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reproduction appartient exclusivement à leurs auteurs; mais le droit d'exhibition, tenant non au droit de l'auteur, mais au droit de propriété mobilière du corps matériel de l'œuvre, appartient au propriétaire de l'objet.

Droit des auteurs et des

§ 1084. Le droit des auteurs et des artistes sur les produits de leur intelligence n'a pas toujours été reconnu d'une manière positive artistes, et absolue; dans les premiers temps de l'imprimerie et jusque vers la fin du siècle dernier, les gouvernements s'étaient réservé la prérogative de permettre ou d'interdire l'impression de tel ou tel livre, d'accorder le privilège de cette impression à tel ou tel imprimeur, parfois au détriment des auteurs eux-mêmes.

L'influence de la révolution française et l'établissement de la liberté de la presse ont aboli ces privilèges arbitrairement octroyés et donné une base sociale légale au droit d'auteur. De nos jours, la propriété exclusive des œuvres d'esprit et d'art est conférée par la loi aux auteurs ou à leurs représentants dans de certaines limites et suivant certaines règles commandées par l'intérêt de la société tout entière; elle revêt, en général, le caractère d'une jouissance temporaire et privative, variable selon les temps, les lieux ou la nature du produit auquel elle s'applique, et à l'expiration de laquelle l'œuvre tombe dans le domaine public; mais cette limitation du droit n'en infirme en rien l'essence, le fondement et la valeur, puisque la loi sanctionne en même temps les mesures propres empêcher qu'il y soit porté atteinte, ou à réparer les torts qui lui sont causés.

§ 1085. Toute violation des lois et des règlements sur la propriété Contrefaçon, littéraire ou artistique, toute atteinte portée aux droits de l'auteur sur son invention, de l'écrivain sur son écrit, du musicien sur sa composition, du peintre sur sa peinture, du dessinateur sur son dessin, constitue une contrefaçon.

D'une manière générale, on peut définir la contrefaçon l'action de copier, de rééditer, d'imiter ou de fabriquer une chose sans l'autorisation de celui qui a le droit exclusif de la faire ou de la fabriquer.

La contrefaçon suppose une reproduction totale ou partielle de l'œuvre sans le consentement de l'auteur, un préjudice possible, la mauvaise foi du reproducteur.

Les caractères constitutifs de la contrefaçon rentrent dans le domaine de la législation intérieure de chaque État, par conséquent dans l'appréciation souveraine des tribunaux.

On

comprend que, pour un délit de cette espèce, il ne puisse

Plagiat.

Parodie.

Représenta. tion on exécn

dramatiques

et musicales.

exister de règle absolue, uniforme, la portée plus ou moins préjudiciable d'un empiètement en matière de propriété littéraire ou artistique dépendant forcément des circonstances et des droits respectifs des parties, autant que de la nature même de l'objet contrefait, livre, dessin, œuvre dramatique ou morceau de musique.

§ 1086. Il ne faut pas confondre, avec la contrefaçon proprement dite, la simple imitation, même servile, en d'autres termes, le plagiat, qui n'est qu'un larcin, dont la critique littéraire et l'opinion publique sont seules juges; toutefois, s'il en résulte un préjudice pour l'auteur, celui-ci peut toujours en faire l'objet d'une action en dommages et intérêts.

Le plagiat donne lieu à des appréciations diverses, suivant les différents pays. D'après la jurisprudence anglaise, ce n'est pas commettre un plagiat que de transporter sur la scène un sujet traité par un auteur sous forme de roman, quand même le romancier a tiré lui-même une pièce de son livre; c'est du moins ce qui résulte d'un jugement rendu par la Cour du Banc de la Reine, le 26 mai 1874.

§ 1087. Il en est de même de la parodie, qui est une critique permise, à moins que, sous le titre de parodie, ne se cache un véritable plagiat.

§ 1088. Ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, les tion d'œuvres compositions théâtrales et musicales donnent lieu à l'exercice d'un double droit le droit de reproduction ou d'impression, et le droit d'exécution ou de représentation. L'usurpation de ce second droit ne constitue pas, à vrai dire, une contrefaçon, mais seulement une atteinte à la propriété intellectuelle, atteinte passible de pour

suites.

En France, les ouvrages dramatiques des auteurs vivants ne peuvent être représentés sur aucun théâtre public sans leur consentement formel et par écrit, sous peine de confiscation, à leur profit, du produit total des représentations. Le Code pénal (art. 428) punit d'une amende de 50 à 500 francs, en outre de la confiscation des recettes, les directeurs ou les entrepreneurs de spectacles ou les associations d'artistes qui font représenter sur un théâtre des ouvrages dramatiques, contrairement aux lois et aux règlements concernant la propriété des auteurs.

