Remarquez que cette année le Trésor se trouve dans une situation très-favorable pour renoncer à cet emprunt anti-productif. Le Trésor, ainsi qu'on nous l'a annoncé, se propose de faire plusieurs remboursements sur la dette flottante, et particulièrement de rembourser 60 millions à la Banque de France. Il me semble qu'il vaudrait beaucoup mieux devoir ces 60 millions à la Banque de France, dont les capitaux resteraient inactifs, et laisser 60 millions de plus dans les départements à la portée des cultivateurs, pour les faire servir à la reproduction. Je crois donc que dans une

situation du Trésor aussi favorable, il convient de renoncer à ces versements par anticipation, puisque c'est un emprunt, et qu'on peut en faire un qui soit moins onéreux à l'agriculture.

(On demande et la Chambre ordonne l'impression de cette improvisation.)

M. Casimir Périer réclame et obtient la parole.

M. Casimir Périer. Je ne viens pas du tout combattre le système d'organisation qui existe dans les recettes et notamment les rétributions accordées aux receveurs généraux et particuliers. Je trouve le système bon; mais je suis de l'avis de mes collègues pour obtenir une réduction, s'il est possible. La réduction que M. le ministre des finances a opérée tout récemment vient à l'appui de notre demande. Vous voyez, Messieurs, que nos réclamations ne restent pas toujours inutiles; ainsi, quand nous venons à cette tribune proposer des réductions, il ne faut pas sans cesse nous interrompre et demander la clôture; puisque c'est par ce qui a été dit à cette tribune que vous avez déjà obtenu une réduction de 6 millions sur les avantages faits aux receveurs généraux. Il est donc évident que jusqu'à présent une centaine d'individus se partageaient cette somme, ce qui faisait 60,000 francs par tête.

J'observerai d'abord que sur la répartition des remises aux receveurs généraux, il n'y a point d'égalité; cet abus a été énoncé à la tribune; le gouvernement a opéré des réductions; voyons s'il n'est pas possible d'en obtenir de nouvelles. M. le ministre vient de vous dire que, terme moyen, les remises donnaient 17,000 francs par receveur général, et 6,000 francs par receveur particulier. Si cette somme était répartie d'une manière plus égale, peut-être ne la trouverait-on pas trop considérable. Mais les receveurs généraux dans les villes populeuses et commerçantes se trouvent avoir une répartition qui triple la valeur de leur place, indépendamment de ce qu'ils ont des jouissances de plus et beaucoup de peine de moins. Je pourrais citer les départements des Hautes et Basses-Alpes, ainsi que des Pyrénées, dans lesquels ces remises sont à peine suffisantes; tandis que les receveurs des grandes villes reçoivent des rétributions qui ne sont nullement proportionnées aux peines que leur donne leur recette. En effet, de quoi s'agit-il? Il s'agit de faire payer des sommes qui appartiennent au Trésor; les receveurs généraux qui comptent avec des receveurs particuliers, n'ont aucune espèce de travail et de crédit à prêter au gouvernement. Il s'agit d'une somme de 348 millions versée soit dans les caisses des receveurs particuliers, soit dans celles des receveurs généraux pour le compte du gouvernement, et cela sans frais de leur part. Eh bien, vous leur donnez 3,400,000 francs de prime pour le recouvrement de 348 millions, ce qui fait à peu près 1 0/0 de frais de commission. Or, il n'est aucun négociant qui, ayant à faire payer des sommes aussi considérables, voulût allouer la commission que le Trésor alloue. A peine voudrait-on donner 1/2 0/0 à ceux qui prêteraient momentanément leur crédit; et d'après ce qui a été dit par M. le ministre des finances, le gouvernement accorde 1 0/0 à des receveurs qui ne prêtent aucune espèce de crédit, et qui se bornent à faire aboutir à un département voisin l'argent qu'ils ont reçu.

Cependant il serait possible de juger raisonnable ce sacrifice, si c'était le seul avantage que le gouvernement accorde aux receveurs particuliers et généraux. Mais ils ont bien d'autres

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