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nommer le sur-arbitre; et s'ils ne tombaient pas d'accord, chacun devait en nommer un, et dans chaque cas litigieux le sort devait décider lequel de ces deux sur-arbitres fonctionnerait.

Siège du tribunal arbi

§ 1767. Reste encore un point à signaler pour l'organisation finale du tribunal arbitral, surtout lorsqu'il comprend un certain tral. nombre de membres : c'est le choix de l'endroit où il doit siéger, formalité subsidiaire, mais de quelque importance au point de vue de la possibilité d'une décision impartiale, à l'abri de toute influence. Ce choix est fixé ordinairement dans le compromis ou par convention ultérieure entre les parties.

Mode de

procéder des

§ 1768. Les arbitres, une fois nommés, forment, bien qu'ils ne tiennent leurs pouvoirs que des parties, un corps indépendant, un arbitres. véritable tribunal judiciaire. Ils ont le droit d'interpréter le compromis préalable intervenu entre les parties et par conséquent de prononcer sur leur propre compétence. Quand le compromis n'a rien prévu à ce sujet, le tribunal arbitral établit lui-même la procédure à suivre, les formes et les délais de la production des demandes des parties et des pièces à l'appui, de l'accomplissement des enquêtes nécessaires, en appliquant autant que possible les règles de la procédure ordinaire tantôt il admet les agents des parties à comparaître pour fournir des explications de vive voix et défendre les intérêts de leurs gouvernements; tantôt il se contente de la présentation de mémoires et de témoignages.

A défaut d'obligations nettement tracées dans l'acte de compromis, les arbitres pour l'exécution de leur mandat se guident d'après les règles tracées par le droit civil. Ainsi ils ne peuvent procéder séparément; ils doivent discuter et délibérer en commun, décider à la majorité; en cas de partage égal des voix, le sur-arbitre, s'il y en a un de nommé, a le vote prépondérant; et s'il n'y en a point, il y a lieu d'en nommer un; le choix, quand un accord préalable n'existe pas dans le sens contraire, appartient de plein droit aux parties, le droit international moderne n'admettant pas, même tacitement, le principe du droit romain qui autorisait les arbitres élus à nommer un tiers arbitre. Si les parties ne peuvent se mettre d'accord sur le choix de ce sur-arbitre, il ne saurait, en raison de l'équipollence des votes opposés, y avoir de décision, et l'arbitrage demeure sans effet.

Les arbitres constitués ont seuls le droit de prononcer, sauf toutefois le cas où un souverain ou chef d'Etat a été choisi pour arbitre. La faculté que l'usage accorde dans ce cas aux chefs d'Etat de faire prononcer la sentence par un tribunal de leur pays ou par des commissaires, est un inconvénient inévitable; mais ce n'est

Propositions amiables.

Fin de l'arbitrage.

pas, au point de vue juridique, une exception à la règle, par la raison qu'en droit, la sentence du tribunal ou du commissaire est rendue comme sentence du chef d'Etat au nom duquel elle est prononcée.

Lorsque le tribunal arbitral se compose de plusieurs membres, certains publicistes sont d'avis que l'absence d'un seul empêche toute délibération et toute décision valables, lors même que les autres arbitres seraient d'accord et formeraient la majorité, par la raison que l'absent aurait pu, par l'exposé de son opinion, modifier celle des autres. Cependant sir Robert Phillimore prétend que, si l'absence de l'un d'eux est le fait d'un parti pris ou d'une intrigue, les autres arbitres ont la faculté de continuer les procédures. Pour nous, nous pensons qu'en pareil cas, la preuve étant faite du mauvais vouloir de l'absent, il y aurait lieu de pourvoir à son remplacement, sinon de dissoudre le tribunal arbitral, comme on le ferait, si l'un des arbitres venait à mourir, à moins de dispositions spéciales prises dans le compromis originel en vue de telles éventualités.

En règle générale, les arbitres, pour prononcer leur sentence, doivent se conformer aux principes du droit international existant, en appliquant aux points internationaux en litige le droit international tel qu'il est établi entre les parties par les traités ou la coutume, et en seconde ligne, le droit international général; et aux points en litige d'une autre nature, de droit public ou de droit privé, le droit national qui paraît applicable d'après les préceptes du droit international. Nous devons faire remarquer que dans les questions de limites et de territoire, comme au surplus dans toutes les matières qui sont du domaine du droit des gens, le jus in re domine absolument, entraîne toujours et dans tous les cas le jus ad rem; les arbitres n'ont donc aucun compte à tenir de la possession, de la détention matérielle, si ce n'est dans la mesure où, par l'appréciation des circonstances qui l'ont amenée, elle peut servir à dégager la question de droit et de propriété.

