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de toute charge et de tout service militaire lorsqu'ils sont sujets de l'Etat qu'ils représentent; ils affirment que la jurisprudence établic tend à appliquer le même privilège aux citoyens du pays dans lequel ils exercent leurs fonctions.

Mensch n'exempte les consuls de cette dernière catégorie que des services purement personnels de la localité, et veut qu'ils restent soumis à tous les autres, de quelque nature qu'ils soient.

Suivant nous, le principe soutenu par Garden est le meilleur guide pour résoudre toutes les difficultés qui peuvent se présenter à cet égard. Nous pensons que, même pour le consul qui est citoyen du pays où il réside, on doit tenir compte du caractère de ses fonctions pour déterminer les privilèges inhérents à son emploi.

Ainsi, par exemple, la charge de juré, qui peut obliger une personne à s'absenter pendant un certain temps et à se transporter à de grandes distances de l'endroit qu'elle habitc, est évidemment incompatible avec les obligations générales d'un consul. On peut en dire autant du service militaire, spécialement dans les pays où le caractère et la nature de ce service peuvent occasionner des déplacements plus fréquents et plus prolongés. Il faut d'ailleurs ne point perdre de vue que si, pour les nationaux revêtus du caractère de consuls étrangers, on n'admettait pas l'exemption des services dont nous parlons, une pente toute naturelle conduirait à faire peser sur eux certaines charges municipales tout aussi incompatibles avec le libre et complet exercice des fonctions consulaires.

Nous croyons également que, dans les pays où il existe des tribunaux de commerce, les consuls négociants, qu'ils soient étrangers ou nationaux, sont incompétents ratione personæ pour administrer la justice commerciale, et qu'ils doivent être mis en demeure d'opter entre leurs fonctions de consuls et leur mandat de juge. Par contre, nous ne pensons pas que les agents de cette même classe soient absolument fondés à repousser la charge de membre d'une chambre consultative de commerce. Il est du reste assez difficile de tracer à cet égard des règles bien nettes, les questions de compétence ou d'incompatibilité rentrant dans le domaine propre de la législation intérieure ou des usages particuliers de chaque pays.

Nous ferons encore remarquer en terminant que l'État qui par la remisc de l'exequatur autorise un de ses sujets à accepter les fonctions de consul étranger renonce tacitement par rapport à lui,

Mensch.

Les consuls étrangers aux Etats-Unis.

pour le temps qu'il remplira cet emploi, à quelques-uns des droits qu'il a sur ses autres sujets *.

§ 1420. La législation des États-Unis sur les privilèges et les immunités des consuls est conforme aux principes généraux du droit des gens.

L'article 9 du chapitre Ir de la constitution interdit à toute personne de cumuler, sans le consentement préalable du congrès, un emploi dépendant du gouvernement fédéral avec un autre emploi conféré par un gouvernement étranger.

L'article 2 du chapitre III accorde aux agents de nationalité étrangère le privilège de n'être assignés que devant les tribunaux fédéraux. Enfin la section 9 de l'Acte judiciaire confère à ces mêmes tribunaux, sauf certaines exceptions, la juridiction exclusive pour les demandes formées contre les consuls et les vice-consuls étrangers, même lorsqu'ils sont citoyens des États-Unis, ainsi que contre toutes les personnes placées sous leur dépendance. Ce principe de haute sagesse s'explique par le désir du gouvernement de l'Union de se réserver la connaissance directe de toutes les affaires qui touchent à des questions internationales: les tribunaux des divers États, lui ont fréquemment rendu hommage.

La convention consulaire signée le 23 février 1853 (1) entre la France et les États-Unis reconnaît aux consuls respectifs toutes les garanties exigées aujourd'hui par le droit des gens, en disposant que les uns et les autres jouiront de l'exemption des logements militaires, du service de l'armée ou de la garde civique, et des autres charges de même nature, ainsi que de toute contribution directe ou personnelle, fédéralc, de l'État ou municipale. Lorsque les consuls sont citoyens du pays dans lequel ils résident ou y acquièrent des biens-fonds ou d'autres établissements, la même convention décide qu'ils seront soumis aux mêmes contributions, aux mêmes impôts, et justiciables des mêmes tribunaux que les autres citoyens, à la seule exception des affaires du ressort de leurs fonctions officielles **.

Halleck, ch. x, §11; Garden, Traité, t. I, p 323; Horne, sect. 1, §13; Cushing, Opinions, v. VIII, p. 169; De Clercq et de Vallat, Guide, liv. I, ch. 1, § 4; Mensch, Manuel, pte. 1, ch. Iv; Martens, Guide, § 72; Riquelme, lib. II, cap. ad. III.

