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<< La Colombie doit-elle, oui ou non, payer des indemnités au sieur Cerruti où à d'autres sujets italiens?

«<3° S'il résulte de ladite médiation que la Colombie doit payer des indemnités, le montant de ces indemnités, ainsi que les modalités, les termes et les garanties de paiement, formeront, sans appel ni réserve quelconque, l'objet d'un jugement arbitral, que les deux gouvernements conviennent dès aujourd'hui de déférer à une commission mixte, ainsi composée le représentant d'Italie à Bogota, un délégué du gouvernement colombien, le représentant d'Espagne à Bogota. Le travail de la commission mixte doit être achevé dans les six mois après la notification par le gouvernement espagnol de ses conclusions aux représentants des deux parties à Madrid. Cette même commission aurait à statuer, dans le cas où une contestation s'élèverait sur l'étendue des biens immeubles appartenant à M. Cerruti, lesquels, d'après l'article premier, devront lui être rendus dans toute l'extension qu'ils avaient au moment de la saisie.

«< 4° Sauf les conclusions, quelles qu'elles soient, de la médiation, il est expressément entendu que M. Cerruti ne pourra jamais être ultérieurement, ni d'aucune façon, molesté à raison de tout acte qu'il serait accusé d'avoir accompli jusqu'à la date du présent protocole.

5o Les rapports diplomatiques seront considérés comme repris dès le jour où le présent protocole sera approuvé par les deux gou

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Comme on le voit par ce qui précède, la médiation proposée ne porte que sur une partie du différend: celle relative aux réclamations d'intérêts privés. Quant à l'autre partie, celle qui a trait à l'offense faite à la Colombie par la violation de son territoire, le gouvernement italien ayant déclaré que la conduite des officiers de la marine ne pouvait être l'objet ni d'une médiation ni d'un arbitrage, le gouvernement colombien a déclaré, à son tour, qu'il s'en remettait à sa loyauté pour le jugement que l'autorité compétente en Italie prononcera sur les actes du capitaine commandant le Flavio Gioia, après avoir pris connaissance des documents sur lesquels la République fonde ses griefs contre cet officier de la marine royale italienne.

Le protocole a été approuvé le 14 août suivant par le gouvernement colombien, et le 24 du même mois par le gouvernement italien. Les rapports diplomatiques entre les deux pays, dont l'Italie avait pris l'initiative, il y avait un an à pareille date, ont été renoués.

Le gouvernement espagnol a chargé de la mission d'examiner les différends sur lesquels porte la médiation, son ministre d'État, M. Moret, assisté d'un commissaire, délégué par chacun des gouvernements intéressés.

Sa décision a été rendue le 26 janvier 1888; reconnaissant que les preuves fournies ne suffisent pas à démontrer que Cerruti ait pris part à la guerre civile, le médiateur déclare que Cerruti doit conserver ses droits et prérogatives d'étranger neutre ; qu'en outre de ses immeubles, les biens meubles qui lui avaient été confisqués doivent lui être restitués, avec indemnité pour ceux qui n'existeraient plus; qu'enfin il faut faire revivre l'état de choses préexistant aux mesures prises contre Cerruti par les autorités de Cauca. Le médiateur base en grande partie sa manière de voir sur les théories développées par le secrétaire même aux affaires étrangères de Colombie dans une lettre adressée le 27 juillet 1885 au président de l'Etat de Cauca, théories que l'arbitre déclare correctes et propres à impliquer le rétablissement de relations cordiales entre l'Italie et la Colombie (1).

Décision

de M. Moret. 1888.

Déclaration du congrès de

§ 1701. Le vingt-troisième protocole du congrès de Paris de 1856 se termine par le vou, qui n'ont pas hésité à exprimer au nom de Paris de 1856. leurs gouvernements les plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de l'Angleterre, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne et de la Turquie: « que les Etats entre lesquels s'élèverait un dissentiment sérieux, avant d'en appeler aux armes, eussent recours, en tant que les circonstances l'admettraient, aux bons offices d'une puissance amie ». Les plénipotentiaires ont de plus manifesté l'espoir que les gouvernements non représentés au congrès s'associeront à la pensée qui a inspiré ce vœu (2).

Ce protocole, comme on le voit, s'il ne renferme point de stipulations obligatoires, fournit aux puissances qui veulent l'invoquer un moyen digne et honorable d'éviter la guerre.

