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la remise de nouvelles lettres de créance ne lui fait pas perdre son rang d'ancienneté dans les cérémonies. C'est même par ce trait de leur caractère représentatif que les ministres publics se distinguent essentiellement des consuls, dont les patentes et les exequatur n'ont pas besoin d'être renouvelés à chaque changement de règne.

Dans les républiques, par contre, la mort ou le changement du président ne nécessite pas l'envoi de nouvelles lettres de créance. Il en est de même dans le cas de l'élection d'un nouveau pape *.

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§ 1368. On trouve chez les anciens Grecs une institution à peu près identique à celle des consulats tels qu'ils fonctionnent dans les temps modernes.

Dans les pays fréquentés par leurs nationaux, divers États chargeaient spécialement un ou plusieurs citoyens de ces pays, лрožεvoi, de recevoir et de protéger les marchands et les autres étrangers appartenant à l'État qu'ils représentaient, de gérer leurs biens en cas de décès, etc., comme aussi de veiller, autant que le leur permettaient leurs devoirs envers leur propre pays, aux intérêts politiques que l'autre État pouvait y avoir, de sorte que le mandat de ces délégués ou intermédiaires réunissait à la fois quelque chose des agents diplomatiques et des agents consulaires; mais leur ingérence n'avait aucun caractère officiel, du moins vis-à-vis des autorités de leur résidence. On ne saurait donc voir précisément dans cette institution des potevo l'origine de nos consulats actuels.

L'établissement des consulats proprement dits remonte à l'époque des croisades. On sait que quelques villes maritimes de l'Italie, notamment Gênes et Venise, monopolisèrent le transport des

Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 1, § 23; Heffter, § 223; Martens, Précis, § 239; Martens, Guide, § 56; Garden, Traité, t. II, pp. 204, 205; Phillimore, Com., v. II, § 240; Horne, sect. 7, §§ 52, 53; Klüber, Droit, § 228; Halleck, ch. IX, § 37; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 160, 161; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, note sur le § 239; Lawrence, Elem., by Wheaton, notes 144, 145; Pinheiro Ferreira, Suppl. au guide dip., pp. 160-162; Cushing, Opinions, vol. VII, p. 590; Berrien, Opinions, vol. II, p. 290; Hall, int. law. p. 256; Dudley-Field, Projet de Code, p. 51, § 129.

Origine des consulats.

Progrès de l'institution

siècle.

vivres et des autres approvisionnements nécessaires aux croisés; pour faciliter leurs opérations et leur trafic elles fondèrent dans l'Asie Mineure des comptoirs commerciaux. L'institution de ces vastes entrepôts rendit de tels services et fut si favorablement accueillie sur certains points, que l'on déclara exempts de tous droits les articles que l'on y importait ou en exportait; et même, pour en accroître le développement, on assigna des quartiers entiers comme résidence aux employés des comptoirs, qui obtinrent en même temps le privilège de vider leurs différends d'après leurs propres lois et devant des juges choisis par cux, auxquels on donna le nom de consuls.

Par la suite, l'établissement de ces factoreries dans les mêmes conditions privilégiées s'étendit en Espagne et en France.

§ 1369. Toutefois l'institution des consulats ne se généralisa depuis le xvi qu'au seizième siècle, à partir duquel la faculté accordée à certaines villes de choisir les agents commerciaux des factoreries et les juges consulaires chargés d'y rendre la justice fut revendiquée par les États comme un droit inhérent à la souveraineté ; le rôle des consuls s'agrandit, se transforma: cessant d'être les simples délégués d'un groupe plus ou moins considérable de commerçants, ces agents devinrent les représentants directs du pays auquel ils appartenaient; en d'autres termes, leur autorité revêtit un caractère à la fois plus régulier, plus légitime et plus solennel.

Un siècle plus tard, c'est-à-dire à la paix de Westphalie, l'institution consulaire subit une nouvelle transformation non moins radicale. Les divers États du continent européen s'étaient définitivement constitués; la réorganisation de l'administration judiciaire sur de nouvelles bases s'était partout affermie; la sphère d'activité du commerce et de l'industrie s'était considérablement élargie. Dans de pareilles conditions, les consuls durent nécessairement être dépouillés de leur caractère de juges et même de celui d'agents ou de facteurs de leurs nationaux, et appelés exclusivement à veiller, comme agents officiels de leur gouvernement, aux intérêts généraux du commerce maritime de leur patrie. Tel est encore aujourd'hui le scul et véritable rôle de ces agents en Europe et en Amérique. Cependant en Orient, en Afrique, dans les contrées musulmanes en Chine et au Japon, les consuls, en vertu de stipulations conventionnelles spéciales, ont conservé l'exercice d'attributions judiciaires tant au civil qu'au criminel *.

