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en Allemagne, et le gouvernement impérial ne s'oppose pas à ce que des commissaires, nommés par des tribunaux des États-Unis se procurent des informations et fassent des enquêtes, pourvu que les personnes, qui ne sont pas des citoyens américains et qui fournissent ces informations, le fassent volontairement et soient protégées en le faisant.

« Tandis que la jurisprudence des États-Unis, que nous avons déjà exposée, permet à des commissaires d'agir indépendamment en recueillant des témoignages sous serment, cela, d'après le droit allemand et d'après les lois des différents États qui composent l'Empire allemand, appartient exclusivement à la juridiction des tribunaux de ces États.

<< Tel est la limite que ce fait légal met à l'action des commissaires américains en Allemagne ; il était du devoir du gouvernement impérial d'appeler là-dessus l'attention de la légation des États-Unis, après qu'il eut été informé de la nomination, par la Cour du district méridional de New-York, de commissaires chargés de constater certains faits en Allemagne, en recueillant des témoignages sous serment.

« En présence de la circonstance que, dans ce cas spécial, des consuls ont été nommés pour remplir ces fonctions de commissaires, le gouvernement impérial a cru de son devoir d'insister plus particulièrement sur ce point: que même le privilège exceptionnel accordé aux consuls des Etats-Unis, par le traité consulaire entre l'Allemagne et l'Amérique relativement à la prise de témoignages sous serment, est expressément limité aux individus appartenant à leur nationalité.

<«< Il ne saurait non plus y avoir ici de différence d'opinion sur la question de savoir si les pouvoirs et les devoirs conférés par les tribunaux américains à de tels commissaires, peuvent élargir la sphère d'action des consuls américains, telle que l'ont établie les traités, ou porter atteinte aux lois de notre pays.

«Par conséquent, notre objection ne porte pas autant sur la prise, par les consuls américains en leur capacité officielle, de témoignages sous serment, que sur la prise de témoignages par des commissaires américains dans les limites de l'Empire allemand; ce qui est incompatible avec la jurisprudence allemande.

« Rien n'est plus éloigné des intentions du gouvernement impérial que d'entraver la marche des honorables personnes nommées consuls par le pouvoir exécutif des Etats-Unis, et qui paraissent particulièrement aptes à exercer les fonctions de commissaires, ni

de leur rendre leur tâche plus difficile. Seulement, le gouvernement impérial a tenu à témoigner aux Etats-Unis la considération qu'il a pour eux, en empêchant les consuls américains d'exécuter, sur le territoire de l'Empire, les ordres qui leur sont donnés par des tribunaux américains. Nous avons appelé l'attention de la légation américaine sur le fait que les privilèges particuliers et exceptionnels accordés par les traités aux consuls américains, ne vont pas jusqu'à recueillir des témoignages sous serment, dans la latitude et de la manière que le comprend évidemment la commission nommée par la Cour de New-York.

« J'ai la satisfaction de dire que, par suite de nos déclarations à la légation des États-Unis, autant que j'en ai été informé, aucune époque n'a jamais été fixée dans l'affaire dont il s'agit par les commissaires nommés pour recueillir des témoignages sous serment sur les territoires de l'Empire.

« L'application à la tâche des commissaires américains, dans l'Empire allemand, de la restriction indiquée plus haut, n'empêche nullement de procéder aux interrogatoires sous serment nécessités par les intérêts d'une cause pendante devant les tribunaux américains.

<< Les tribunaux allemands, non moins que les tribunaux américains, reconnaissent, sous la sanction du droit allemand, le principe que les cours de justice de tous les pays sont tenues, les unes envers les autres, d'aider à l'exécution de la loi et à l'administration de la justice. Ils ont donc coutume de satisfaire avec empressement, sans obligation de traité à cet égard, aux requêtes présentées par des cours de justice étrangères, à l'effet de faire interroger sous serment certaines personnes désignées sur certains faits et certaines circonstances. Ces demandes, que nous nommons réquisitions », ont beaucoup d'analogie avec les « lettres rogatoires » en usage, en vertu du droit commun, en Angleterre et sanctionnées par les actes législatifs des Etats-Unis. Elles fournissent le moyen de mettre en harmonie, avec nos institutions et nos lois, le besoin que peuvent avoir de faire prendre des témoignages en Allemagne des tribunaux d'Amérique et des particuliers, partics à des procès judiciaires pendants devant ces tribunaux.

