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Législation anglaise.

duleusement imitée; ceux qui ont fait usage d'une marque portant des indications propres à tromper l'acheteur sur la nature du produit; ceux qui ont sciemment vendu ou mis en vente un ou plusieurs produits revêtus d'une marque frauduleusement imitée ou portant des indications propres à tromper l'acheteur sur la nature du produit.

Les droits des étrangers sont exposés en termes précis par ces deux articles de la loi de 1857 :

« Art. 5. Les étrangers qui possèdent en France des établissements d'industrie ou de commerce jouissent pour les produits de leurs établissements du bénéfice de la présente loi, en remplissant les formalités qu'elle prescrit.

« Art. 6. — Les étrangers et les Français dont les établissements sont situés hors de France, jouissent également des bénéfices de la présente loi pour les produits de ces établissements, si dans les pays où ils sont situés des conventions diplomatiques ont établi lá réciprocité pour les marques françaises. »

Quant aux formalités dont parle l'article 5 de la loi, elles consistent principalement dans le dépôt des marques, soit au greffe du tribunal de commerce du lieu où l'étranger à son établissement commercial, s'il est établi en France; soit, dans le cas d'un étranger ou même d'un Français n'ayant aucun établissement en France, au greffe du tribunal de commerce de la Scine.

§ 1159. En Angleterre, antérieurement à l'année 1876, la propriété des marques de fabrique s'établissait au moyen d'une inscription facultative au Stationers' Hall de Londres (secrétariat de la librairie). A ce mode, une loi mise en vigueur à partir du 1o janvier 1876 a substitué un enregistrement des marques de fabrique, telles qu'elles sont définics par la loi, et des noms de leurs propriétaires dans un registre tenu sous le contrôle des commissionners of patents (commissaires pour les brevets).

Toute marque de fabrique doit être déclarée comme appartenant à une marchandise spéciale ou à une catégorie particulière de marchandises, etc.

Aux termes de la clause 16 de la loi, sont considérés comme marques de fabrique le nom d'un individu ou d'une raison sociale imprimé, gravé ou tissé d'une manière particulière et distinctive; la signature écrite d'un individu ou d'une raison sociale; une devisc distinctive, une marque, un en-tête, une étiquette; une ou plusieurs lettres, figures ou mots spéciaux ou distinctifs, ou une combinaison de lettres, de mots ou de figures. Le statut confère à

chacun le droit de faire enregistrer les marques qui présentent ces

caractères.

D'après la jurisprudence anglaise, pour qu'il y ait atteinté aux droits du propriétaire d'une marque de fabrique, l'imitation exacte de la marque n'est pas nécessaire; il suffit que la couleur, la formé extérieure, les inscriptions aient été copiécs de manière à tromper le public et dans le but de faire naître une confusion sur l'origine du produit.

§ 1160. La même règle paraît adoptée par la jurisprudence amé ricaine. Ainsi nous voyons la Cour suprême de New-York au mois de janvier 1878 donner raison au demandeur dans les circonstances suivantes :

§ 1161. MM. Enoch Morgan fils et Cie fabriquent depuis longues années, sous le nom de sapolia, un savon dont chaque pain est enveloppé dans deux enveloppes, l'une en feuille d'étain et l'autre en papier bleu, sur lesquelles est imprimé le nom du savon avec divers mots ou dessins. M. Swachhofer avait mis en vente un savon qu'il appelait saphia, mais qu'il enveloppait pareillement de papier bleu et d'étain. La Cour, constatant que les enveloppes du saphia, bien que portant des mots et des dessins différents de celles du sapolia, présentaient avec celles-ci une ressemblance générale de nature à faire croire au public que le savon saphia était produit par le fabricant du savon sapolia, a interdit au défendeur l'emploi d'enveloppés d'étain et de papier bleu pour la vente de ses savons.