§ 1769. Le tribunal arbitral peut, avant de rendre sa sentence et lorsqu'il le croit utile, faire aux parties des propositions équitables dans le but d'arriver à une transaction. En ce faisant, il n'outrepasse pas sa compétence; mais il est bien entendu qu'il agit en dehors de ses fonctions proprement dites, les transactions rentrant dans le domaine des solutions libres, amiables, tandis que les arbitrages ont un caractère essentiellement judiciaire. Si les parties repoussent ces propositions, le tribunal doit se prononcer sur la contestation soumise à son jugement, en faisant application des principes de droit. § 1770. L'arbitrage prend fin soit à l'expiration du délai stipulé

dans le compromis, soit par le décès ou l'empêchement de l'arbitre ou d'un des arbitres, quand il y en a plusieurs, soit par la conclusion entre les parties en cause d'un arrangement direct, soit enfin par le prononcé de la sentence.

Majorité nécessaire pour

§ 1771. Le jugement doit être rendu à la majorité des voix; s'il n'y avait pas de majorité, il n'y aurait pas de décision valable, et le jugement. l'arbitrage demeurerait sans résultat; c'est ce à quoi l'on obvie, lorsque les voix sont également divisées, par la nomination d'un sur-arbitre ayant vote prépondérant et faisant pencher la balance du côté où il se range.

Maintenant, pour rendre la sentence définitive, une majorité relative suffit-elle, ou faut-il la majorité absolue, y compris ou non le vote prépondérant d'un sur-arbitre ? C'est un point, selon nous, qui peut être prévu et réglé d'avance par le compromis, ou, s'il ne l'a été ainsi, résolu par les arbitres eux-mêmes; la majorité, quelle qu'elle soit, du moment qu'elle est formée, lie le tribunal tout entier et revêt la sentence qu'il prononce de son caractère obligatoire pour les parties, dont l'acte même de la soumission à l'arbitrage a créé la juridiction sur elles-mêmes.

Toutefois, quoique la sentence soit sans appel, les arbitres ne peuvent disposer d'aucun moyen pour contraindre les parties à s'y conformer; car il ne leur appartient pas d'ajouter à la sentence une clause pénale en cas de non-exécution.

§ 1772. On sait aussi que, comme dans le droit national de la plupart des pays, chaque fois que l'Etat, dans un procès avec un particulier, est condamné à certaines prestations, il faut une loi et un acte du pouvoir exécutif pour donner en fait efficacité au jugement; de même une sentence arbitrale ne peut devenir exécutoire que moyennant le concours formel du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif de l'Etat contre lequel la sentence a décidé. Alors le cas peut se présenter où ces deux pouvoirs refusent d'exécuter la sentence; dans ce cas, quel sera le devoir de l'Etat intéressé? Il n'y a pas lieu d'hésiter à répondre que ce non-accomplissement d'une formalité, qui lui est toute personnelle après tout, ne saurait le dégager à l'égard de l'autre partie envers laquelle il a contracté des obligations par le fait même de la soumission à l'arbitrage, et encore moins se soustraire aux conséquences de ce mode de règlement, c'est-à-dire aux prescriptions de la sentence rendue contre lui. La décision des arbitres a pour les parties les effets d'une transaction régulière; elle les oblige par les mêmes raisons et aux mêmes conditions que les traités; elles sont tenues de l'exécuter

Exécution du jugement.

Opinion de Bancroft Da

vis.

RolinJaequemyns.

comme elles feraient d'un traité par lequel elles régleraient leurs droits respectifs comme l'ont fait les arbitres.

§ 1773. Bien plus, la décision d'un tribunal international, dans la sphère de son autorité, ainsi que M. Bancroft Davis, dans ses Notes sur les Traités des États-Unis, le fait ressortir de la pratique constante des Etats, est concluante et définitive sans être susceptible d'un nouvel examen. Ce n'est donc pas, à proprement parler, une approbation, une ratification du jugement arbitral que le gouvernement de l'Etat condamné a à demander à son pouvoir législatif, mais plutôt, voire même uniquement, le vote des moyens d'accomplir les engagements que ce jugement lui impose; quant au pouvoir exécutif, sa tâche se borne à l'emploi de ces moyens dans le sens prescrit par le jugement.

