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copies du présent traité, il est reconnu par les puissances qui ont concouru à cet acte que l'emploi de cette langue ne tirera point à conséquence pour l'avenir, de sorte que chaque puissance se réserve d'adopter, dans les négociations et les conventions futures, la langue dont elle s'est servie jusqu'ici dans ses relations diplomatiques, sans que le traité actuel puisse être cité comme exemple contraire aux usages établis. »

De nos jours, malgré la prépondérance qu'a conservée le français, il est de règle que chaque nation fasse usage de sa propre langue pour traiter avec les autres; chaque Etat écrit dans sa langue et traduit l'acte dans celle du pays auquel il l'envoie. La chancellerie allemande, cependant, correspond en français avec les Etats qui lui adressent leurs communications dans cette langue, si celle-ci n'est pas leur idiome national, et en latin avec le Saint-Siège.

Les instruments des traités sont dressés dans la langue de chacune des parties contractantes; lorsque celles-ci ne sont que deux, on peut placer les deux idiomes parallèlement en regard l'un de l'autre; quand elles sont en plus grand nombre, on dresse autant d'originaux des traités qu'il y a d'idiomes. Aucun des originaux ne devant, dans ce dernier cas, avoir un droit de préférence, des dissentiments peuvent se produire sur la portée véritable d'un mot ou d'une phrase rendue d'une manière différente dans les diverses langues employées, ainsi que cela se produisit notamment entre la France et l'Angleterre à propos du traité de commerce de 1786 (1). Pour éviter de semblables difficultés, lorsque les engagements souscrits doivent s'appliquer à plus de deux Etats, ne parlant pas la même langue, il est rare qu'on ne se borne pas à l'emploi d'une seule, et de préférence à celui du français, comme cela a eu lieu, pour la plupart des traités signés depuis le commencement du dix-neuvième siècle, entre autres pour les actes du congrès de Vienne en 1815, pour les traités de 1833 et de 1839, concernant la séparation de la Belgique et de la Hollande, plus récemment enfin pour le traité du 30 mars 1856 (2), qui a mis fin à la guerre d'Orient, et pour le traité de Berlin (1878).

Les règles consacrées pour les rapports écrits s'appliquent de tout point aux communications verbales, aux discours prononcés dans les audiences solennelles. Le ministre étranger peut donc

(1) De Clercq, t. I, p. 146; Martens, 1 édit., t. II, p. 680; 2o édit., t. IV, p. 155; State papers, v. III, p. 342.

(2) De Clercq, t. VII, p. 59; Neumann, t. VI, p. 274; Savoie, t. VIII, p. 380; Martens-Samwer, t. II, p. 770.

Du chiffre.

prononcer son discours dans sa propre langue, en chargeant un interprète de le traduire mot à mot, et le souverain répond dans la sienne; mais le plus ordinairement le ministre qui possède l'idiome du pays s'en sert en traitant avec le gouvernement près lequel il est accrédité, ou, en cas de difficulté, se concerte pour l'emploi d'une langue familière aux deux parties*.

§ 1320. On entend par chiffres les caractères ou signes conventionnels dont on se sert pour écrire des lettres inintelligibles pour les personnes qui n'en connaissent pas la valeur, en d'autres termes, qui n'en ont pas la clef. On désigne aussi sous le nom général de chiffre l'ensemble des caractères employés, le système de chiffrage lui-même.

Dans bien des occasions, il est d'un intérêt majeur pour les gouvernements que la correspondance postale et télégraphique, avec leurs agents à l'étranger soit à l'abri de toute indiscrétion : c'est là ce qui fait partout attacher une grande importance à la combinaison et à l'emploi des chiffres pour la rédaction des ordres et des informations secrètes.

Le plus ordinairement, on a recours à des caractères inconnus, à des nombres arbitraires, dont les correspondants ont à l'avance fixé la valeur entre eux et au moyen desquels ils marquent les lettres de l'alphabet et même des mots, des phrases entières; ces caractères, signes ou nombres, sont disposés dans un certain ordre sur deux tables spéciales, dont l'une, dite chiffrante, sert à la transformation en chiffres du texte original, ct la seconde dite déchiffrante, sert à la reconstitution en clair du texte chiffré.

Les systèmes de chiffres les plus en usage sont les chiffres arabes, les lettres de l'alphabet et les signes sténographiques détournés de leur acception ordinaire et employés, tantôt seuls, tantôt combinés les uns avec les autres. Ce genre de chiffres s'appelle à simple clef ou à double clef, suivant que chaque signe, lettre ou figure, conserve invariablement la même valeur ou comporte des acceptions différentes subordonnées à telle ou telle combinaison alphabétique, à tel ou tel mot conventionnellement détourné de son nom propre.

