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Considérants qui ont déter

du tiers arbitre.

liens lésés par les opérations militaires de la France à Sfax, principe qui établit que les gouvernements belligérants sont responsables « pour les abus de la force dans les opérations de guerre, qui ont occasionné des dommages inutiles aux neutres et à leurs biens ».

§ 1746. Ces considérants, dont suit l'énumération, établissaient miné l'arrêt que a L'opération des bâtiments de guerre chiliens dans le port de Pisagna, le 18 avril 1877, avait pour but de détruire les petites embarcations qui se trouvaient dans le port et qui servaient au commerce, et que ce but aurait pu être facilement atteint au moyen de quelques coups de canon tirés contre les embarcations ou au moyen d'une sommation adressée aux autorités locales;

«Que Pisagna est une ville ouverte, sans fortifications, sans artillerie ou autre moyen de défense sérieuse; que sa population, composée presque exclusivement de neutres, s'occupait entièrement de commerce: circonstance qui ne pouvait être ignorée du commandant des forces chiliennes ;

« Que la garnison péruvienne de cette ville consistait en quelques compagnies du bataillon Ayacucho, en un nombre restreint de gardes nationaux et en quelques hommes de police;

Que cette garnison, à l'approche de l'escadrille d'embarcations chiliennes envoyée dans la direction du port en complet attirail d'hostilité, et dont elle devait ignorer les intentions, a fait usage des armes pour repousser l'agression, en se portant à cet effet sur les deux points extrêmes de la ville et en dehors, sur ceux vers lesquels se dirigeaient les barques chiliennes ;

«Que la résistance faite par ladite garnison, à laquelle la population n'a pris part et qui ne pouvait constituer un obstacle sérieux à la destruction ou à la capture des embarcations de commerce, but de cette opération de guerre, a causé peu de dommage aux équipages chiliens; que, malgré cela, après que lesdites barques se furent retirées, les deux bâtiments de guerre chiliens, le cuirassé Blanco Encalada, et la corvette Chacabuco, ont, sans sommation, notification ou avis préalable, commencé le bombardement de cette place sans défense;

« Que, après une interruption du bombardement pendant une heure, plus ou moins, les deux susdits bâtements de guerre ont changé de position, en allant plus en dehors au nord, c'est-à-dire précisément en face de la partie habitée et commerçante de Pisagna et de là recommencèrent le bombardement qui a duré plusieurs heures, dirigé sur ladite partic habitée et commerçante de Pisagna,

dont le bombardement a eu pour résultat l'incendie et la destruction de la ville presque tout entière. Ces détails sont aussi constatés par un plan de Pisagna présenté par l'agent italien et lequel n'a pas été contredit par la partie adverse... >>

Puis l'arbitre, interprétant les principes de droit international applicable en l'espèce continue. Considérant que le bombardement des villes et des places ouvertes et non défendues n'est licite pour les belligérants qu'à moins qu'il ne soit entrepris par suite de nécessité de guerre absolue;

« Qu'est sans valeur la justification de cette opération de guerre, qui consiste à la présenter comme un juste châtiment mérité par les défenseurs de cette ville, parce que lesdits défenseurs, n'ayant reçu aucune sommation ou notification, n'ont fait que remplir leur devoir, selon les lois de la guerre, en repoussant l'agression d'un ennemi, qui armé et dans une attitude de guerre, s'était approché de terre jusqu'à une portée de fusil, et parce que de toute façon on ne devait pas faire retomber se châtiment sur une population commerçante inoffensive, paisible et désarmée, et composée en majeure partie de citoyens neutres;

« Que nulle nécessité de guerre ne justifiait l'omission de l'avis, au moyen duquel on aurait épargné la vie de plusieurs habitants, et les commerçants auraient pu mettre leurs marchandises en sûreté ;

Que, si les ncutres, habitant le territoire théâtre de la guerre, pouvaient compter sur la protection de leur existence et de leurs propriétés en vertu des devoirs généraux prescrits aux belligérants, ils le devaient encore davantage dans les circonstances actuelles, où le gouvernement chilien avait formellement et officiellement promis aux légations étrangères qu'il remplirait ce devoir international... »

En dernier lieu, l'arbitre invoque les précédents :

Que les principes du droit international moderne touchant le bombardement des places non défendues ou non fortifiées, et la responsabilité qui en résulte pour le gouvernement qui, pour des raisons de convenance ou pour tout autre motif, ne les respecte pas, ont été admis et soutenus aussi par le gouvernement chilien à l'occasion du bombardement de Valparaiso en 1866.

