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Choix entre deux stipulations.

Prise en con

sidération de

traités.

§ 1658. Si l'on se trouve en présence de plusieurs dispositions prohibitives, la préférence appartient forcément à celle qui, par un libellé plus explicite, par sa date ou par l'adjonction d'une pénalité plus forte, peut être considérée comme traduisant le mieux la pensée véritable de ceux qui l'ont adoptée.

Dans le cas où de deux obligations contractées envers le même État une seule peut être accomplie, le choix de l'engagement est en général laissé à la partie au profit de laquelle les obligations ont été souscrites; et s'il y a doute sur ses intentions ou sa volonté à cet égard, l'obligé est tenu de remplir l'engagement le plus important, comme étant celui dont vraisemblablement l'autre partie aura le plus d'intérêt à réclamer l'accomplissement.

Lorsque deux stipulations d'égale valeur sous certains rapports sont en conflit l'une avec l'autre, celle qui est le plus nettement précisée, qui a un caractère plus spécial, doit l'emporter sur celle qui ne particularise pas et qui conserve une portée plus générale. En effet, quand le législateur s'exprime dans un sens particulier, on doit présumer qu'il a intentionnellement voulu ne pas tenir compte des exemptions, des incidents, des circonstances purement fortuites.

Il faut enfin s'attacher aux clauses qui comportent une exécution immédiate ou rapprochée plutôt qu'à celles dont l'accomplissement n'est pas fixé à une époque déterminée et qui, réalisées intempestivement, sans qu'il y ait urgence, pourraient rendre inexécutables des engagements dont la valeur pratique s'affaiblirait par un ajournement inopportun.

§ 1659. La date des traités est souvent un critérium utile. De la date des deux traités avec un même peuple c'est le plus récent qui l'emporte; entre des peuples différents c'est le plus ancien. La contradiction que semble au premier abord impliquer cette antithèse n'est qu'apparente; en effet, dans le premier cas, les parties contractantes restant les mêmes, le traité signé en dernier lieu abroge virtuellement celui dont la conclusion est antérieure ; il n'en peut être de même dans le second cas, c'est-à-dire à l'égard d'une puissance tierce, parce que les principes du droit des gens s'opposent à ce que deux États fassent entre eux des traités qui rendraient impossible l'exécution de ceux qui les lient envers d'autres États; ces derniers conservent donc intacts les droits que leur ont conférés des conventions de date plus reculée.

Autorités

compétentes

§ 1660. En principe, l'interprétation des traités dérive du droit pour interpré de les conclure et appartient dès lors en propre et exclusivement au pouvoir exécutif de chaque État, qui, à l'égard de la puissance

ter les traités.

co-contractante comme pour les autorités administratives placées directement sous ses ordres immédiats, peut seul être appelé à donner aux engagements souscrits leur valeur et leur signification doctrinales. Mais si l'on se place sur le terrain pratique, celui des intérêts privés et de l'application aux espèces particulières qui peuvent se présenter, si l'on envisage les conventions internationales au point de vue du caractère de loi dont elles sont revêtues, il faut bien reconnaître que l'interprétation des traités doit, comme celle des actes législatifs ordinaires, rentrer dans la compétence de l'autorité judiciaire. Il y a même des pays, les États-Unis d'Amérique entre autres, dont le droit public interne sanctionne à cet égard des règles et une jurisprudence spéciales *.

A ce sujet, il n'est pas sans intérêt de citer la déclaration de principes renfermée dans le Message du Président des États-Unis par lequel ce chef d'État motivait son veto au bill antichinois:

« Une nation, dit le Président est justifiée à répudier les obligations imposées par un traité sculement quand elles sont en conflit avec des intérêts supérieurs. Même alors, tous les moyens raisonnables possibles pour modifier ou changer ces obligations par agrément mutuel doivent être épuisés avant de recourir au droit suprême de refuser de les remplir.

« Ces règles, ajoute le Président, ont gouverné les États-Unis. dans leurs relations passées avec les autres puissances, comme membre de la famille des nations. Je suis persuadé que, si le Congrès peut comprendre que cet acte viole la foi jurée envers la Chine, il s'accordera avec moi pour rejeter ce mode spécial de réglementer l'immigration chinoise, et pour en rechercher un autre qui répondra aux intentions du peuple des États-Unis sans contrevenir aux droits de la Chine. >>

des traités.

