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sie, l'Angleterre et la Belgique, ont des ministres à Berne. La Suisse n'a que des consuls généraux, à Saint-Pétersbourg, à Bruxelles et à Londres.

Quelquefois aussi, dans le cours d'une mission, un agent est élevé au grade immédiatement supérieur pour traiter temporairement une affaire particulière, suivre une négociation spéciale ou s'acquitter d'une commission honorifique. Dans la plupart des cas, ce sont les ressources matérielles qui guident chaque puissance pour le titre à donner aux agents qu'elle envoie ou entretient au dehors, attendu que les frais de mission et de représentation s'accroissent en raison directe du cérémonial, des privilèges honorifiques et des exigences de représentation inhérents à chaque grade diplomatique.

Du reste la diversité de rang n'établit aucune différence entre les agents relativement à l'exercice de leurs fonctions, à leur capacité pour négocier et à la validité des actes auxquels ils prêtent leur ministère *.

Du nombre des ministres

§ 1341. Tout État est libre, suivant les circonstances, d'envoyer plusieurs agents auprès d'un même gouvernement, soit que chacun à recevoir. d'eux se trouve chargé d'un mandat particulier avec pouvoirs spéciaux, soit qu'ils aient à suivre ensemble une seule et même négociation. Ces agents peuvent d'ailleurs être tous du même rang ou appartenir à des classes différentes.

Ce droit d'accréditer plusieurs agents à la fois ne s'exerce que dans des cas exceptionnels, tels que des conférences ou des congrès internationaux appelés à traiter d'affaires d'ordre majeur.

Dans ces réunions, les grandes puissances se font généralement représenter par leurs ministres des affaires étrangères, qui prennent le titre de premiers plénipotentiaires et auxquels on adjoint, en qualité de second et de troisième plénipotentiaire, tantôt les chefs de légation accrédités dans le pays où se tient le congrès, tantôt des agents envoyés en mission spéciale.

Ainsi, au congrès de Vienne (1814-1815) la France et l'Angleterre étaient représentées chacune par quatre plénipotentiaires, la Russie et le Portugal par trois, l'Autriche et la Prusse par deux.

Au congrès de Paris, en 1856, après la guerre d'Orient, cha

Martens, Guide, § 7; Heffter, § 209; Vattel, Le droit, liv. IV, § 78; Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 1, § 6; Martens, Précis, § 198; Klüber, Droit, § 183; Moser, Versuch, t. III, p. 5; Moser, Beitrage, t. III, p. 7; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 73; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. IV, § 78; Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sect. 2, §2, sect. 1, no 1; Horne, § 7.

cune des puissances n'avait envoyé que deux plénipotentiaires. Au congrès de Berlin, en 1878, les puissances étaient représentées par leurs ministres des affaires étrangères, leurs agents diplomatiques à Berlin et des commissaires spéciaux.

Autrefois on envoyait plusieurs ambassadeurs pour les grandes solennités, notamment les couronnements et les mariages des princes.

Par exemple, la république de Venise avait coutume de charger deux ambassadeurs de féliciter un empereur ou un roi à son avènement au trône, et elle en envoyait jusqu'à quatre au Pape.

Les Provinces Unies des Pays-Bas se faisaient représenter par trois ambassadeurs au couronnement des rois d'Angleterre.

Aujourd'hui ces sortes de missions sont confiées généralement à un seul ambassadeur accrédité ad hoc ; et il n'est pas de pays qui, en temps ordinaire entretienne à la fois à titre permanent plusieurs ministres auprès de la même cour.

L'usage a prévalu, pour l'étude de questions spéciales et techniques, de faire choix d'attachés ou de conseillers placés sous les ordres des chefs de mission, quoique autorisés à entretenir une correspondance directe avec leur gouvernement. Ainsi l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et la Russie entretiennent des attachés militaires auprès des grandes cours du continent européen. L'Allemagne a, en outre, plusieurs attachés techniques.

Un seul ministre public peut se trouver accrédité près plusieurs gouvernements à la fois : c'est là une pratique suivie par un grand nombre d'États, tant en Europe qu'en Amérique.

Ainsi, entre autres, les ministres de Chine sont accrédités auprès de plusieurs puissances, et les agents diplomatiques à Berlin, auprès des autres cours allemandes.

La France n'a qu'un chargé d'affaires auprès des cinq républiques de l'Amérique centrale.