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De Clercq et de Vallat, Guide, liv. I, ch. I, II; Miltitz, Manuel, t. I,

§ 1370. Le mot consul a eu plusieurs acceptions. On avait donné ce nom aux deux magistrats annuels de l'ancienne république romaine, parce que, avant de prendre une détermination, ils devaient consulter l'intérêt général.

Le consulat fut conservé par les Empereurs qui, eux-mêmes, s'honorèrent du titre de consuls; mais l'élection en fut retirée au peuple.

Lorsque Constantinople devint la capitale du monde romain, on y créa un nouveau consulat, qui n'eut cependant pas la haute signification attachée à cette dignité dans les premiers temps de la République.

Au cinquième et au sixième siècle de notre ère, on donna le titre de consuls aux chefs barbares qui conquirent les provinces occidentales de l'Empire.

Au moyen-âge, le même mot désigna les magistrats des villes lombardes et quelques-uns des rois francs.

En dernier lieu, on appliqua la qualification de juges-consuls à des magistrats qui composaient un tribunal établi dans la plupart des ports du midi de l'Europe et qui connaissaient exclusivement des affaires commerciales; enfin, on donna le titre de consuls à l'étranger aux fonctionnaires investis d'un mandat analogue dans les ports d'un autre pays que le leur.

§ 1371. Les consuls ont pour attributions essentielles, mais non exclusives:

1° De protéger le commerce et la navigation des nationaux en pays étranger, de défendre leurs droits et leurs privilèges; de veiller à l'exécution des traités et des conventions, ainsi qu'à l'ac

liv. I, ch. 1, § 6; t. III, liv. III, ch. 1; Heffter, §§ 244-246; Cauchy, t. I, pp. 310 et seq., Vattel, Le droit, liv. II, ch. II, § 34; Bynkershoek, De foro, lib. VI, cap. x; Phillimore, Com., vol. II, §§ 243-246; Twiss, Peace, § 206; Bluntschli, § 244; Horne, sect. 1, § 13; Martens, Précis, §§ 147, 148; Martens, Guide, § 68; Garden, Traité, t. I, pp. 315 et seq.; Bello, pte. 1, cap. VII, § 1; Riquelme, lib. II, cap. ad. III; Mensch, Manuel, pte. 1, ch. 1; Moreuil, Manuel, int., pte. 1, ch. 1; Podio, Juridiction, int.; Steck, Essai sur les consuls; Bursotti, Guide des agents consulaires; Santos et Barretto, Traité du consulat; Halleck, ch. x, §§ 1, 2; Kent, Com., vol. I, § 41; Wildman, vol. I, pp. 130 et seq.; Pradier-Fodéré, Principe gén., pp. 542, 543; Garcia de la Vega, Guide, pp. 275 et seq.; Warden, Treatise on consuls; Mirus, Gesandtschaftrecht, §§ 375, 376; Neumann, Handbuch des Consularwens; Borel, Fonctions des consuls; Laferrière, Cours, t. I, pp. 317 et seq.; Cussy, Phases, pp. 37 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Consuls, § 1; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 382-387; Pradier-Fodéré, Vattel, t. I, pp. 622 et seq.; Silva Santisteban, Curso de derecho int., p. 122; Albertini, p. 202; B. Lawrence, Revue de droit int., t. X, p. 285; Hall. int. law, p. 268.

Définition,

Objet de l'institution consulaire.

complissement des décisions de leur souverain en matière de commerce et de navigation; de prêter secours et appui à leurs compatriotes;

2o D'exercer une certaine juridiction sur les sujets de leur propre pays pendant tout le temps de leur résidence en pays étranger;

3° De faciliter et de fournir à leur gouvernement les informations et les renseignements nécessaires pour assurer la prospérité de l'industrie, du commerce et de la navigation.

A côté de ces attributions générales, qui sont en quelque sorte inhérentes à la charge de consul, il en est d'autres qui sont accidentelles et dépendent soit des circonstances, soit d'instructions spéciales ou d'un mandat délégué ad hoc. Ainsi, bien qu'en principe les affaires contentieuses et les questions politiques ne soient pas à proprement dire du ressort des agents commerciaux, à la catégorie desquels appartiennent les consuls, il est évident que tout gouvernement a le droit absolu de régler, comme bon lui semble, les attributions des agents qu'il charge au dehors de traiter en son nom les questions internationales.