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Wheaton, Elem., pte. 2, ch. III, § 5; Klüber, Droit, §§ 111, 113; Martens, Précis, § 179; Phillimore, Com., vol. II, § 43; Polson, sect. 5, p. 27; Horne, § 50; Halleck, ch. v, § 15; Heffter, § 235; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 26-28; Martens, Guide, t. II, pp. 5, 9; Schmauss, Corp., t. II, pp. 1355-1734; Wenck, Corp., t. II, pp. 88, 359, 360; Réal, t. V, ch. III, sect. 1; Rivarol, Œuvres, t. II, note 1; Moser, Versuch, t. VIII, p. 75; Fiore, t. I, p. 280.

Il y a aussi le système du ruban ou de la grille, méthode qui consiste à disposer une série de mots de manière qu'ils paraissent entremêlés au hasard et ne puissent avoir de sens exact et complet que pour le correspondant qui en a la clef. Son nom lui vient de cette même clef, qui n'est autre chose qu'un ruban numéroté ou un carton découpé à jour, qu'on pose sur la dépêche à certains points de repère, et qui alternativement laisse apparaître ou recouvre les mots indispensables pour fournir un sens intelligible.

Il est un dernier expédient moins compliqué, lequel consiste à choisir un livre quelconque ayant eu plusieurs éditions; la clef se borne alors à trois chiffres: le premier indiquant la page du livre, le second la ligne, et le troisième le mot dont on doit se servir. Cette manière d'écrire et de lire, ne pouvant être comprise que par ceux qui connaissent le titre et l'édition du livre, offre d'assez nombreuses combinaisons, puisque le même mot se trouve à diverses pages et peut dès lors s'exprimer par des chiffres infiniment variés; son seul inconvénient est d'être un emploi très lent*.

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§ 1321. Un des attributs essentiels de la souveraineté et de l'indépendance des nations est le droit de légation, qui consiste dans la faculté de se faire représenter au dehors par des agents diplomatiques et consulaires chargés de cultiver avec les autres nations des relations d'amitié et de bonne harmonie. Contester à un souverain le droit de se faire représenter à l'étranger, c'est contester sa souveraineté même.

Le droit de légation est considéré comme un droit parfait en principe, mais imparfait dans la pratique, attendu qu'aucun État n'est obligé d'entretenir des missions politiques à l'étranger ou de recevoir chez lui les représentants des autres nations.

Toutefois, l'usage et les règles de la courtoisie internationale ont établi à cet égard entre les peuples une sorte de devoir réciproque; et de même que l'existence de rapports diplomatiques entretenus

Martens, Guide, § 21; Garden, Traité, t. II, pp. 123 et seq.; Martens, Précis, § 111; Bielfeld, t. II, p. 190; De Callières, ch. xx; Klüber, Kryptographik; Fiore, t. II, p. 639.

Du droit d'ambassade ou de légation.

Des Etats mi-souverains

par des agents en résidence permanente est un signe évident de paix et d'amitié, de même on peut regarder comme un indice de désaccord ou d'hostilité le rappel ou l'absence absolue des légations politiques. Il convient cependant de ne pas perdre de vue que l'établissement même des légations et le rang des agents appelés à les occuper sont avant tout subordonnés à la nature et à l'importance des relations qui existent entre les divers États, aux moyens dont ils disposent pour cultiver ces relations, et aux ressources qu'ils peuvent consacrer à leur représentation extérieure *.

§ 1322. Le droit de légation étant inhérent à celui de souveet dépendants. raineté, on comprend qu'il ne puisse être exercé par un État dépendant ou mi-souverain, soit par un État faisant partie d'une confédération, qu'autant qu'il y est spécialement autorisé par l'État ou les États dont il relève. En principe donc, ce droit est l'apanage exclusif des États qui sont indépendants, « qui summi imperii sunt compotes inter se ». Ainsi la constitution des États-Unis d'Amérique a enlevé à chaque État particulier le droit de représentation et lui défend de conclure, sans le consentement du congrès fédéral, aucun arrangement ou aucune convention avec une nation étrangère. Le même principe a prévalu parmi les États qui forment les fédérations de l'Amérique méridionale.

Les cantons suisses ne jouissent pas non plus d'un droit de représentation isolé. Quant aux États dont se compose le nouvel Empire d'Allemagne, ils ont conservé jusqu'ici le droit d'entretenir des légations à l'étranger pour les affaires qui ne sont pas de la compétence du pouvoir central **.