«

« De plus, la législation allemande permet que, dans les interrogatoires de témoins auxquels il est procédé de cette manière, les parties y soient représentées et leurs avocats libres d'exercer une juste influence en faisant poser les questions par les juges. C'est pourquoi, dans le cas présent, pendant devant la Cour du

district méridional de New-York, les tribunaux allemands respectifs dans la juridiction desquels habitent les personnes qui doivent être interrogées sous serment, satisferont sans aucun retard à toutes les réquisitions qui pourront leur être adressées par ladite cour américaine; et les commissaires américains ou les autres parties dùment autorisées seront libres de se présenter à toutes les époques fixées par les tribunaux compétents et de poser aux témoins, par l'entremise de juges respectifs, toutes les questions auxquelles il importe ou convient à la Cour de New-York, en vue de sa décision judiciaire, qu'il soit fait des réponses sous serment. »

Il résulte de cet échange de notes que le droit est reconnu par l'Empire allemand comme par les États-Unis de faire recueillir, en vertu d'ordres de leurs tribunaux respectifs, des témoignages sur le territoire de chacun d'eux, mais que, si les États-Unis ont pour usage de choisir de préférence leurs consuls pour leur confier de semblables missions, il ne s'ensuit pas que ces missions, d'ailleurs purement accidentelles et momentanées, ne constituent pas une partie des fonctions officielles de ces agents; enfin les personnes, consuls ou non, chargées de recueillir en Allemagne des témoignages dans les circonstances spécifiées ne peuvent procéder à l'exécution du mandat du tribunal étranger que sous la direction des tribunaux allemands, à la jurisprudence desquels ils doivent sc soumettre à cet égard.

§ 1426.D'après la loi française, les consuls, lorsque des commissions rogatoires leur sont adressées régulièrement par des juges ou d'autres autorités compétentes de leur pays, doivent procéder d'office et sans frais à leur exécution. A cet effet, ils assignent leurs nationaux qui doivent être entendus; et s'il est nécessaire de faire comparaître des étrangers, ils doivent employer auprès de l'autorité locale les moyens qu'ils croient les plus propres à décider ces étrangers à paraître devant eux. Dans les cas où les personnes ainsi assignées n'ont pas comparu, où des obstacles de force majeure ont empêché l'exécution d'une commission rogatoire, les consuls en rédigent un procès-verbal qu'ils adressent au ministère des affaires étrangères.

§ 1427. Les pays dont la législation attribue aux mariages le double caractère de licn et de contrat civil ou religieux peuvent bien conférer à leurs consuls le pouvoir de célébrer les mariages civils quand aucun des deux conjoints n'appartient à l'État sur le territoire duquel ils résident, et ces alliances ont la même validité légale que si elles avaient été conclucs dans le pays d'origine des

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parties; mais la rupture du lien ainsi formé constituant un acte essentiellement judiciaire, ces mêmes agents sont absolument incompétents pour la prononcer par voie de divorce ou de séparation de corps et de biens.

Des instructions personnelles émanant du département de l'État aux Etats-Unis et révisées en décembre 1874 règlent ce que les consuls ont à faire en matière de mariages:

<< Le statut n'autorise pas les consuls à célébrer des mariages; le mariage étant un contrat que chaque Etat règle pour lui-même par ses propres lois, il ne leur est permis aucun acte qui serait ou même semblerait être une violation des lois du pays où ils résident. De plus, comme les droits d'hérédité peuvent dépendre de la validité des mariages, il est recommandé aux consuls de s'assurer, quand leur présence est requise à un mariage projeté, que les parties peuvent légalement s'unir en mariage d'après les lois du pays où l'union doit se célébrer et que toutes les conditions prescrites par les lois pour la validité du mariage ont été remplies. Dans aucun cas, les consuls ne doivent procéder à la célébration sans y être autorisés par les lois du pays. La cérémonie peut avoir lieu en la présence du consul; mais elle doit être accomplie conformément aux lois locales. >>