Ces maximes libérales et conformes au droit des gens étaient celles de la majorité de la commission, mais elles n'étaient point admises par le commissaire chilien, ministre des affaires étrangères de la République, qui avait jusque-là invariablement protesté contre

Théories du délégué chi

diction

avec

de l'arbitre

impérial.

toutes les sentences prononcées par l'arbitre brésilien contrairement aux intérêts du Chili. Dès l'abord, il sembla vouloir se départir des principes larges qui étaient la base des arrangements consentis par le Chili pour le règlement des réclamations étrangères.

§ 1747. Il soutint en effet que nul étranger n'avait le droit de lien en contra- se prévaloir de sa nationalité pour réclamer une indemnité, s'il les décisions n'avait pas quitté le Pérou au moment de la déclaration de guerre. Il prétendit en outre que le gouvernement chilien n'était pas en droit responsable des actes de vol, d'incendie, de pillage et autres analogues commis par des militaires agissant sans ordres de leurs chefs, et qu'il ne devait encourir d'autre responsabilité que celle des actes, qui, défendus par les lois de la guerre, auraient été ordonnés par les autorités constituées.

donnée allx

Commission.

Evidemment, si l'on refusait d'appliquer la convention aux destructions prescrites par les nécessités de la guerre, et aux violences individuelles dont les chefs déclinaient la responsabilité, il ne restait que bien peu d'actes qui pussent donner lieu à réparation. Il était en effet difficile de voir quelle catégorie de faits tomberait, dans ces conditions, sous la définition de l'article Ier, qui vise «<les réclamations motivées par les actes et opérations accomplis par les forces chiliennes de mer et de terre ».

Les commissions arbitrales rejetèrent le système de défense chilien et proclamèrent la responsabilité du gouvernement du Chili à raison d'actes illicites commis, soit par des militaires agissant isolément, soit par les troupes chiliennes obéissant aux ordres de leurs chefs, soit par les chefs eux-mêmes.

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Publicité A la suite de ces décisions, l'arbitre chilien fit dans la feuille décisions de la officielle et dans la feuille officieuse Los debates une violente critique de l'opinion de ses collègues. Cependant la procédure, d'après les articles 15, 17 et 18 de son règlement, ne devait pas être publique. Cette précaution de non-publicité avait été jugée indispensable, les Commissions ayant leur siège à Santiago, ville encore agitée par les émotions de la guerre.

A la suite de la publicité ainsi donnée aux décisions par l'arbitre chilien, les journaux du pays se livrèrent à de grandes violences de langage contre l'arbitre brésilien, M. Lopez Netto, qui quitta d'ailleurs le Chili au mois de février 1885, en donnant pour raison l'état de sa santé. Le 20 mai 1885, le gouvernement chilien était informé que l'Empereur du Brésil avait désigné le sénateur et conseiller d'État Lafayette Rodriguez Pereira pour présider les tribunaux arbitraux, en remplacement du conseiller Lopes Netto.

Les travaux de la commission ne furent repris que le 11 août sui

vant.

§ 1748. Dès ce moment les choses changent de face. Le nouveau tiers arbitre, pour juger les causes qu'il avait à trancher, à établi des formes de procédure et des règles de jurisprudence diamétralement contraires à celles de son prédécesseur. Elles peuvent se résumer dans ces trois propositions :

1° Tout bombardement est une opération légitime de guerre, qu'il ait lieu contre une ville ouverte ou contre une place fortifiée, dès qu'il y a eu un commencement de résistance, quelque faible que ce soit ;

2o Les gouvernements ne sont pas responsables des pillages, de la destruction de propriétés et des incendies causés par les soldats d'une armée, sans ordre de leurs chefs, et quand ceux-ci n'ont pu les éviter;

3° Ne sont pas admissibles dans les causes des réclamants les preuves qui auront été produites sans citation de la partie ad

verse.

