Page images
PDF
EPUB

fait que céder aux démarches officieuses des autres consuls en faveur de leur collègue, lequel sollicitait lui-même la permission de partir pour Rome. Quoi qu'il en soit, le gouvernement pontifical usa de représailles à l'égard de l'Italic: il retira l'exequatur au consul sarde résidant à Rome et lui délivra ses passeports, en lui assignant un délai de quatre jours pour son départ.

Lorsque l'autorité territoriale se croit en droit de prendre des mesures de rigueur contre un consul étranger, les convenances aussi bien que la prudence lui font un devoir de distinguer si le délit qui lui est imputé est personnel, ou s'il a été commis dans l'exercice et à l'occasion de ses fonctions, c'est-à-dire en vertu d'ordres ou d'instructions de son gouvernement; dans cette seconde hypothèse, le délit échappe à l'appréciation de la juridiction territoriale et donne lieu à des transactions et à des arrangements diplomatiques.

§ 1392. C'est sans doute à ce point de vue qu'il faut envisager le différend survenu entre l'Angleterre et la France à propos du missionnaire Pritchard, consul anglais à Taïti, et le mode dont il a été réglé..

Lorsque, en 1843, l'amiral Dupetit-Thouars tenta de substituer à Taïti la souveraineté de la France au protectorat établi par le traité conclu le 9 septembre 1842 avec la reine Pomaré, M. Pritchard amena son pavillon de consul, annonçant qu'il cessait ses fonctions; que l'Angleterre ne reconnaîtrait pas le nouveau régime et enverrait bientôt ses navires au secours de la reine. Au moment où il s'embarquait dans un canot, pour se rendre à bord d'un batiment anglais en rade, il fut arrêté par ordre du commandant français, enfermé d'abord dans un blockhaus, avec interdiction de toute communication au dehors, puis finalement expulsé de l'îlc. Quoique ces mesures de rigueur fussent suffisamment justifiées en présence de l'effervescence excitée parmi les indigènes par les agissements du consul, qui excédait ainsi ostensiblement la sphère de ses attributions, cet incident causa en Angleterre une si vive émotion qu'on craignit un instant qu'il n'en résultât une guerre avec la France; mais la prudence des gouvernements réussit à détourner ce danger. Le gouvernement français consentit à accorder une indemnité pécuniaire, fixée d'un commun accord à 25,000 francs, à M. Pritchard, « en raison des dommages et des souffrances qu'avaient pu lui faire éprouver certaines circonstances qui avaient précédé son renvoi de l'île de Taïti ».

Il n'est pas hors de propos de faire observer que cette con

1843-44.

Affaire Pritebard,

Privilèges et immunités des consuls.

descendance du ministère Guizot fut sévèrement critiquée en France, où l'amour-propre public ne fut pas moins froissé que la morgue britannique ne s'était montrée blessée du traitement infligé au missionnaire consul. Celui-ci ne l'avait-il pas provoqué par sa conduite personnelle en dehors de ses fonctions officielles, et le péril qui en résultait pour l'occupation française n'imposait-il pas à l'amiral le devoir urgent d'en écarter l'instigateur?

Quoi qu'il en soit, le ministre jugea plus sage de satisfaire, moyennant une somme relativement insignifiante, à la cupidité d'un fonctionnaire étranger, illogiquement soutenu par son gouvernement, que d'entraîner son pays dans les hasards d'une guerre autrement devenue imminente.

Les consuls restent également soumis au paiement de tous les impôts, de toutes les contributions dont ils ne sont pas affranchis par les privilèges inhérents à leur charge ou stipulés conventionnellement *.

§ 1393. Les consuls, quoiqu'ils ne jouissent pas des prérogatives accordées par le droit des gens aux agents diplomatiques, ont droit, en raison de leurs fonctions et de leur caractère d'agents dûment nommés et reconnus d'un Etat étranger, à certains égards de courtoisie, à certaines exemptions d'obligations locales et politiques, auxquels ne peuvent prétendre les particuliers.

En sus des droits et des privilèges dont jouissent les consuls, conformément aux prescriptions générales du droit des gens, l'usage, dans quelques pays, en a ajouté d'autres analogues; mais, communément, le consul a droit à tous ceux qui étaient accordés à ses prédécesseurs, à moins qu'il n'ait été donné avis formel que ces privilèges n'appartiendront plus à ses fonctions.