Se conformant aux principes émis dans ce document international, l'Angleterre, en 1870, alors que la guerre était imminente entre la France et la Prusse, s'adressa à ces deux pays pour les engager à soumettre leur différend à l'arbitrage d'une puissance amie avant de recourir aux armes. La France répondit qu'elle appréciait la valeur de la règle établie par le protocole; mais en

(1) Suplemento extraordinario al núm. 209 del Archivo diplomático y consular de España.

(2) De Clercq, t. VII, p. 84.

Étendue de la médiation.

Différend

entre le Ma

gae.

même temps, elle rappelait à l'Angleterre la réserve que celle-ci avait faite sur le même sujet dans les termes suivants : « que le vœu exprimé par le congrès ne saurait en aucun cas opposer des limites à la liberté d'appréciation qu'aucune puissance ne peut aliéner dans les questions qui touchent à sa dignité ». Elle expliquait en outre que, quelque disposée qu'elle pût être à accepter les bons offices d'une puissance amie, le refus du roi de Prusse de lui donner la garantie qu'elle était obligée de demander afin de prévenir des combinaisons dynastiques dangereuses pour sa sûreté et le soin de sa dignité, l'empêchait de suivre une autre ligne de conduite que celle qu'elle avait adoptée *.

§ 1702. La médiation peut embrasser toute espèce de questions internationales, même celles dans lesquelles l'une des parties revendique contre l'autre un droit d'une évidence incontestable et lutte contre des actes de mauvaise foi caractérisée, comme on l'a vu dans le différend qui divisa en 1844 le Maroc et l'Espagne.

§ 1703. Depuis de longues années déjà le gouvernement maroroc et l'Espa- cain, peu soucieux de remplir les engagements internationaux qui le liaient à l'Espagne, ne mettait aucun frein aux attaques à main armée que ses sujets de la province du Rif se permettaient contre la place de Ceuta. Toutes les plaintes adressées à ce sujet par la cour de Madrid à l'empereur du Maroc avaient été repoussées ou méconnues, et les relations des deux Etats étaient tellement tendues, avaient pris un tel caractère d'animosité qu'une guerre semblait imminente. Dans cet état de choses, les gouvernements de France et d'Angleterre offrirent de se constituer arbitres du différend. L'Espagne rejeta la proposition d'arbitrage, en alléguant que comme il ne s'agissait pas d'une question de principe douteuse, mais de points clairs et évidents, elle ne pouvait soumettre au jugement de nations étrangères les atteintes portées à sa dignité et à son honneur. La première offre fut alors modifiée, et les cabinets de Paris et de Londres, afin de prévenir un éclat dont ils redoutaient le contre-coup pour les intérêts de leur marine et de leur commerce respectifs, se bornèrent à proposer leur médiation, qui, ayant été finalement acceptée de part et d'autre, eut pour heureux résultat de rétablir pour quelque temps la bonne harmonie entre les deux Etats voisins.

Médiation

§ 1704. Les médiations motivées par les dissensions intérieures les dissensions d'un Etat se sont produites moins fréquemment que celles dont

motivée par

intérieures

d'un Etat.

Halleck, Int. law, nouvelle édition, t. I, p. 415.

nous venons de parler, et l'on comprend qu'en raison des grandes difficultés pratiques qu'elles soulèvent les Etats s'y prêtent moins volontiers: ainsi l'Angleterre a vu décliner ses offres de médiation en 1847 entre la reine de Portugal et les insurgés d'Oporto. En 1849, unie à la France, elle ne put non plus faire accepter son entremise officieuse entre le roi de Naples et les insurgés de la Sicile. Sept ans plus tard, en 1856, les deux mêmes puissances se plaignirent au gouvernement napolitain de la cruauté avec laquelle il traitait les sujets anglais et français impliqués dans les troubles politiques du pays et, leurs réclamations n'ayant pas été accueillies, elles se décidèrent à envoyer sur les lieux une escadre pour protéger leurs nationaux contre les abus de pouvoir dont ils étaient victimes. La Russie blâma cette conduite, cn se fondant sur ce qu'on tentait par ce moyen d'exercer une pression injuste sur l'administration intérieure d'un Etat souverain.

La guerre civile des Etats-Unis nord-américains donna lieu de la part des nations étrangères, notamment de la part du cabinet de Saint-Pétersbourg, à des offres de négociation, qui furent successivement repoussées par le gouvernement de Washington. La France, n'ayant pu déterminer la Russie et l'Angleterre à se joindre à elle pour tenter en commun un nouvel effort auprès des parties belligérantes, se décida à formuler une offre isolée de médiation; mais les Etats-Unis du nord la déclinèrent, comme ils avaient écarté celle du gouvernement russe *.