L'application absolue de ces règles a cu pour résultat le rejet de presque toutes les réclamations, tout d'abord faute de preuves suffisantes ou produites dans les conditions exigées par l'arbitre souverain, en suite par l'interprétation particulière donnée aux faits sur lesquels elles étaient motivées.

pour

§ 1749. Dans des affaires où il s'agissait de réclamations saisic et destruction de bâtiments anglais, à Huanillos, à Pabellon de Pica et vers les hauteurs de Mollendo, par des navires de guerre du Chili, le tribunal arbitral anglo-chilien s'est déclaré incompétent, par les raisons suivantes :

Règles de jurisprudence

suivies par le impérial, La

nouvel arbitre

fayette.

Le tribunal anglo- chilien

se déclare in

compétent sur

des cas de saition de navi

sie et destruc

res

anglais

hors des côtes

du Chili et de

<«< Le tribunal, sans examiner ni apprécier les allégations de la Bolivic. droit et de fait présentées par l'une et l'autre partie en ce qui les concerne respectivement, parce que cette appréciation ne conduirait à rien pour la résolution adoptée dans l'espèce, et

• Considérant que le tribunal a été institué pour connaître et décider des réclamations pour dommages et préjudices résultant d'actes et d'opérations accomplis par les forces de terre et de mer de la République du Chili sur les territoires et les côtes du Pérou et de la Bolivie, ainsi qu'il est spécifié à l'article Ier de la convention, conclue entre le Chili et la Grande-Bretagne, le 4 janvier 1883;

<< Considérant que les actes et les opérations accomplis en mer ne se trouvent pas compris dans les actes et les opérations spécifiés audit article I de la convention, comme cela ressort clairement des

mots«< territoires et côtes »; car il est à noter que l'emploi du mot « côtes » exclut jusqu'aux mers territoriales;

« Considérant que les expressions dudit article premier: « opérations accomplies par les forces de mer » se trouvent subordonnées aux mots << territoires et côtes », et partant doivent s'entendre par rapport aux opérations accomplies par les forces navales contre les côtes, telles que bombardement de villes, de villages et de forts situés sur le littoral;

« Considérant que les pouvoirs du tribunal, relativement aux actes et aux opérations qui sont soumis à la décision, sont ceux qui découlent du texte dudit article premier de la convention;

<< Considérant que la compétence, qu'elle provienne de lois ou de traités, est toujours de droit strict et, partant, comporte seulement les facultés définies en termes exprès et celles dont l'exercice est virtuellement et nécessairement requis et qu'elle ne peut être étendue par voie d'interprétation, en dehors des termes qui la consacrent;

«< Considérant que les faits allégués par le réclamant comme base de sa demande, consistent, ainsi qu'il ressort de son mémoire et de la discussion contradictoire entre les deux parties, dans la saisie de barques et de leurs accessoires dans les eaux de Pabellon, de Pica et de Huanillos;

« Considérant que de tels actes ne peuvent être considérés comme pratiqués sur les côtes du Pérou, mais comme des opérations accomplies en dehors des côtes et sur la mer;

« Considérant, enfin, qu'en conséquence, de semblables actes échappent à la compétence du tribunal, par suite des termes dudit article premier (1) de la convention du 4 janvier 1883;

« Le tribunal, à l'unanimité des votes, se déclare incompétent, et laisse au réclamant le droit de se pourvoir ailleurs. >>

Les journaux chiliens reproduisant les décisions du tribunal arbitral, presque toutes favorables aux prétentions du gouvernement chilien, ajoutaient : En présence de ces déclarations, l'affaire des réclamants peut être considérée comme enterrée.

(1) Cet article premier des conventions est conçu en ces termes : «La Commission mixte accueillera les moyens probatoires ou d'investigation qui, d'après l'appréciation et le juste discernement de ses membres, pourront le mieux conduire à l'éclaircissement des faits controversés, et spécialement à la détermination de l'état et du caractère neutre du réclamant.

<< La Commission recevra également les allégations verbales ou écrites des deux gouvernements ou de leurs agents ou défenseurs respectifs. >>

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