§ 1661. Les difficultés pratiques que soulève l'application des Modification traités ne se laissent pas toujours résoudre par voie d'entente purement verbale; leur importance peut exiger que, pour en prévenir le retour ou pour empêcher des complications plus graves, il faille recourir à une modificatien des textes et à la rédaction

Grotius, Le droit, liv. II, ch. xvI; Vattel, Le droit, liv. II, ch. xvII; Pufendorf, De jure, liv. V, ch. xII; Phillimore, Com., vol. II, §§ 64 et seq.; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. 11, § 17; Rutherforth, Ins., b. 2, ch. VII; Mably, Droit public, t. I, p. 59; Heffter, § 95; Fiore, t. II, pp. 38 et seq.; Klüber, Droit, §§ 163, 328; Pando, Derecho int., pp. 320 et seq.; Riquelme, t. I, pp. 192 et seq.; Wildman, vol. I, pp. 177 et seq.; Rayneval, Inst., t. II, pp. 115 et seq.; Garden, Traité, t. I, pp. 438, 439; Dalloz, Répertoire, v. Traité int., art. 1, §5; Hall, Int. law, p. 286.

Fin des traités. Extinction naturelle.

de clauses nouvelles qui fixent nettement et irrévocablement l'interprétation sur laquelle les parties sont parvenues à se mettre d'accord.

Suivant les circonstances et selon la nature et le nombre des clauses sur lesquelles ils portent, ces changements dans la teneur des traités se consacrent tantôt sous forme de procès-verbaux ou de déclarations interprétatives, tantôt sous celle d'articles additionnels au texte original, tantôt sous celle de conventions supplémentaires destinées non seulement à résoudre les doutes qui ont pu surgir sur la portée réelle de certaines stipulations, mais encore à réparer les erreurs ou à combler les lacunes qui ont pu échapper aux négociateurs.

§ 1662. Les traités prennent fin, soit naturellement, quand ils arrivent à leur terme ou quand leur but est atteint; soit violemment, quand ils sont rompus ou dénoncés avant leur échéance.

Les traités s'éteignent naturellement: 1° lorsque, ne comportant pas des engagements permanents, toutes les obligations instantanées ou successives qu'ils renferment ont été intégralement remplies; 2° par l'expiration du terme pour lequel ils ont été conclus; 3o par l'accomplissement de la condition résolutoire qu'ils ont prévue; 4° par une renonciation expresse de la partie intéresséc à leur maintien; 5° par l'anéantissement complet, fortuit et non prémédité de la chose qui forme l'objet de la convention; 6° par résiliation mutuelle et de commun accord entre les contractants, pourvu qu'un tiers n'ait pas acquis le droit de s'y opposer; 7° à moins de stipulation formellement contraire, par une déclaration de guerre, qui en suspend, quand elle n'en détruit pas entièrement les effets.

Les traités d'alliance, de secours et de subsides, de commerce et de navigation, en un mot toutes stipulations ayant exclusivement trait à des relations pacifiques ne peuvent être censées subsister du moment que ces relations sont devenus hostiles. Il n'est pas besoin d'une déclaration positive de guerre pour produire ce résultat. Lors des difficultés survenues entre la France et les États-Unis de 1798 à 1799, il n'y eut pas de déclaration publique de guerre; cependant les deux puissances furent regardées comme en état d'hostilité relativement l'une à l'autre et les traités existants comme rompus.

Les stipulations concernant des délimitations de frontières, l'occupation des propriétés, les dettes publiques, etc., et qui sont permanentes de leur nature, sont suspendues par la guerre; mais

elles revivent aussitôt que cessent les hostilités. Ainsi, les traités de 1793 et de 1794 entre l'Angleterre et les États-Unis, touchant les confiscations et les capacités des étrangers, avaient un caractère permanent, et la Cour suprême des États-Unis a jugé qu'ils n'avaient pas été abrogés par la guerre de 1812, quoique leur mise en vigueur eût été suspendue pendant la durée de cette

guerre.

Les stipulations qui ont trait aux prises maritimes, aux prisonniers de guerre, aux blocus, à la contrebande, etc., ne sont point altérées par une déclaration de guerre entre les parties contractantes; elles ne peuvent être annulées que par de nouveaux traités ou de la manière prescrite dans les traités mêmes.

Mais les obligations des traités, lors même que quelques-unes de leurs stipulations dans leur rédaction impliquent la perpétuité, expirent dans le cas où l'une des parties contractantes perd son existence comme État indépendant, ou dans le cas où sa constitution intérieure subit des changements de nature à rendre le traité inapplicable au nouvel état de choses.