§ 1162. Mais une question plus grave est soulevée aux États-Unis relativement à la législation régissant les marques de fabrique. Certaines cours de justice contestent, dénient même absolument au gouvernement fédéral le droit de prendre des engagements en pareille matière, et au Congrès, agissant dans ses limites constitutionnelles, de légiférer pour faire exécuter les obligations fixées par traités. Ainsi au mois de novembre 1878, le juge Dyer, de la Cour de circuit des États-Unis, a rendu dans le Wisconsin, avec l'adhésion du juge Harlan, de la Cour suprême, un jugement déclarant que les statuts des États-Unis sur les marques de fabrique ne sont pas autorisés par la constitution et ne peuvent par conséquent avoir force de loi. Ce jugement a naturellement jeté l'alarıne parmi les négociants, qui ont voulu savoir à quoi s'en tenir et faire fixer définitivement la législation. Dans ce but, deux cas d'épreuve ont êté soumis, par l'intermédiaire des Cours de circuit de New-York et de Cincinnati, à la Cour suprême des États-Unis, qui s'est en dernier lieu prononcée contre la validité de la lơi.

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Conflit international.

La Cour suprême reconnaît que le Congrès a le pouvoir de réglementer le commerce aussi bien avec les nations étrangères qu'en ce qui concerne les relations des États entre eux ; qu'il a aussi le pouvoir de passer des lois pour favoriser le progrès des sciences et des arts utiles en garantissant aux auteurs et aux inventeurs pendant un temps limité le droit exclusif à leurs écrits ou à leurs découvertes. Or la Cour est d'avis qu'une marque de fabrique ne saurait être considérée comme une invention ou une découverte tombant sous l'application de la loi des brevets, et non plus comme un écrit ou un produit de l'esprit dans le sens de la législation qui établit le droit de propriété d'auteur : d'où il suit que la clause de la constitution qui donne au Congrès le pouvoir de faire des lois pour la protection des auteurs n'est pas applicable aux marques de commerce ou de fabrique.

§ 1163. Mais ici se présente la question internationale, et sur celle-là le tribunal fédéral ne s'est pas prononcé aussi explicitement. Le gouvernement des États-Unis a conclu avec les puissances étrangères des conventions ayant pour objet spécial la protection réciproque des marques de fabrique des industricls de chaque pays, et l'on ne saurait lui contester le droit de passer de semblables traités, pas plus qu'au Congrès celui de faire des lois pour en assurer l'exécution. Il existe entre autres un traité de ce genre signé avec la France en 1869, et un plus récent signé avec l'Angleterre en 1877. La nouvelle jurisprudence inaugurée par la Cour suprême invalide-t-elle ces stipulations internationales? Il n'y a pas lieu de le croire. Les traités consentis par le gouvernement des États-Unis et ratifiés par le Congrès sont obligatoires pour l'Union dont ils sont devenus, en vertu de la constitution même, la loi suprême du pays, et il n'y a pas apparence que la légalité des conséquences qu'ils entraînent puisse être mise en question. C'est ce qui d'ailleurs ressort clairement de la réserve, que la Cour suprême ajoute à l'énoncé de sa décision qu'« elle désire que cette décision soit comprise comme laissant intacte dans son intégrité la question du pouvoir qu'a le gouvernement général de conclure des traités concernant les marques de fabrique, et du devoir qu'a le Congrès de passer toutes les lois nécessaires pour mettre ces traités à exécution ».

Il est donc entendu que l'arrêt de la Cour fédérale ne s'applique pas aux marques de fabrique étrangères, lesquelles se trouvent protégées par les traités; il vise uniquement les marques de fabrique américaines, que la loi de 1879 a prétendu garantir. C'est affaire d'administration intérieure, affaire des Etats entre eux. La

Cour a jugé que le droit de protéger les marques des industriels. américains contre toute contrefaçon aux Etats-Unis n'est pas au nombre des pouvoirs que la constitution confère au gouvernement fédéral; mais elle n'a pas dit que ce gouvernement ne pourra ni conclure des traités concernant cette matière et en assurer ensuite l'exécution, ni faire une loi générale applicable dans l'espèce et dans une certaine mesure à tous les Etats, elle a au contraire écarté ces deux points qui n'étaient pas en cause; elle ne regarde comme inconstitutionnel que le système général d'enregistrement prescrit par la loi fédérale et applicable partout à tous pour toutes les marques de commerce.