Caractère général de la

§ 1705. En principe, nous l'avons dit plus haut, la médiation n'est qu'un moyen de conciliation, un acheminement vers l'entente médiation. amiable des parties; mais l'acceptation de ses résultats n'est pas obligatoire et ne se laisse pas imposer. Il n'y a donc pas de médiation armée; ce terme implique une contradiction: une médiation soutenue par les armes devient une intervention. On peut dire seulement que quand les bons offices du médiateur ont été acceptés et ont fait entrevoir la possibilité d'une transaction

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Wheaton, Elém., pte. 2, ch. 1, § 13; Dana, Elem. by Wheaton,note 40; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 51; Garden, Traité, t. I, pp. 435. 436; Flassan, Hist., t. V, p. 78; t. VII, pp. 27, 297; Wildman, vol. I, pp. 52 et seq.; Amer. ann. register, 1830-1831, p. 146; United States laws, vol. VIII, pp. 282, 344; Waite, State papers, vol. IX, p. 223; Hansard, Parl. deb., vol. XXX, p. 526; v. XCII, pp. 306, 1291; vol. XCIII, pp. 417, 466; British and foreign State papers, vol. I, pp. 1521 et seq.; v. XI, pp. 772 et seq.; Ann. register, 1836, vol. 1, p. 327; 1847, p. 346; 1856, p. 234; Martens, Nouv. recueil, t. VI, p. 66; t. XV, p. 759; U. S. dip. corresp., 1863, vol. I; Le livre jaune, 1853; A. Franck, Journal des Débats, du 5 décembre 1878; Creacy, First Platform, § 403.

équitable, les deux parties, à moins de s'exposer au soupçon de mauvaise foi ou au reproche de persévérer dans des prétentions exagérées contraires à la justice, sont dans l'obligation morale de faire taire leurs ressentiments et d'accepter ce qu'un ami commun leur présente comme conciliant et sauvegardant tous les droits *.

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Arbitrage.
Définition.

Historique.

Temps anciens.

§ 1706. Un autre mode de règlement pacifique ou amiable des différends entre nations, c'est l'arbitrage.

Il y a arbitrage lorsque deux Etats, ne pouvant s'entendre entre eux pour vider un différend, déléguent d'un commun accord à une ou plusieurs autres puissances le soin de décider et de statuer comme juges en dernier ressort, par analogie à ce qui se fait entre particuliers pour affaires d'un caractère civil ou commercial.

§ 1707. Ce mode de régler les litiges remonte à l'origine même des peuples; mais l'arbitrage est bientôt sorti du terrain de la société civile pour exercer unc action salutaire sur les relations internationales, et il a passé par toutes les époques de l'histoire sans rien perdre de son importance et de son efficacité. Dès les temps les plus reculés, nous voyons les chefs des nations, des villes, se soumettre à la sentence de certains juges choisis [pour trancher leurs démêlés avec d'autres nations, avec d'autres villes, de la même manière que le faisaient les citoyens pour leurs contestations privées. Certaines institutions semblaient même faire du recours à l'arbitrage un usage consacré. Chez les Grecs un différend surgissait-il entre deux villes au sujet d'un dommage ou d'une injure,

Vattel, Le droit, liv. II, ch. xvIII, § 328; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. II, § 18; Martens, Précis, § 176; Phillimore, Com., vol. III, § 4; Twiss, War, §7; Galiani, Dei doveri, cap. Ix, p. 162; Hubner, De la saisie, t. I, pte. 1, ch. 11, § 11; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. vIII; Bello, pte. 1, cap. xi, § 1; Heffter, § 109; Klüber, Droit, § 160; Réal, Science, t. V, ch. III, sect. 8; Bielfeld, Inst. pol., t. II, ch. VIII, § 17; Halleck, ch. xII, § 5; Garden, Traité, t. I, pp. 435, 436; Bluntschli, § 485; Vergé, Précis de Martens, t.II, p. 21; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 167; A. Franck, Journal des Débats du 5 décembre 1878; Card, L'arbitrage international, p. 28 ; Nys, Le droit de la guerre et les précurseurs de Grotius, p. 27; Comte L. Kamarowsky, Le tribunal international, pp. 85 et seq.

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