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Liberté

de passage.

M. Mason, alors représentant de l'Union, en France, demanda des explications. « Le gouvernement de l'empereur, répondit le ministre des affaires étrangères, M. Drouyn de Lhuys, n'a pas prétendu empêcher l'envoyé, qui traversait la France, d'aller à son poste pour s'acquitter de sa mission; mais il existe une différence entre un simple passage et le séjour d'un étranger dont, malheureusement, les antécédents ont éveillé l'attention des autorités chargées du maintien de l'ordre public en France. Si M. Soulé se rendait directement à Madrid, la route de France lui était ouverte; s'il se proposait de venir séjourner à Paris, ce privilège lui était refusé. Je devais donc le consulter sur ses intentions, et c'est lui qui ne m'en a pas donné le temps. N'ayant pas l'autorisation nécessaire pour représenter son pays d'adoption dans son pays natal, M. Soulé n'est pour nous qu'un simple particulier, et il se trouve sous le coup de la loi commune. » M. Drouyn de Lhuys allait trop loin, à notre avis, en considérant un ministre public en voyage comme un simple particulier; toutefois, M. Soulé ayant donné l'assurance que son intention était seulement de traverser la France pour se rendre à Madrid, le passage lui fut permis.

§ 1536. Le privilège du libre passage ne concerne que les nations en paix entre elles.

Le ministre d'un gouvernement ennemi ne peut toucher le territoire de l'autre belligérant, s'il n'est muni d'un sauf-conduit; autrement, il court le risque d'être arrêté. Toutefois, aucune raison. de droit n'autorise un belligérant à enlever l'agent diplomatique de son adversaire sur le territoire ou sur le navire d'une nation neutre.

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Aucun ministre public ne peut prétendre à la franchise des droits de douane pour faire passer par d'autres pays des bagages qu'il ne transporte pas avec lui. Ce qui se pratique à ce sujet, en vertu d'usages particuliers, par des égards de réciprocité ou par déférence de la part d'États secondaires, ne suffit pas pour établir l'existence d'un droit ou d'un usage général *.

* Vattel, Le droit, liv. IV, ch. VII, §§ 84, 85; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 1, § 20; Grotius, Le Droit, liv. II, ch. xvi, § 5; Bynkershoek, De foro, cap. IX, §7; Garden, Traité, t. II, pp. 212-214; Martens, Précis, §§ 246, 247; Martens, Guide, § 37; Phillimore, Com., vol. II, §§ 172-175; Twiss, Peace, § 205; Heffter, § 207; Klüber, Droit, §§ 176, 204; Wicquefort, L'ambassadeur, liv. I, § 29; Bello, pte. 3, cap. 1, § 3; Riquelme, lib. II, cap. ad 11; Fiore, t. II, p. 601; Zouch, De judice, ptc. 2, sect. 4, § 18; Mirus, Das europ., $365; Ompteda, Lit., p. 571; Halleck, ch. Ix, § 32; Wildman, vol. I, p. 119; Martens, Causes célèbres, t. I, pp. 173, 210, 285

et courriers.

§ 1537. On confie quelquefois le transport des dépêches diplo- Messagers matiques à des personnes de distinction, qui voyagent alors en courriers; mais, le plus généralement, on se sert de courriers proprement dits qui, dans plusieurs pays, portent un costume particulier et un écusson qui les font reconnaître comme tels.

Les immunités dont jouissent les ministres publics s'étendent aux messagers, aux courriers de cabinet, aux porteurs de dépêches officielles et généralement à toutes les personnes remplissant une mission quelconque pour le compte d'un ambassadeur. Seulement, pour leur assurer, dans leur voyage, les garanties, auxquelles elles ont droit, mettre leur caractère officiel à l'abri de tout soupçon, les exempter de toute visite de douane aux frontières qu'elles ont à traverser, il est de règle de les munir de passeports spéciaux, énonçant, en termes précis, la mission dont on les a chargés.

En cas de guerre, l'expédition des courriers diplomatiques appelés à traverser les territoires qui sont le théâtre des hostilités ne peut naturellement s'accomplir qu'à l'aide de sauf-conduits délivrés par les parties belligérantes.