Les industriels américains qui ont, conformément aux dispositions de cette loi, déposé leurs marques de fabrique au Patent office à Washington afin d'obtenir la protection du gouvernement fédéral, ne sont pas pour cela privés de recours contre les contrefacteurs. Ils se trouvent simplement dans la situation où ils étaient avant le vote de la loi fédérale, qui date seulement de 1870, c'est-à-dire que c'est aux lois particulières des Etats et non à celles de l'Union qu'ils auront à demander protection contre la contrefaçon. Chaque Etat possède en effet des lois qui punissent la contrefaçon et sont journellement appliquées; celles de l'Etat de New-York notamment sont très sévères.

Quoi qu'il en soit, les inquiétudes du commerce étranger ont été surexcitées, dans la crainte que la déclaration de l'inconstitutionnalité de la loi de 1870 n'entraîne virtuellement l'annulation de toutes les conséquences de cette loi même sur le terrain international; aussi des pétitions ont-elles été adressées de plusieurs centres commerciaux au gouvernement des Etats-Unis pour réclamer la misc à exécution des traités conclus avec les puissances étrangères, en vue de la protection des marques de fabrique et de commerce, parmi lesquels nous mentionnerons notamment celui avec la Russie datant de 1868, celui de 1869 avec la France, de 1870 avec l'Allemagne, de 1872 avec l'Autriche-Hongrie, et de 1875 avec la Belgique.

Le cabinet de Washington paraît avoir compris la responsabilité que la situation lui impose: il devait prochainement demander au Congrès une législation nouvelle destinée à lui fournir les moyens de rassurer les nations étrangères et en même temps de maintenir la protection des produits américains dans les autres pays. Des représailles seraient à craindre, en effet, si ces traités étaient infirmés par suite de l'annulation de la loi de 1870 en France, par

Législation belge.

Législation suisse.

exemple, une action en matière de fabrique des Etats-Unis serait repoussée par les tribunaux pour le motif que les Cours américaines ont déclaré la loi inconstitutionnelle et que, comme un citoyen français serait dès lors sans protection aux Etats-Unis, un Américain ne pourrait rien réclamer en France à titre de réciprocité.

Depuis lors, il a été jusqu'à un certain point porté remède aux inconvénients résultant de la déclaration d'inconstitutionalité des lois fédérales concernant les marques de commerce et de fabrique. Une loi a été votée le 3 mars 1881, qui garantit la propriété des marques et déclare les peines prononcées par les lois particulières des Etats de l'Union applicables aux cas de contrefaçon et d'usurpation.

§ 1164. La législation belge sur les marques de fabrique et de commerce a subi récemment d'importantes réformes.

Une nouvelle loi, promulguée le 1er avril 1879, considère comme marque tout signe servant à distinguer les produits d'une industrie ou les objets d'un commerce.

Aux termes de l'article 2, personne ne peut prétendre à l'usage exclusif d'une marque avant d'en avoir déposé le cliché et le modèle en triple exemplaire; le cliché et l'un des modèles déposés sont ensuite transmis à l'administration centrale, qui fait publier la description et le dessin dans un recueil spécial.

L'article 19 consacre une disposition nouvelle en matière de propriété industrielle: il donne au gouvernement la faculté d'autoriser le dépôt de marques dans les consulats belges établis à l'étranger : ce qui diminuera notablement les frais qu'occasionnerait le dépôt prescrit à la fois à Bruxelles et dans la capitale du pays habité par l'étranger.

L'article 6 étend le bénéfice de la loi aux étrangers qui exploitent des établissements d'industrie ou de commerce en Belgique, où ils sont désormais protégés comme les Belges eux-mêmes.

§ 1165. La Suisse, jusqu'à la fin de l'année 1879, ne possédait pas, sauf dans trois ou quatre cantons, de loi sur les marques de fabrique. Ce n'est que dans sa session du mois de décembre 1879 que l'Assemblée fédérale a voté une loi qui est entrée en vigueur le 16 avril 1880.

On a, de prime abord, comme aux Etats-Unis, disputé à l'Assemblée fédérale le droit de légiférer en pareille matière; mais le principe de la protection, dont l'urgence était généralement reconnue, n'étant contesté par personne, l'adoption de la loi n'a donné

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