(1) De Clercq, t. VI, p. 295; Bulletin des lois, 1853, no 88.

**

Cushing, Opinions, vol. VI, p. 409; vol. VII, p. 22; vol. VIII, p. 169; Kent, Com., vol. I, §§ 42 et seq.; Halleck, ch. x, § 12; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 143; Constitution of the United States, art. 1, 3; United States statutes at large, v. I, pp. 77, 88, 272; vol. II, p. 82; vol. V;

§ 1421. Certains auteurs se sont appuyés sur le principe d'exterritorialité, dont ils dénient le bénéfice aux consuls, pour leur contester l'exercice de toute espèce de juridiction. Procéder ainsi, c'est donner aux mots une valeur qu'ils n'ont pas; car dans le langage international l'exterritorialité constitue un droit passif et non un droit actif; elle ne signifie pas autre chose que le privilège personnel acquis à l'agent diplomatique de n'être en aucun cas justiciable des tribunaux du pays où il représente son souverain.

Cette question, suivant nous, demande à être résolue d'après un tout autre ordre de considération.

L'application des lois aux espèces particulières, en d'autres termes le droit de juridiction, est un des attributs essentiels de la souveraineté et de l'indépendance nationales, qui n'admettent ni délégation en dehors des pouvoirs établis par la constitution politique de chaque État, ni exercice au delà des frontières de chaque pays (1). D'un autre côté, la juridiction n'existe qu'à la condition d'une sanction matérielle qui implique à la fois respect, obéissance, soumission de la part des justiciables et recours éventuel à une action répressive, c'est-à-dire aux agents de la force publique, pour surmonter les résistances individuelles et assurer l'exécution pratique des sentences judiciaires.

Enfin, s'il est vrai que les étrangers de passage ou fixés à l'étranger sont soumis aux lois politiques de leur pays et conservent le bénéfice de leur statut personnel, les principes généraux les moins contestés du droit des gens, les assujettissent directement, sans restriction aucune, à l'empire absolu des lois et des tribunaux territoriaux.

A ce point de vue, chez les nations civilisées, les consuls ne sont donc pas plus que les agents diplomatiques en position de prétendre en matière civile comme en matière criminelle au rôle de juge à l'égard de leurs nationaux.

Ajoutons qu'en fait ces attributions judiciaires ne sont de nos jours revendiquées ni reconnues nulle part, sauf dans les régions où le christianisme n'a pas encore pénétré et où l'institution consulaire a reçu conventionnellement des prérogatives spéciales d'un ordre tout à fait exceptionnel *.

p. 394; vol. VIII, pp. 44, 125, 230, 524; vol. X, pp. 397, 900, 944, 961, 992, 1150, 1154; vol. XI, p. 650; Peters, Reports, vol. VII, p. 276; Selden, Reports, vol. III, p. 576.

(1) Voir t. II, Droit de législation et de juridiction.

De Clercq et de Vallat, Guide, liv. VIII, ch. 1, sect. 1; Wicquefort,

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Juridiction arbitrale et de

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pays de

§ 1422. Si les consuls n'ont et ne peuvent avoir dans le leur résidence aucun des caractères du juge proprement dit, par contre les principes généraux du droit des gens, même en dehors de toute stipulation conventionnelle expresse, leur reconnaissent à l'égard de leurs nationaux quelques-uns des attributs du véritable magistrat. C'est ainsi qu'ils ont compétence pour régler à l'amiable, administrativement ou par la voie d'arbitrage volontaire, les différends qui surviennent entre négociants, navigateurs ou autres particuliers appartenant à leur pays; les démêlés entre capitaine et subrécargue ou entre capitaine et matelots pour raison de salaires, de nourriture ou autres; ils ont encore un droit de police intérieure sur les navires et les gens de mer de leur nation. En vue du libre exercice de ce dernier droit, un usage, devenu assez général pour pouvoir être considéré comme une règle internationale, les autorisc même à faire arrêter, par les agents territoriaux compétents, les capitaines ou les matelots délinquants, à réclamer les marins déserteurs et à faire séquestrer les navires, à moins que quelquc sujet du pays de leur résidence ne s'y trouve intéressé*.

