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Capture du

Comte-de

Thomar.

manité, dont on fait parade dans toutes ces circonstances, n'est

donc qu'un vain prétexte. »

1848. § 1840. Quoi qu'il en soit, ce blocus a créé un précédent jurinavire le dique d'une grande importance par la décision qui intervint à propos de la prise du navire brésilien le Comte-de-Thomar, capturé pour avoir voulu franchir la croisière établie devant le port de Buenos-Aires. L'instruction à laquelle l'affaire fut soumise ayant démontré que le capitaine n'avait reçu aucune signification ou notification officielle du blocus qu'on l'accusait d'avoir violé, le navire fut relâché et l'on se borna à confisquer la partie de son chargement qui se composait d'articles de contrebande de guerre. Saisi de cette sentence par voie d'appel, le conseil d'Etat invalida la saisie et ordonna la restitution de la totalité du chargement, auquel, en l'absence d'une déclaration formelle de guerre, il refusa ainsi d'appliquer la qualification que lui avaient à tort donnée les premiers juges.

1850.

Blocus des

Grèce par

§ 1841. En 1850, l'Angleterre recourut de nouveau au blocus ports de la pacifique, pour appuyer ses réclamations. Elle ferma les ports de la l'Angleterre. Grèce et saisit les bâtiments de guerre et de commerce grecs qui tombèrent sous sa main. Il s'agissait d'obtenir du gouvernement hellénique réparation d'une prétendue insulte faite au mois de janvier 1848, à l'équipage d'une chaloupe appartenant au navire anglais le Fantôme, et d'exiger une indennité au nom de sujets ioniens et de sujets ou protégés anglais. La conduite injuste de l'Angleterre dans cette occasion fut très sévèrement blâmée par l'Europe. (Voir plus haut affaire Pacifico.)

1861.

Blocus du

port de Riola même puis

de-Janeiro par

sance.

1861. Blocus de

Gaéte.

§ 1842. On peut porter le même jugement sur le blocus que cette même puissance fit, en juin 1861, du port de Rio-de-Janeiro. Elle voulait tirer satisfaction du pillage d'un navire de commerce anglais le Prince-of-Wales naufragé sur les côtes de la province brésilienne de Rio-Grande du Sud. (Voir Réprésailles de l'Angleterre contre le Brésil.)

§ 1843. Quelques mois auparavant, l'Europe avait aussi fourni l'exemple d'un blocus pacifique.

En 1860, la flotte du roi de Piémont, Victor-Emmanuel, se joignant aux Siciliens révoltés contre François II, vint mettre le siège devant les ports de Messine et de Gaëte, dans le but, disait la notification que fit aux puissances l'amiral Sarde Persano, le 20 jan

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 274 et seq.; Gessner, pp. 216, 217; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 376, 377, 390, 391; Fiore, t. II, pp. 462, 463.

vier 1861, de protéger le siège de Gaëte en privant les assiégés de secours (1).

Le 15 février suivant, la ville capitulait. Les relations entre les cabinets de Turin et de Naples, n'avaient pas pour cela cessé d'être pacifiques et le roi de Sardaigne n'en faisait pas moins faire tous les jours, par son ministre, des protestations amicales au roi des Deux-Siciles.

1879. Blocus des

Bolivie.

§ 1844. Nous ne mentionnerons que pour mémoire, les quelques blocus qui furent établis en 1879 pendant la lutte entre le Pérou et côtes de la le Chili. Le littoral de la Bolivie alliée du Pérou fut bloqué dès le mois de février, par les bâtiments du Chili, et le 3 avril seulement la déclaration de guerre fut votée par les Chambres chiliennes.

§ 1845. Comme le Nouveau-Monde, l'Asie à son tour a dû subir le blocus de ses côtes par les navires de guerre européens.

Après l'affaire de Lang-Son, au moins de juin 1884, la France, considérant, à tort ou à raison, que la Chine avait violé le traité de Tien-Tsin par le fait de la non-observation de la note Fournier touchant l'évacuation du Tonkin, réclama du gouvernement du CélesteEmpire une indemnité considérable à titre de compensation pour les familles des soldats tués à Lang-Son, et de dédommagement pour les frais occasionnés par les hostilités que ces événements avaient prolongées au Tonkin. Cette indemnité, portée d'abord au chiffre élevé de 250 millions fut ensuite réduite à des proportions plus modestes. Le cabinet Ferry ne demandait plus que 50 millions payables en deux ou trois ans, ou 80 millions payables par annuités de 8 millions (2).