Personne ne conteste non plus qu'un Etat ne soit parfaitement libre de borner sa représentation, dans un pays, à des agents n'ayant aucun caractère diplomatique, de n'entretenir à poste fixe que de simples consuls, enfin de confier à des militaires, à des officiers de marine, à des magistrats, même à des particuliers, négociants ou autres, le soin de remplir à l'étranger une mission temporaire, de débattre toutes les questions réservées d'ordinaire aux seuls diplomates. Comment dès lors ne pas admettre qu'il puisse également, surtout en l'absence d'un agent diplomatique accrédité par lui dans le même pays, charger le consul qui y réside, comme chef supérieur d'un établissement consulaire, de traiter avec le gouvernement territorial toutes les questions litigieuses qui peuvent surgir à propos de ses nationaux, d'entamer à ce sujet toute espèce de correspondances, de formuler et de discuter des réclamations, de poursuivre la stricte exécution des traités, etc.? Contester sur ces différents points la compétence du consul, en alléguant le caractère diplomatique ou international de l'affaire à débattre, serait, suivant nous, porter atteinte à l'indépendance souveraine des Etats, se lancer dans des distinctions dont la subtilité échappe à toute discussion rationnelle, émettre des prétentions contraires aux vrais principes qui régissent la matière. La seule réserve à faire à cet égard, c'est que, d'une part, la nation à laquelle le consul appartient ne soit pas représentée dans le pays par un agent

de rang supérieur, investi d'un caractère diplomatique; d'autre part, que le consul soit toujours en mesure de justifier des instructions générales ou spéciales en vertu desquelles il agit, et qui, en droit comme en fait, sont pour lui, à l'égard des tiers, la source directe et véritable de sa compétence.

l'Angleterre.

§ 1372. Cette doctrine est celle que met en pratique l'Angleterre; Pratique de c'est du moins celle que lord John Russell, chef du Foreign office, soutint dans la discussion de l'affaire Canstatt avec le représentant du gouvernement paraguayen (1860):

« Quant aux assertions de M. Calvo sur l'incompétence de M. Henderson pour discuter une question diplomatique avec le gouvernement du Paraguay, disait-il, la seule observation qu'il y ait à faire, c'est que le gouvernement de Sa Majesté prétend avoir le droit incontestable de choisir ses organes de communication avec les autres gouvernements, et que, à défaut d'un ministre britannique accrédité près la République du Paraguay, le consul britannique était la seule personne à laquelle il incombat d'intervenir dans l'affaire de M. Canstatt, au nom du gouvernement britannique (1). » La plupart des publicistes sont loin d'adopter la doctrine de l'Angleterre.

M. Beach Lawrence soutient que les consuls ne sont pas, comme les agents diplomatiques, les représentants des Etats; il limite leur mission à procurer aux droits de leurs nationaux à l'étranger la protection qu'on leur accorde dans leur propre pays.

Beach

Lawrence.

Selon Riquelme, les consuls ne représentent auprès du gouver- Riquelme. nement du pays où ils résident que les intérêts individuels de leurs nationaux; ils peuvent s'adresser directement aux autorités locales lorsqu'il s'agit des intérêts d'un de leurs nationaux en particulier; mais, pour des questions touchant l'exécution générale des traités, ils ne peuvent s'adresser qu'à la légation ou au gouvernement de leur propre pays. Selon Geffcken, enfin, toutes les questions poli- Geffcken. tiques sont exclues des attributions consulaires *.

(1) Contre-mémorandum de lord John Russel du 10 octobre 1860. Archives diplomatiques, 1862, t. II, pp. 423-439.

* Mensch, Manuel, ch. 1, p. 7; Bello, pte. 1, cap. vII, § 1; Garden, Traité, t. I, p. 320; Martens, Guide, § 69; Heffter, § 247; Podio, Juridiction, t. I, tit. 1, ch. 1, p. 9; De Clercq et de Vallat, Guide, t. I, p. 1 ; Pradier-Fodéré, Principes généraux, p. 542; Riquelme, t. II, lib. II, cap. ad III, p. 492; Vergé, Précis de Martens, t. I, p. 382; Pradier-Fodéré, Vattel, t. I, p. 623; Silva Santisteban, Curso de derecho int., p. 123, Beach Lawrence, Revue de droit international, t. X, p. 289; Dudley-Field, Projet de Code, p. 60, § 159; Heffter-Geffcken, § 247.

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