Dans plusieurs traités, notamment dans ceux des États-Unis avec la France, l'Autriche, l'Allemagne, l'Italic, la Belgique, la Colombie, le San Salvador, le Pérou, les îles Hawaï, il est stipulé que les consuls dirigeront exclusivement les opérations relatives au sauvetage des navires de leurs nationaux naufragés dans le ressort de leurs consulats respectifs, et que les autorités locales n'interviendront que pour maintenir l'ordre, sauvegarder les droits des sauveteurs et faire observer les règlements concernant l'entrée et l'exportation de marchandises sauvées.

Dans les traités que nous avons cités, il est prescrit qu'à moins

L'ambassadeur, liv. I, § 5; Bynkershoek, De foro, cap. x ; Kent, Com., vol. I, §§ 42 et seq.; Martens, Guide, § 74; Santos et Barretto, Traite, t. I, p. 21; t. II, p. 52; Halleck, ch. x, § 14; Bello, pte. 1. cap. VII, § 2; Riquelme, lib. II, cap. ad III; Cushing, Opinions, vol. VII, p. 18; vol. VIII, p. 98; Dudley-Field, projet de Code, p. 67, § 172.

* De Clercq et de Vallat, Guide, liv. VIII, ch. 1; Mensch, Manuel, pte. 1, ch. IX, sect. 1; Phillimore, Com, vol. II, § 249; Vattel, Le Droit, liv. II, ch. 11, § 34; Martens, Précis, § 148; Martens, Guide, § 74; Heffter, § 247; Klüber, Droit, § 174; Garden, Traité, t. I, pp. 317 et seq.; Wicquefort, L'Ambassadeur, t. I, p. 133; Moreuil, Manuel, pte. 3, tit. 2; Kent, Com., vol. I, § 42; Bello, pte. 1, cap vii, § 2; Riquelme, lib. II, cap. ad. III; Pradier-Fodéré, Principes généraux, pp. 542, 543; Horne, sect. 1, § 13; Halleck, ch. x, § 13; Willman, vol. I, p. 138; Steck, Essai, p. 58; Vatin, Com., liv. I, tit. 9, § 12; Dalloz, Répertoire, v. Consuls; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 390, 391; Pradier-Fodéré, t. I, pp. 623, 624.

de stipulations contraires entre les armateurs, les chargeurs et les assureurs, les avaries éprouvées en mer par les navires des deux pays, soit qu'ils abordent volontairement au port, soit en relâche forcée, seront réglées par les consuls des pays respectifs. Cependant le recours à l'autorité locale compétente serait de droit dans le cas où des habitants du pays ou des citoyens d'une tierce nation seraient intéressés dans les avaries et ne pourraient s'entendre à l'amiable.

§ 1423. Les attributions spéciales inhérentes à la charge de consul, en d'autres termes la nature et l'étendue des pouvoirs et des attributions que chaque État confère à ses agents au point de vue purement administratif, ne rentrent pas directement dans le domaine du droit international. Ces pouvoirs et ces devoirs sont régis en principe par les lois ou les règlements particuliers du pays auquel le consul appartient ou dont il est le délégué, et ils sont sanctionnés dans la pratique soit par des clauses de traités, soit par des usages traditionnels, qui varient peu d'un pays à l'autre.

Pour nous en tenir aux attributions les plus essentielles, à celles qui caractérisent véritablement le mandat consulaire, nous dirons que les consuls sont généralement chargés :

1° De recevoir les contrats d'affrètement et d'assurances, les déclarations et les rapports de mer des capitaines; de délivrer ou de viser les papiers de bord des navires marchands; d'autoriser les emprunts à la grosse aventure; de dresser les procédures d'avaries et les règlements de comptes qui s'y rattachent; de recevoir les délaissements de navires pour cause d'innavigabilité; d'administrer les naufrages et de diriger les sauvetages des navires de leur nation; de rapatrier les marins naufragés ou délaissés à l'étranger; d'assister et de ramener dans leur pays les indigents de l'ordre civil, etc.

2o Dc procéder aux inventaires des biens et des effets délaissés par les nationaux qui décèdent dans la résidence consulaire; d'administrer et de liquider les successions conformément aux stipulations conventionnelles ou dans la mesure plus restreinte déterminée par les lois territoriales; d'aider de leurs conseils et de leurs bons offices leur compatriotes engagés dans des procès ou dont les intérêts peuvent être lésés;

3° De recevoir les actes notariés et de l'état civil de leurs nationaux ; de délivrer ou de viser les passeports, les patentes de santé, les certificats de vie et d'origine; de recevoir les dépôts; de légaliser les actes émanant des autorités territoriales qui doivent être

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