En 1825, le cabinet de Londres fit des difficultés pour recevoir un ministre de Buenos-Aires qui devait être en même temps accrédité à Paris; mais plus tard l'Angleterre n'a pas persisté dans ses objections à cet égard, et plusieurs États transatlantiques sont aujourd'hui représentés par un seul ministre, qui réside alternativement à Londres et à Paris.

Rien ne s'oppose d'ailleurs à ce qu'un agent représente à la fois plus d'un gouvernement auprès de la même cour. C'est ce qui a eu lieu notamment, pendant quelque temps, pour le ministre plé

nipotentiaire du Honduras à Paris, qui représentait également le Salvador à la cour des Tuileries, et pour le ministre du Guatemala qui y a un moment cumulé la représentation diplomatique de la Bolivie et de l'Équateur *.

§ 1342. En principe, le choix du ministre dépend exclusivement de la volonté du gouvernement qu'il doit représenter; à moins d'usages ou d'accords conventionnels en sens contraire, ni l'âge, ni le rang social, ni le sexe même, ni la religion ne doivent gêner la liberté du choix.

L'histoire offre quelques exemples de femmes investies de fonctions diplomatiques: ainsi le traité de paix Cambrai (1529) fut appelé « la paix des Dames », parce qu'il avait été négocié par des plénipotentiaires féminins, Louise de Savoie, mère de François Ier, et Marguerite d'Autriche, tante de Charles-Quint.

Ce fut une femme, la duchesse d'Orléans, qui négocia au nom de la France le traité qui, sous le règne de Charles II, détacha l'Angleterre de son alliance avec la Hollande.

En 1646, Louis XIV accrédita Renée du Bec, veuve du maréchal de Guébriant, comme ambassadrice auprès de Stanislas IV, roi de Pologne; il est vrai que la mission de cette ambassadrice se borna à accompagner Marie-Louise de Gonzague, que ce prince avait choisie pour épouse.

L'emploi de femmes pour des missions diplomatiques constitue du reste, un cas tout à fait exceptionnel, et il est douteux que de nos jours, dans l'état actuel des mœurs, on le voie se reproduire.

Autrefois les souverains ne se faisaient guère représenter au dehors que par des gentilshommes, même par des princes, et souvent ils en faisaient l'objet de conventions expresses. Ainsi le commissaire principal de l'Empereur d'Allemagne à la diète germanique devait avoir le rang de prince; de leur côté, les princes de l'empire, lorsqu'ils recevaient de l'Empereur l'investiture de leurs fiefs, ne pouvaient se faire représenter que par des personnes appartenant à la haute noblesse ou au moins à l'ordre des chevaliers.

On a vu cependant d'importantes missions confiées à des personnes qui, à défaut de la naissance et de la position sociale, se recommandaient par un mérite et un savoir hors ligne.

* Martens, Guide, §8; Heffter, § 209; Klüber, Droit, § 185; Martens, Précis, § 199; Moser, Versuch, t. III, p. 106; Wicquefort, t. I, p. 372; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 75-77; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, § 199; Martens, Causes célèbres, t. I, p. 47; t. II, p. 309; Hansard, Parl, debates, 2d séries, v. XIII, p. 1486.

Choix des personnes,

Des lettres de créance.

En 1676, les ministres d'Etat de l'Empereur, voulant refuser le titre d'Excellence et le pas dans leur maison à ceux des ambassadeurs électoraux qui n'étaient pas nobles, le grand-électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, déclara que, dans le choix qu'il faisait de ses envoyés, il ne s'inquiétait nullement de leurs aïeux et n'avait égard qu'à leur mérite.

C'est cette règle qui devrait toujours guider les gouvernements; certes, la naissance, la fortune et d'autres considérations du même ordre peuvent n'être pas indifférentes pour le succès d'une mission; mais, après tout, ce ne sont là que des conditions secondaires; la plus importante est que l'envoyé soit capable de remplir sa tâche et jouisse d'un prestige personnel qui équivaut au rang et à la haute naissance.

Il faut bien d'ailleurs qu'il en soit ainsi, puisque plus d'une nation, par sa constitution politique, ne connaît ni n'admet les distinctions nobiliaires, et ne peut, dès lors, choisir ses représentants à l'étranger que parmi des citoyens non titrés.

Jadis, les souverains catholiques ne confiaient leurs missions qu'à des personnes du même culte; mais, avec les progrès de la liberté de conscience et l'abolition graduelle des religions d'État, cette tradition a disparu à peu près partout, et ne s'est guère maintenue que pour les agents accrédités par les puissances catholiques auprès du Saint-Siège.