1884. Blocus de l'tle de For

mose.

Objections du gouverne

ment chinois tions de

aux réclama

France.

Ultimatum

la

§ 1846. A ces réclamations le cabinet de Pékin objectait qu'il n'y avait pas lieu d'accuser le gouvernement chinois de violation préméditée du traité de Tien-Tsin et que, dans l'affaire de Lang-Son, il était impossible de rejeter les responsabilités plus d'un côté que de l'autre (3). Des ouvertures furent inutilement faites par le de la France. gouvernement des États-Unis auprès du cabinet Ferry, en vue de constituer un arbitrage entre les deux puissances. Devant l'intention évidente du gouvernement chinois de gagner du temps en prolongeant les négociations, M. Ferry, fort des pleins pouvoirs que lui avaient donnés les Chambres, et jugeant le moment venu d'adresser à la Chine une dernière mise en demeure, lui fit remettre par son chargé d'affaires à Pékin, M. de Semallé, le

(1) Archives diplomatiques, v. 1, pp. 69 et 342.

(2) Livre Jaune, affaires de Chine et du Tonkin, 1884-1885, no 20, p. 17. (3) Livre Jaune, affaires de Chine et du Tonkin, 1884-1885, no 24, p. 23.

Bombardement de FouTchéou.

Notification

du blocus.

16 août, la notification suivante: « Le gouvernement de la Republique Française, ayant été invité par le vote des deux Chambres du Parlement, à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter le traité de Tien-Tsin, le vicomte de Semallé a l'honneur de faire savoir, d'ordre de son gouvernement, à LL. Exc. les Membres du Tsong-li-Yamen que le chiffre d'indemnité a été réduit, à raison de la première satisfaction qui résulte de la publication du décret impérial du 16 juillet, à la somme de 80 millions payables en dix ans ; mais si, dans un délai de quarante-huit heures, à dater de la présente notification, il n'a pas été fait droit à cette demande, M. de Semallé à l'ordre de quitter Pékin et l'amiral Courbet prendra immédiatement toutes les dispositions qui lui paraîtront utiles pour assurer au gouvernement français les réparations auxquelles il a droit (1). »

§ 1847. L'amiral recevait en même temps l'ordre d'agir énergiquement en cas de réponse négative de la Chine, de détruire à titre de représailles les forts et l'arsenal de Fou-Tchéou, et de capturer les navires chinois, ordre qui fut exécuté dans les journées du 27 et du 28 août.

Ensuite l'amiral Courbet devait se rendre à Kélung et, de concert avec les forces navales qui bloquaient ce port, s'emparer de l'île de Formose à titre de gage. Les premiers avantages remportés par la flotte française à Kélung et à Tamsui ayant été suivis, dans ce dernier port, d'un échec subi par les troupes de débarquement, l'amiral Courbet jugea qu'il était nécessaire de suivre un autre plan d'action.

§ 1848. C'est alors que fut établi par la France le blocus pacifique dont la notification est conçue en ces termes : « Nous soussigné vicc-amiral, commandant en chef des forces navales dans l'extrême Orient, agissant en vertu des pouvoirs qui nous appartiennent, déclarons qu'à partir du 23 octobre 1884, tous les ports et races de l'île de Formose, compris entre ce cap Sud ou cap Nou-Sha et la baie Soo-Au, en passant par l'Ouest et le Nord (ces points placés, le premier par 21° 55' latitude nord et 119° 33′ longitude Est de Paris) seront tenus en état de blocus effectif par les forces navales sous notre commandement et que les bâtiments amis auront un délai de trois jours pour achever leur chargement et quitter les lieux bloqués. Il sera procédé contre tout bâtiment qui tenterait de violer ledit blocus conformément aux lois internationales et aux

(1) Op. cit., no 39, p. 41.

traités de vigueur. A bord du cuirassé français Bayard, le 20 octobre 1884. Signé Courbet (1).

Motifs du gouvernement

§ 1849. Il est curieux de voir quels sont les motifs qui ont poussé le gouvernement français à prendre cette mesure; ils sont de deux français. ordres, tactiques et politiques.