Ce qui s'est passé au Parlement anglais à l'occasion de la sentence arbitrale rendue contre l'Angleterre dans son différend avec les Etats-Unis au sujet des « réclamations de l'Alabama » nous édifie suffisamment sur ce point. On sait que le membre du tribunal arbitral de Genève choisi par la reine d'Angleterre, sir Alexander Cockburn, refusa de signer la décision rendue par ses collègues le 14 septembre 1872, pour des raisons de dissentiment qu'il a exposées dans un document déposé sur le bureau du tribunal au moment du prononcé du jugement. Or, comme le fait observer M. Rolin-Jaequcmyns, « pour quiconque est au courant de l'opinion publique anglaise, il ne saurait être douteux que l'opinion négative de Sir Alexander Cockburn n'exprimât le sentiment de la majorité du Parlement et du peuple anglais ». Cependant, dans les débats parlementaires dont la sentence de Genève fut l'objet, il ne fut pas fait la moindre allusion au droit qu'aurait eu l'Angleterre d'en refuser l'exécution. Plusieurs orateurs, il est vrai, critiquèrent la conduite du gouvernement et les termes du compromis par lequel une pareille responsabilité avait pu être encourue; mais personne n'émit la pensée qu'on eût le droit de se soustraire à cette responsabilité. Les discussions portèrent exclusivement sur la diplomatie gouvernementale, mais nullement sur la valeur en droit ou en fait du jugement arbitral. En présence des critiques sur l'arrêt du tribunal de Genève, Sir Alexander Cockburn avait néanmoins exprimé l'espoir « que le peuple anglais l'accepterait avec la soumission et le respect qu'il devait à la décision d'un tribunal dont il avait consenti librement à accepter l'arrêt ». C'est ce qui eut lieu en effet le paiement de l'indemnité fut voté sans division par la chambre des Communes, et deux mois après, la reine, en pronon

çant la clôture de la session, remercia la chambre de la libéralité avec laquelle elle l'avait mise à même de satisfaire aux obligations qui lui avaient été imposées par la sentence arbitrale de Genève. § 1774. De ce que la sentence arbitrale est obligatoire sans appel, il ne faudrait pas tirer la conséquence absolue que les parties ne peuvent la combattre ; il est, au contraire, certains cas dans lesquels elles sont pleinement autorisées à refuser de l'accepter et de l'exécuter. Ces cas peuvent se résumer ainsi :

1° Si la sentence a été prononcée sans que les arbitres y aient été suffisamment autorisés, ou lorsqu'elle a statué en dehors ou au delà des termes du compromis. Comme exemple d'arbitrage de ce genre et dont les effets furent avec raison déclinés par les deux États qui l'avaient provoqué, nous citerons celui qui fut déféré au roi des Pays-Bas par le traité de 1827 pour qu'il prononçât en dernier ressort sur la question de limites qui divisait à cette époque l'Angleterre et les États-Unis. Au lieu de trancher dans sa sentence le véritable point en litige, ce souverain laissa la question de droit en suspens et se borna à suggérer une base d'arrangement entièrement nouvelle et hypothétique. Cette solution n'étant point entrée dans leurs prévisions et maintenant les choses dans le statu quo, les puissances intéressées la considérèrent comme non avenue et vidèrent entre elles leur différend par un accord amiable (traité du 9 août 1842) et l'adoption d'une ligne intermédiaire différente de celle que le roi des Pays-Bas avait tracée en 1831;

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2° Lorsqu'il est prouvé que ceux qui ont rendu la sentenc se trouvaient dans une situation d'incapacité légale ou morale, ab: ou relative, par exemple s'ils étaient liés par des engagements antérieurs ou avaient dans les conclusions formulées un intérêt direct ignoré des parties qui les avaient choisis;

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3° Lorsque les arbitres ou l'une des parties adverses n'ont pas agi de bonne foi: si l'on peut prouver, par exemple, que les arbitres se sont laissé corrompre ou acheter par l'une des parties. Heureusement il serait difficile de mentionner un cas d'arbitrage ayant ce caractère dans nos temps modernes: depuis le commencement du siècle quarante différends internationaux au moins ont été réglés par des arbitres, et nous ne sachions pas qu'il se soit élevé le plus léger soupçon que leurs jugements n'aient pas été entièrement impartiaux. Il faut remonter jusqu'au moyen-âge pour rencontrer des exemples de fraude et de corruption ainsi Pufendorf cite celui de l'empereur Maximilien et du doge de Venise soumettant leurs différends à l'arbitrage du pape Léon X, tandis que chacun

Cas dans lesquels les Etats peuvent cepter la sentrale,

refuser d'ac

tence arbi.

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