§ 1538. Dans le courant de septembre 1870, après que les troupes allemandes curent investi Paris de manière à rendre la circulation absolument impossible sur une circonférence de plus de vingt lieucs, les principaux membres du corps diplomatique étranger accrédités en France allèrent s'établirent à Tours, siège de la délégation du gouvernement de la défense nationale; mais certains chefs de mission, au nombre de quinze, crurent devoir rester à Paris, et le nonce du Pape avait informé le ministre des affaires étrangères que les représentants du Saint-Siège, de la Suisse, de la Suède, du Danemark, de la Belgique, du Honduras et du Salvador, des Pays-Bas, du Brésil, du Portugal, des États-Unis, de Monaco, de Saint-Marin, d'Hawaï, de la République Dominicaine, de la Bolivie et du Pérou étaient résolus à ne pas s'éloigner de leurs postes, à condition toutefois qu'ils continueraient de jouir de la plénitude de leurs immunités.

Le ministre français, dans une dépêche du 24 septembre, donna l'assurance que le gouvernement ne négligerait aucune mesure pour garantir la sécurité des membres du corps diplomatique et qu'il se prêterait à toutes les combinaisons qui pourraient faciliter leurs communications diplomatiques. Dès le lendemain, M. Jules

Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sect. 5; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 172, 173; Pinheiro Ferreira, Suppl. au guide dip., pp. 118-121; Lawrence, Elém. by Wheaton, note 141; Pradier-Fodéré, Grotius, t. II, pp. 343, 344; Dudley-Field, Projet de Code, p. 53, § 136.

Les ministres étrangers

enfermés dans Paris pendant

la guerre de

1870.

Favre s'adressa au comte de Bismark à l'effet d'obtenir le départ hebdomadaire d'un courrier diplomatique, qui serait autorisé à se rendre avec ses dépêches jusqu'à un point où elles pourraient être confiées à un service postal.

Par une dépêche apportée à Paris le 30 octobre suivant, le comte de Bismark répondit « qu'il n'était pas admis en général par les usages de la guerre que les correspondances fussent autorisées à cntrer ou à sortir d'une forteresse assiégée; que cependant il était disposé à autoriser volontiers la sortie des lettres ouvertes émanant d'agents diplomatiques, en tant que leur contenu n'offrirait pas d'inconvénient sous le rapport militaire ».

Les membres du corps diplomatique enfermés dans la capitale adressèrent, le 6 octobre à M. le comte de Bismark, une protestation collective, dans laquelle ils déclaraient qu'ils se seraient fait un devoir, quant au contenu de leurs dépêches, de se conformer scrupuleusement aux obligations imposées pendant un siège aux agents diplomatiques par les règles et les usages du droit international, mais que leur position d'agents diplomatiques et leurs obligations envers leurs gouvernements ne leur permettaient pas d'accepter la condition de ne leur adresser que des dépêches ouvertes; car elle rendrait impossible aux représentants diplomatiques des États neutres d'entretenir des rapports officiels avec leurs gouvernements respectifs.

Le comte de Bismark répliqua que « si les membres du corps diplomatique s'étaient décidés à partager avec le gouvernement de la défense nationale les inconvénients inséparables du séjour dans une forteresse assiégée, ce n'était pas le gouvernement allemand qui devait en porter la responsabilité, et que, par rapport à leur correspondance extérieure, ils se trouveraient évidemment hors d'état de fournir une garantie suffisante pour les messagers qu'ils croiraient devoir employer et qu'on serait obligé de laisser passer et repasser à travers les lignes allemandes.

Le quartier général allemand admit une seule exception en faveur de M. Washburne, ministre des États-Unis à Paris, qui conserva jusqu'à la fin du siège le privilège d'expédier et de recevoir des valises fermées par la voie de Versailles. Cette exception s'explique par le fait que la protection des sujets et des intérêts allemands à Paris à la suite de la déclaration de guerre avait été confiée au ministre américain (1).

(1) J. Valfrey, Histoire de la diplomatie du gouvernement de la défense nationale, pte. 2, ch. v, p. 5,

des dépêches

étrangers.

§ 1539. Les droits et les prérogatives que la loi internationale Inviolabilité accorde aux ministres publics sont tellement étendus que ces agents, des ministres aussi longtemps qu'ils résident sur un territoire neutre, peuvent, afin d'entretenir les bonnes relations de cet Etat avec le leur, expédier des courriers et des dépêches par l'intermédiaire de navires neutres, et ces bâtiments doivent être respectés par la nation qui est en guerre avec celle que les agents représentent, tant en raison de leur pavillon que du privilège diplomatique dont les couvre la mission postale qu'ils remplissent. C'est là un principe universellement reconnu, et, de nos jours, il n'est pas un Etat civilisé, en Europe comme en Amérique, qui n'admette que la violation des dépêches d'un ministre public soit une infraction à la loi générale des nations.