§ 1663. Il y a lieu à résiliation amiable et mutuelle dans les cir- Résiliation. constances que nous avons indiquées comme justifiant un refus de ratification. La résiliation surgit encore lorsque l'une des parties a été lésée, que sa bonne foi a été surprise, qu'on a usé à son égard de violences ou de manœuvres illicites pour capter son consentement, enfin dans tous les cas de rescision prévus en matière de droit civil. La résiliation peut d'ailleurs être invoquée par les deux parties ou seulement par celle dont les droits ont été sacrifiés indùment, qui n'a pas été libre de débattre les charges imposées, qui n'avait pas capacité absolue pour contracter, ou dont la constitution intérieure se trouve avoir été violée.

§ 1664. Un traité est annulé de plein droit et perd jusqu'à son existence légale : 1o lorsqu'il est reconnu reposer sur une erreur matérielle quant à la substance même de l'affaire ou de l'objet en vue duquel il a été conclu; 2. lorsque son maintien ou sa mise à cxécution rencontre une impossibilité, absolue ou relative, que les parties devaient ou pouvaient prévoir au moment où elles ont souscrit leurs engagements.

§ 1665. Un traité peut finir avant le terme fixé pour sa durée, lorsqu'en dehors des motifs de modification et d'annulation que nous venons d'indiquer, l'une des parties refuse de tenir ses engagements et donne ainsi implicitement à l'autre partie le droit de s'en affranchir également. En thèse générale, si l'on considère la

Annulation.

Rupture

violente.

Prorogation.

Tacite reconduction.

convention comme un ensemble indivisible, il faut admettre qu'un semblable refus, ne portât-il que sur un seul point, rend caduc le traité tout entier, en vertu de l'axiome que le principal emporte l'accessoire.

La non-exécution peut d'ailleurs ne porter que sur une clause relativement secondaire et ne pas impliquer l'intention de se soustraire aux autres obligations qui découlent du traité. Dans ce cas, il n'y a pas nécessairement rupture complète et définitive, mais seulement matière à pourparlers et à négociations, en d'autres termes, un effet suspensif jusqu'à ce que les motifs de refus aient pu être appréciés en due forme. Du reste, la plupart des traités politiques prévoient le cas d'inobservation ou de violation partielle et renferment des réserves expresses pour une entente amiable, directe ou par l'entremise de médiateurs ou d'arbitres, avant tout recours à des actes hostiles (1) *.

§ 1666. Deux États souverains sont absolument libres d'assigner la durée qui leur convient aux engagements qu'ils souscrivent. Les avantages mutuels que leur a procurés un traité dès les premières années de sa mise en vigueur peuvent avoir fait ressortir l'utilité d'en prolonger les effets sans attendre son échéance; ou bien la certitude morale du bénéfice qui résultera d'un échange de concessions réciproques conduit les parties à décider qu'elles se considéreront comme liées tant que l'une d'elles n'aura pas manifesté l'intention contraire ou pour une seconde période de temps nettement déterminée à l'avance. Dans le premier cas, il y a prorogation: c'est un acte dont la forme et les termes varient beaucoup, mais qu'il est d'usage de consacrer par écrit avant l'expiration normale du traité auquel la prorogation s'applique.

§ 1667. Le second cas embrasse ce qu'on appelle le principe de tacite reconduction. Il se produit lorsqu'au moment même de la signature d'un traité conclu pour une période fixe, les parties sont expressément convenues par une clause ad hoc que, si dans l'année

(1) Traité de Westphalie, art. 17, § 5; traité d'Oliva, art. 35, § 2; traité de 1756 entre le Danemark et Gênes; traité de 1843 entre la France et l'Equateur; traité de Paris de 1856, art. 8.

Heffter, §§ 98, 99; Vattel, Le droit, liv. II, ch. XIII; Twiss, Peace, § 234; Martens, Précis, §§ 342, 344; Klüber, Droit, §§ 164, 165; Bello, pte. 1, cap. ix, § 3; Wildman, vol. I, pp. 175-177; Garden, Traité, t. I, pp. 439, 440; Rayneval, Inst., liv. III, ch. xxvi; Dalloz, Répertoire, v. Traité int., art. 1, § 6; Hall, Int. law, p. 290; Dudley-Field, Projet de Code, p. 87, § 202.

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