Les premiers sont exprimés par l'amiral français qui jugea le blocus nécessaire pour prévenir l'envoi de renforts chinois et empêcher la nouvelle de l'insuccès de Tamsui de se répandre en Chine (2). Les motifs politiques ont été développés à la Chambre des députés française, dans la séance du 26 novembre 1884, par le président du Conseil des ministres :

<< Nous avons pensé que, pour l'efficacité du blocus lui-même, qu'en vue des difficultés que nous pouvons rencontrer au cours de l'exécution, qu'eu égard enfin à la situation particulière des puissances qui ont avec la Chine des relations commerciales, il y avait de très grands avantages à suivre la politique des gages sans déclaration de guerre, à faire la guerre comme nous la faisons, sans recourir à une déclaration préalable.

« Cette manière de procéder avait à nos yeux trois sortes d'avantages. Le premier c'est de laisser la porte toujours ouverte aux négociations. Le second c'est de laisser subsister l'état conventionnel antérieur. Et enfin, il était d'une sagesse élémentaire de ne pas compliquer notre conflit avec la Chine de différends ou de difficultés avec les puissances neutres. Or la déclaration de guerre, non seulement nous donnait le droit, mais nous imposait en quelque sorte le devoir de nous en prendre au commerce des neutres. Nous avons pensé qu'entre tous les gages celui de Formose était le meilleur, le mieux choisi, le plus facile et le moins coûteux à garder. » « Cette entreprise ne cache aucun dessein de conquête; nous sommes à Formose non en conquérants, mais en créanciers, résolus à nous payer nousmêmes de nos propres mains si on conteste plus longtemps notre droit et à saisir, sous une forme quelconque, la réparation qui nous est due (3). »

On le voit par l'exposé de ces différents motifs, le blocus de Formose pouvait avoir de l'opportunité comme moyen de représailles tendant à obtenir une réparation. Mais était-il conforme au droit des gens, et la France était-elle fondée à empêcher l'entrée des navires étrangers dans les ports de l'ile?

(1) Journal officiel du 23 octobre 1884.

(2) Livre Jaune, no 107, p. 122 et no 114, p. 127.

(3) Journal officiel du 27 novembre 1884.

Opinion du

sous-secrétai

re d'Etat pour

les affaires étrangères de la GrandeBretague.

Le gouver nement fran

la prétention

avec la Chine

droit de visite

sur les navires

neutres.

§ 1850. Il fut fait à cette question, dans la Chambre des communes par le sous-secrétaire d'État pour les affaires étrangères de la Grande-Bretagne, la réponse suivante :

« Le gouvernement français a notifié formellement, le 23 octobre, le blocus de l'île de Formose. La France a sans aucun doute le droit de bloquer ces ports et la notification du blocus doit être regardée par les neutres comme une notification de l'état de guerre.

Dans ces circonstances, la France possède tous les droits de la guerre, y compris celui de blocus, si elle désire les exercer elle a donc le droit d'empêcher les navires d'entrer dans les ports bloqués. Mais, en l'absence d'une déclaration formelle de guerre soit par la France, soit par la Chine, le gouvernement anglais a cru nécessaire de se mettre en communication avec le gouvernement français pour écarter tous les doutes relativement à la situation des navires neutres (1). »

Le sous-secrétaire d'Etat anglais reconnaissait donc à la France le droit d'établir le blocus de Formose et d'exiger le respect de ce blocus par les neutres.

Mais ce qu'il n'admet pas, c'est la prétention du gouvernement français de n'être point en état de guerre avec la Chine, prétention qui, après les hostilités de Fou-Tchéou et de Tamsui, paraissait inexplicable quels que soient d'ailleurs les avantages que pouvait présenter, au point de vue de la politique intérieure française ou des approvisionnements à faire dans les ports anglais de l'Asie, le fait de n'avoir pas ouvertement déclaré la guerrc.

§ 1851. Au reste le gouvernement français, en se qualifiant luiçais renonce à même de belligérant, en vint, par là même, à renoncer à soutenir d'ètre en paix cette thèse. Le cabinet anglais ayant mis en vigueur le Foreign et exerce le Enlistment act pour les ports asiatiques, et prescrit que les bâtiments français ne pourraient prendre du charbon et des vivres que pour le prochain port français, M. Ferry écrivit le 24 janvier 1885, à M. Waddington, ambassadeur français à Londres : « Le modus vivendi consacré par la pratique des derniers mois, se trouve évidemment modifié à notre désavantage par les instructions qui viennent d'être envoyées aux autorités des possessions coloniales anglaises. Nos croiseurs ne devant plus rencontrer dans les ports étrangers les facilités qu'ils y ont rencontrées jusqu'à présent, il n'y

(1) Bulmerincq, Journal du Droit international privė, 1884, t. II, pp. 579 et 580.

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