Ces prérogatives et ces immunités varient suivant l'usage et les stipulations conventionnelles, indépendamment des principes du droit public général. Pour n'en citer qu'un exemple, nous mention

Vattel, Le droit, liv. II, ch. 11, § 34; Bynkershoek, De foro, cap. x, XIII;Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 1, § 22; Heffter, § 248;Phillimore,Com., vol. II, § 246; Westlake, § 139; Kent, Com., vol. I, §§ 44, 45; Wicquefort, L'ambassadeur, liv. I, § 5; Martens, Précis, § 148; Martens, Guide, §§ 69, 72; Garden, Traité, t. I, p. 323; Bluntschli, § 267; Bello, pte. 1, cap. VII, § 4; Riquelme, lib. II, cap. ad. ; Pradier-Fodéré, Principes généraux, pp. 543, 544; Halleck, ch. x, § 6; Wildmann, vol. I, p. 130; Dalloz, Répertoire, v. Consuls, § 1; Merlin, Répertoire, v. Etranger, § 11; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 382 et seq.; Pradier-Fodéré, Vattel, t. I, pp. 628, 629; Mémorial diplomatique, 1863, p. 293.

nerons la convention consulaire conclue en 1853 entre la France et les Etats-Unis, laquelle confère aux consuls des parties contractantes certains droits de juridiction et d'exemption que ne leur accorde pas le droit des gens. Mais ces stipulations conventionnelles ne lient que les Etats qui les contractent. On en peut dire autant des lois locales qui accordent des privilèges particuliers aux consuls; ces privilèges n'ont aucun effet au delà des limites de l'Etat qui les octroic, à moins qu'ils ne soient adoptés ou permis par les autres Etats.

§ 1394. La France, sauf stipulation contraire dans les traités, En France. attribue à ses consuls et reconnaît, par réciprocité, aux agents étrangers, un caractère public, qui tend à élargir le cercle de leurs immunités (1).

De cette attribution, elle fait résulter pour eux le droit à l'immunité personnelle, excepté dans le cas de crime, et l'exemption des charges nationales et municipales, quand ils ne possèdent pas de biens-fonds et n'exercent pas le commerce.

On leur reconnaît le droit de mettre sur la porte de leur maison les armes de leur nation et d'y arborer leur pavillon. Ils sont autorisés à communiquer directement avec les autorités judiciaires et administratives de leurs arrondissements respectifs; mais pour communiquer avec le ministre des affaires étrangères, ils ont besoin de recourir à l'entremise des chefs de la mission ou de l'établissement consulaire de leur pays. Ils ne peuvent être poursuivis devant les tribunaux pour les actes qu'ils font par ordre de leur

(1) Il y a quelques années, dans une affaire criminelle qui se jugeait à San Francisco, M. Dillon, consul de France, fut sommé de se rendre en personne à la Cour pour faire une déposition orale. Cet agent, invoquant la teneur littérale de la convention conclue le 23 février 1853 entre la France et les Etats-Unis, au sujet des privilèges consulaires, refusa de comparaître en justice; mais il offrit de faire une déposition écrite dans la forme qui serait jugée la plus solennelle. Le juge américain repoussa cette proposition, prétendant que la clause conventionnelle invoquée était nulle, comme violant l'article de la constitution qui ne permet à personne de se soustraire aux sommations de la justice et de refuser son témoignage oral. M. Dillon eut beau persister à se retrancher derrière les immunités de son caractère officiel, il fut arrêté et obligé par la force à comparaître devant la Cour. A la suite de la correspondance échangée à cette occasion entre le cabinet de Paris et celui de Washington, la France, sans abandonner le droit strict que donnait à ses agents le texte du traité de 1853, consentit néanmoins, pour empêcher à l'avenir tout conflit du même genre, à prescrire à ses consuls aux Etats-Unis de déférer aux comparutions personnelles qui pourraient leur être demandées par les Cours et tribunaux américains en matière criminelle.

Angleterre.

Amérique.

Portugal.

Autriche.

gouvernement et avec l'autorisation du gouvernement du pays où ils résident. Ils ont le droit de décliner la compétence des tribunaux dans les questions où leur qualité d'agents publics de leur gouvernement est mise en cause, à moins qu'ils n'appartiennent aux pays qui refusent le même avantage aux consuls de France.