* Vattel, Le droit, liv. IV, ch. v, § 57; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 1, § 2; Phillimore, Com., vol. II, pte. 6, ch. 11; Martens, Précis, §§ 187, 188; Martens, Guide, §§ 5, 6; Twiss, Peace, § 184; Garden, Traité, t. II, p. 4; Bluntschli, § 159; Rousset, Cérémonial dipl., t. II, p. 481; Wicquefort, L'ambassadeur, liv. I, ch. III; Riquelme, lib. II, tit. 2, cap. ad. 1; Bello, pte. 3, cap. 1, § 2; Fiore, t. II, pp. 541 et seq.; Pinheiro Ferreira, Suppl., ch. 11, §§ 5, 6, pp. 13-25; Horne, sec. 1, §§ 5, 6, pp. 89, 90; Polson, sec. 5, § 2, p. 31; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 40-43; Halleck, ch. VIII, § 1; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. Ix, § 20; Bowyer, ch. xx; Ompteda, Lit., t. II, p. 351; Heffter, § 200; Klüber, Droit, § 169; DudleyField, Projet de Code, p. 398, § 96.

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Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 1, § 3; Wattel, Le droit, liv. IV, ch. v, § 60; Bynkershoek, Quæst., lib. II, cap. III; Phillimore, Com., v. II, §§ 116 et seq.; Heffter, § 200; Martens, Précis, § 187; Martens, Guide, §5; Bluntschli, § 160; Garden, Traité, t. II, p. 4; Klüber, Droit, § 175; Horne, sec. 1, § 5, p. 80; Polson, sect. 5, § 2; p. 31; Bello, pte. 3, cap. 1, § 2; Riquelme, lib. II, tit. 2, cap. ad. 1; Fiore, t. II, p. 541; Pinheiro Ferreira, Suppl., pp. 13 et seq.; Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sec. 2, § 6; Halleck, ch. vi, § 2; Vergé, Précis de Martens, t. II,

guerre civile.

§ 1323. L'exercice du droit de légation appartient dans chaque En cas de État à l'autorité ou au pouvoir spécialement désigné à cet effet par la constitution ou la loi fondamentale du pays. L'attribution en est dévolue au chef suprême de l'État, prince souverain, régent ou président, agissant tantôt seul, tantôt de concert avec les représentants du pouvoir législatif.

Parfois cependant, le souverain délégue ce droit aux vice-rois ou aux gouverneurs des colonies, lorsque le grand éloignement des possessions coloniales est un obstacle à l'exercice de ce droit.

On peut se demander quelle conduite doivent tenir les États étrangers lorsque surgit une révolution ou une guerre civile dans un pays auprès duquel ils sont représentés par une mission diplomatique permanente. Peuvent-ils continuer leurs relations avec l'ancien gouvernement, ou doivent-ils en nouer tout de suite de nouvelles avec le gouvernement révolutionnaire? Sont-ils, au contraire, tenus de les suivre avec tous les deux à la fois?

En principe, comme l'échange de relations politiques découle de la consécration internationale donnée à un gouvernement, on peut dire que les États étrangers n'ont pas à tenir compte de faits insurrectionnels, ni de gouvernements dépourvus de la sanction de la majorité du peuple qu'ils prétendent régir, et d'une constitution librement acceptée, régulièrement débattue et promulguée. Lorsque des luttes intestines viennent à déchirer un État et à ébranler les pouvoirs publics qui y sont établis, le premier devoir des autres. gouvernements est donc d'observer une neutralité absolue et de s'abstenir complètement de tous rapports diplomatiques. D'après l'usage invariablement suivi à cet égard, les agents étrangers continuent jusqu'à nouvel ordre leurs anciennes relations avec le gouvernement près lequel ils sont accrédités, ou ils n'ouvrent que des rapports purement officieux avec les autorités, quelles qu'elles soient, qui les remplacent de fait. Les convenances internationales commandent une réserve bien plus grande encore quand il s'agit de guerres civiles au sein de confédérations, mettant en question la souveraineté même de l'État. Dans ce cas, en effet, l'envoi et l'admission d'agents revêtus d'un caractère diplomatique implique la reconnaissance du gouvernement révolutionnaire, ainsi que de sa souveraineté et de son indépendance nationales *.

pp. 40 et seq.; Ompteda, Lit., §239; Kamptz, Neue lit., § 244; Lawrence, Elém., by Wheaton, note 116; Cushing, Opinions, vol. VII, p. 551; Twiss, p. 312, § 20.

* Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 1, § 4; Wattel, Le droit, liv. II, ch. IV,

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