Nous croyons superflu d'ajouter que le respect et le secret des correspondances diplomatiques découlent d'un principe d'ordre supérieur, qu'il n'est plus possible d'invoquer dès qu'il est prouvé que l'agent, manquant lui-même aux devoirs de sa charge, a conspiré contre l'Etat sur le territoire duquel il se trouve *.

§ 1540. Le ministre public n'a, à proprement parler, aucun droit de juridiction sur les personnes composant ce qu'on peut appeler le personnel officiel de la mission; pour en exercer unc, il faut qu'il ait reçu une délégation spéciale de son souverain; encore cette juridiction est-elle circonscrite dans des limites assez étroites. Voici à quoi elle se borne en matière criminelle en cas de crime ou de délit commis dans l'hôtel de la légation ou au dehors par une personne attachée à la mission, le ministre doit faire arrêter le prévenu, s'il se trouve dans l'hôtel, ou demander son extradition, s'il a été arrêté au dehors par les autorités locales; faire constater les faits et au besoin requérir à cet effet l'assistance des autorités de l'endroit; procéder aux actes d'instruction, notamment à l'interrogatoire des témoins appartenant au personnel officiel ou non officiel de la mission; livrer le prévenu aux autorités de l'Etat que représente le ministre, et faire exécuter les réquisitions de ces autorités.

Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 1, § 19; Vattel, Le droit, liv. IV, ch. Ix, § 223; Martens, Précis, § 250; Martens, Guide, § 26; Horne, sect. 4, § 37; Phillimore, Com., vol. II, § 190; Klüber, Droit, § 190; Riquelme, lib. II, cap. ad 1; Garden, Traite, t. II, pp. 22, 23; Halleck, ch. IX, § 10; Bielfeld, Inst. pol., t. II, pp. 73, 204; Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sect. 6; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 179, 180; Pinheiro Ferreira, Suppl., pp. 139, 141; Lawrence, Elem. by Wheaton, notes 138, 139; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, p. 323; Robinson, Adm. reports, vol. VI, pp. 441-466.

Juridiction du ministre

sur le personla mission.

nel officiel de

Personnel

non officiel.

Mais, en aucun cas, le ministre ne peut livrer une personne appartenant à sa mission aux autorités du pays où il réside. S'il s'agit d'un crime ou d'un délit commis dans l'intérieur de l'hôtel de la légation par ou sur quelqu'une des personnes de la mission et que le coupable ait été arrêté dans l'hôtel, le gouvernement près duquel le ministre est accrédité n'a pas le droit de demander son extradition. En tout cas, s'il n'appartient pas aux tribunaux du lieu où le crime ou le délit a été commis de prononcer un jugement contre le coupable, on ne saurait leur refuser d'en suivre l'instruction; car aucun privilège ne peut priver la partie offensée du droit de faire procéder aux informations sur les lieux, par les autorités locales auxquelles la loi commune en défère le pouvoir, et qui ont qualité pour faire comparaître toutes les personnes dont les dépositions seraient nécessaires à l'enquête, en tant que ces actes ne compromettent par réellement les intérêts politiques de la nation à laquelle appartient l'inculpé. Cette enquête est indispensable pour fournir au plaignant les moyens de justifier sa demande devant les autorités étrangères.

Si, pour cette instruction du procès, il est nécessaire d'interroger des personnes de la mission, il est d'usage de requérir l'agent diplomatique par l'intermédiaire du ministre des affaires étrangères, de faire comparaître devant les tribunaux les personnes appelées comme témoins, ou bien de charger l'agent lui-même de recevoir leurs dépositions en présence du secrétaire de la légation et de les remettre ensuite en due forme à l'autorité qui les requiert.

Dans tout ce qui regarde la juridiction contentieuse, civile et criminelle, si la sentence de l'agent devait être exécutée sur le territoire de l'Etat où il réside, les tribunaux ne pourraient être obligés de reconnaître cette sentence, si ce n'est dans les cas exceptionnels admis pour la reconnaissance des sentences prononcées par les tribunaux étrangers".

§ 1541. Il est nécessaire d'établir une distinction entre les personnes faisant partie de la mission, telles que les conseillers, les secrétaires et les attachés, qui forment le personnel officiel proprement dit, et les personnes qui composent le personnel non officiel c'est-à-dire les personnes de la maison privée du ministre, son secrétaire particulier, les officiers de l'hôtel, les domestiques, etc.

Martens, Guide, § 33; Heffter, § 216; Vattel, Le droit, liv. IV, ch. IX, § 122; Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 1, § 16; Twiss, Peace, § 202; Fiore, t. II, pp. 593 et seq.; Bello, pte. 3, cap. 1, § 3; Horne, sect. 3, §§ 25, 26: Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. IV, § 122.

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