Ils ne peuvent être contraints par corps, si ce n'est pour engagements de commerce. Ils sont seuls compétents pour connaître des crimes ou des délits commis à bord des navires de leur nation, dans les ports ou les rades, par un homme de l'équipage envers un autre, et, à plus forte raison, des crimes ou des délits commis en mer dans le cours d'une traversée. De plus, ils sont exempts de toute contribution personnelle et directe, de tout service personnel, du logement des gens de guerre; mais ils demeurent soumis aux taxes de consommation, de douane, d'octroi, de rentes et de péages, à moins qu'ils ne soient exemptés de ces dernières charges par les stipulations expresses d'un traité.

§ 1395. L'Angleterre, au contraire, dénie toute espèce d'avantage particulier et personnel aux consuls qu'elle admet dans ses ports; ce qui ne l'a pas empêchée, dans plus d'une occasion, de réclamer pour les siens le traitement de la nation la plus favorisée. Les règles de droit commun, qui servent de base à la législation anglaise, sont même d'une inflexibilité telle que l'on a vu, il y a un certain nombre d'années, saisir et vendre les archives du consulat général de France à Londres, comme gage de l'impôt mis à la charge du propriétaire de la maison louée pour le service de la chancellerie. A une époque plus récente, les agents du fisc britannique se sont un instant crus autorisés à soumettre à la charge de l'income tax le montant des droits que les agents étrangers perçoivent pour les actes notariés ou autres, qu'ils dressent dans l'intérieur de leur chancellerie, en leur qualité officielle.

§ 1396. Les Etats-Unis du Nord, et, à leur exemple, tous les Etats de l'Amérique du Sud sont d'accord pour ne reconnaître aucun caractère public aux consuls et ne leur accorder que des privilèges très restreints.

§ 1397. Par contre, la législation portugaisc les exempte des droits de douane, et même, dans certaines circonstances, elle leur a permis d'exercer le droit d'asile.

§ 1398. En Autriche, les consuls sont soumis à la juridiction locale, tant en matière civile qu'en matière criminelle; ils ne jouissent d'aucune espèce de privilège en dehors de l'exercice de leurs fonctions.

§ 1399. La loi espagnole (règlement royal du 1er février 1765; ordonnances du 8 mai 1827, du 17 juillet 1847 et du 17 novembre 1852) place les consuls sous la protection de l'autorité militaire, les exempte du logement des gens de guerre et de toutes charges personnelles et municipales, mais non des droits de douanc sur les objets qu'ils reçoivent de l'étranger; elle les affranchit de toute comparution en justice, même comme témoins toute déclaration qui leur est demandée doit être reçue à leur domicile.

Espagne.

§ 1400. En Allemagne, les consuls étrangers qui ne sont pas sujets Allemagne. prussiens sont assujettis à la juridiction civile; mais en matière criminelle ils sont, après l'instruction de la cause et l'emprisonnement, s'il y a lieu, remis à leur propre gouvernement pour être jugés conformément aux lois de leur pays. Ils sont exempts de tout scrvice personnel, des contributions directes et des logements militaires; mais ces privilèges ne s'appliquent qu'aux consuls envoyés.

§ 1401. Dans les Pays-Bas, les consuls étrangers sont également Pays-Bas. exemptés de toutes charges publiques et municipales autres que les impôts indirects; mais ces immunités n'existent qu'en faveur des consuls qui sont exclusivement fonctionnaires; la législation hollandaise comme celle de l'Allemagne (ordonnance du 5 juin 1822) n'en accorde aucune à ceux qui sont en même temps négociants.

§ 1402. La même distinction est établie par la loi danoise (25 avril 1821): les consuls qui ne sont ni régnicoles ni commerçants sont exempts de toute charge et de toute contribution personnelle, tandis que les autres rentrent, comme tous les étrangers, sous l'empire du droit commun.

§ 1403. En Russic, quoique aucune loi ne détermine leurs droits et leurs immunités, les consuls sont exempts de tout impôt et de tout service personnel; même ceux qui sont sujets russes le sont des fonctions municipales et de celles de membres des tribunaux de commerce et des conseils de tutelle. Ils ne sont pas astreints à l'obligation de se munir de permis de séjour; et à leur arrivée il leur est accordé une exemption de droits de douane de 2,000 francs pour les consuls généraux, et de 1,200 francs pour les simples consuls.

Danemark.

Russie. 7

Conclusion sur les privi

suls.

§ 1404. En tout état de choses, qu'on leur reconnaisse ou non un caractère public et diplomatique, il est positif que les consuls ont lèges des conun droit absolu à certains privilèges, à certaines immunités, sans lesquels il leur serait très difficile de remplir leur mandat. Ces privilèges ne touchent pas seulement à leurs personnes; ils s'étendent

« PreviousContinue »