Cette distinction du caractère juridique de l'acte à accomplir doit également servir de règle pour délimiter dans la pratique les attributions que les consuls peuvent ou non exercer au dehors en ce qui concerne le statut personnel et les intérêts civils de leurs nationaux. D'un autre côté, si les consuls ont pour mission de surveiller et de protéger avec le plus grand soin les droits comme les intérêts de leurs compatriotes, le mandat spécial dont ils sont investis à cet égard ne donne cependant à ces agents aucun pouvoir pour s'immiscer dans les instances régulièrement soumises aux tribunaux territoriaux. Le consul qui commettrait un semblable écart manquerait à tous ses devoirs et encourrait une juste punition. Tout ce qui lui est éventuellement permis de faire, c'est de s'assurer que les lois sont impartialement appliquées, et dans le cas contraire d'en donner avis à son gouvernement, qui peut seul apprécier s'il y a licu d'en faire le sujet de représentations ou d'explications amiables. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que, par une conduite ferme, mais modérée, soigneusement renfermée dans les limites de leur sphère d'action, en usant de l'influence personnelle qu'ils auront su conquérir auprès des autorités locales, les consuls parviendront toujours, sans faire d'éclat, à couvrir de leur égide les

justes droits de leurs nationaux ou au moins à faire adoucir en leur faveur la sévérité des lois*.

Attributions des consuls

pro

tecteurs de

§ 1428. Les consuls ont le droit d'élever des réclamations et même d'intenter une action dans les cas où il est porté atteinte aux comme intérêts de leurs nationaux, et sans qu'ils aient besoin d'y être leurs autorisés spécialement par les personnes pour le bénéfice desquelles ils agissent; mais ils ne peuvent recevoir aucune restitution sans une autorisation expresse des parties intéressées.

naux.

natio

Cas du consul général du

Paris.

1800.

§ 1429. En 1800, le consul général du Danemark à Paris présenta au Conseil des prises un mémoire à l'effet d'obtenir une garantie Danemark à pour le produit de la vente d'un navire danois qui avait été pris par des corsaires français. Ceux-ci s'opposèrent à l'intervention du Conseil des prises, en alléguant qu'un consul étranger reconnu par le gouvernement français ne pouvait pas intervenir dans les contestations particulières entre des Français et des négociants de sa nation.

Portalis, qui était alors commissaire du tribunal des prises, admit en principe que le consul du gouvernement danois était un agent politique; cependant, à ses yeux, la mission générale qui lui était accordée par son souverain de veiller aux intérêts des négociants de sa nation, et surtout à ceux qui se rattachent aux affaires de prises, ne suffisait pas pour constituer ce consul le fondé de pouvoir de chacun de ces négociants; cette mission était limitée aux bons offices d'un protecteur qui recommande. Mais on pourrait demander qui, si ce n'est le consul, défendra les négociants intéressés, quand, pour cause d'absence ou par suite d'autres circonstances il leur est impossible de se défendre eux-mêmes. Or n'y a-t-il pas en France près de toutes les administrations et de tous les tribunaux un ministère public, défenseur naturel de tous ceux qui n'en ont aucun? Le consul danois n'avait donc pas à s'alarmer. Il pouvait faire des recommandations, donner des instructions, protéger, en vertu de ses fonctions, les négociants de sa nation sans distinction; mais pour agir plus spécialement dans des contestations entre des négociants de sa nation et des Français, il devait avoir un pouvoir spécial des parties au nom desquelles il intervenait. Sa demande d'intervenir dans des contestations particulières ne devait donc pas lui être accordée; mais il pouvait fournir au commissaire du gou

Mensch, Manuel, pte. 1, ch. vi; Bello, pte. 1, cap. vII, §2; Phillimore, Com., vol. II, § 258; Martens, Guide, § 74; Moreuil, Manuel, pte. 3, tit. 2; Riquelme, lib. II, cap. ad. ; Pradier-Fodéré, Principes généraux, p. 543; Halleck, ch. x, § 17; Horne, sect. 1, § 13.

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