La condition essentielle et même sine qua non du choix des agents diplomatiques, c'est qu'il ne tombe pas sur une personne indigne de la situation élevée qu'elle doit occuper, et surtout que cette personne soit agréable au gouvernement près lequel on l'envoie; car, ainsi que nous le faisons observer d'ailleurs, aucun État n'est tenu de recevoir une personne qui lui est désagréable, ni de traiter directement avec elle. Pour aller au-devant de toute déconvenue à cet égard, les gouvernements sont dans l'usage de faire connaître d'avance à la cour près laquelle leurs ministres doivent résider le nom des agents dont ils ont fait choix *.

§ 1343. Pour être régulièrement admis à l'étranger et pouvoir entrer en jouissance des privilèges inhérents à leur charge, les

Martens, Guide, §9; Garden, Traité, t. II, pp. 16 et seq.; Heffter, § 209; Klüber, Droit, §§ 186, 187; Bynkershoek, Quæst., lib. II, cap. v; Wicquefort, liv. I, ch. VII-XIII; Phillimore, Com., v. II, § 134; Mirus, §§ 127, 128; Moser, Versuch, t. III, p. 93; Moser, Beitrage, t. III, p. 101; Gessner, De jure uxoris, p. 42; Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sect. 3, no 3; Horne, sect. 1, § 7.

ministres publics ont besoin d'être munis de lettres de créance indiquant leurs noms, spécifiant le caractère dont ils sont revêtus, ainsi que l'objet général de leur mission, et demandant qu'on ajoute foi pleine et entière à ce qu'ils pourront dire comme représentants de l'Etat qui les envoie. La forme et l'étendue de ces documents varient naturellement selon la catégorie du poste pour lequel les ministres sont désignés, et selon les règles protocoliques en vigueur dans chaque pays. Ainsi les lettres de créance destinées aux agents diplomatiques des trois premières classes sont signées par le chef suprême de l'Etat et adressées au souverain du pays où les agents doivent résider; les lettres dont sont munis les agents de la quatrième classe, c'est-à-dire les chargés d'affaires qui ne sont pas chefs de mission, portent seulement la signature du ministre des affaires étrangères et sont adressées au ministre correspondant de l'autre pays.

Une seule lettre de créance suffit pour deux ministres envoyés conjointement pour une même mission; mais un ministre peut avoir besoin de plusieurs lettres de créance à la fois, soit quand il représente son gouvernement auprès de plusieurs cours, soit quand il est investi d'une double mission ou d'un double caractère officiel, l'un temporaire, l'autre permanent, soit même lorsqu'il ne doit représenter son gouvernement que dans un seul pays, mais sous des qualités différentes *.

pouvoirs.

§ 1344. Quelquefois, les lettres de créance confèrent la faculté Des pleins d'ouvrir des négociations; mais les pleins pouvoirs indispensables pour conclure et signer des traités sont conférés par des documents spéciaux désignés sous le nom de lettres patentes. Ordinairement, les ministres envoyés à un congrès d'Etats, ne sont porteurs que de ces dernières lettres, dont ils échangent réciproquement des copies ou qu'ils déposent dans les mains d'une puissance médiatrice, quand ils n'en font pas la remise au ministre chargé de les

Martens, Précis, § 202; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 1, §7; Vattel, Le droit, liv. IV, ch. vi, § 76; Phillimore, Com., vol. II, § 229; Twiss, Peace, § 195; Heffter, § 210; Martens, Guide, § 18; Wicquefort, L'ambassadeur, liv. I, § 15; Klüber, Droit, §§ 193, 194; Pradier-Fodéré, Principes généraux, p. 539; Garden, Traité, t. II, pp. 46, 47; Riquelme, lib. Il, cap. ad. 1; Bello, pte. 3, cap. 1, § 5; Réal, Scince, t. V, ch. 1, § 13; Horne, sect. 2, § 15; Wildman, vol. I, p. 78; Halleck, ch. IX, § 26; Rayneval, Inst., t. II, app., sect. 2, § 8; Jugler, De litteris legatorum credentialibus; Eschbach, Inst., p. 87; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 85, 86; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. IV, ch. VI, § 76; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, pp. 241, 242; Silva Santisteban, Curso de derecho int., p. 114; Albertini, Derecho dip., p. 65; Dudley-Field, Projet de Code, p. 46, § 115.

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