La loi du 19 juillet 1866 assure, pendant cinquante ans, aux héritiers ou aux ayants droit des auteurs dramatiques, un droit de propriété sur leurs œuvres.

La jurisprudence allemande est conforme à ces principes : la loi

du 11 juillet 1871 impose à celui qui, avec intention ou par négligence, fait représenter un ouvrage dramatique sans l'autorisation de l'auteur ou de ses héritiers, le versement, à l'auteur ou à ses ayants droit, de la recette brute, sans déduction des frais de la représentation; au cas où ce versement cst impossible, le juge évalue librement le montant de l'indemnité.

§ 1089. La traduction n'est pas non plus une contrefaçon dans Traduction. l'acception propre du mot; elle constitue en quelque sorte un droit exceptionnel subordonné à l'accomplissement de certaines formalités et entouré de certaines garanties par les traités internationaux, dont la violation peut éventuellement donner lieu à une action en justice.

§ 1090. Les notes ajoutées à un ouvrage constituent une pro- Annotations. priété particulière. Unc convention spéciale peut intervenir entre l'auteur de ces notes et l'éditeur ou le propriétaire du livre; mais lorsqu'une parcille convention n'a pas été conclue, les travaux d'annotation confèrent un droit exclusif à celui qui les a exécutés.

En France, il a été jugé plusieurs fois que les notes mises à un ouvrage tombé dans le domaine public sont la propriété de leur auteur et peuvent donner lieu à une action de sa part en contrefaçon*.

§ 1091. Comme nous n'avons pas à envisager la propriété litté- Historique. raire et artistique en elle-même, mais seulement au point de vue des relations internationales, nous n'entrerons pas dans le développement des péripéties par lesquelles elle a passé avant sa reconnaissance légale et son introduction dans le droit conventionnel. Qu'il nous suffise de dire que c'est la France qui, la première, décréta des lois spéciales pour sanctionner ce genre de propriété (loi du 19-24 juillet 1793) (1), substituant ainsi, tout en le limitant, le droit des auteurs et de leurs héritiers au privilège qui, dans le domaine intellectuel, avait jusqu'alors constitué la seule garantie

* Cappelmans, De la prop. litt., pp. 304 et seq.; Goujet et Merger, Dict. du droit com., v. Prop. litt.; Nion, Droits civils, pp. 54, 55, 79, 85; Pardessus, Cours, nos 110-167; Renouard, Traité, t. II, nos 6, 12, 16, 19, 20, 23, 25, 55, 66, 68, 70, 71, 103, 107, 194; Blanc, Traité, pp. 269, 288-291, 316-320, 403-410, 416, 548; Gastambide, Traité, no 13 et seq.; Paulmier et Lacan, Traité, t. II, nos 208, 209, 656, 657, 695; Merlin, Répertoire, v. Prop. litt.; Dalloz, Répertoire, v. Prop. litt.; Torres Caicedo, Les principes, pp. 181 et seq.; Belime, Phil. du droit, t. II, pp. 278 et seq.; Clunet, Journal du Droit intern. privé, 1874, p. 319; 1875, p. 208; 1876, pp. 145, 208; 1877, p. 58; Villefort, La propriété littéraire et artislique au point de vue international.

(1) Delalain, Nouv. législation, pp. 3 et seq.

Reconnais

sance du principe de la propriété.

Application internationale

Loi française du 28 mars 1852.

1858. Congrès

de Bruxelles.

des écrivains et la rémunération précaire de leurs labeurs, puisqu'elle dépendait du bon plaisir des princes appelés à l'octroyer. Cc privilège consistait dans une autorisation donnée par le souverain d'imprimer un ouvrage après qu'il avait passé à la censure, avec défense aux autres de le publier, sous peine de poursuites. Cette mesure avait été adoptée pour la première fois en Allemagne en 1501, en France en 1507 et en Angleterre en 1518.

Le privilège n'avait d'effet que dans le pays où il était accordé; l'auteur, pour défendre ses droits à l'étranger, devait solliciter de nouvelles lettres-patentes dans chaque État.

Les guerres que la France eut à soutenir à la fin du siècle dernier et au commencement de celui-ci, détournèrent toutefois ce pays de l'application internationale du principe de la propriété littéraire et artistique, et ce fut le congrès de Vienne qui, en 1815, adopta des mesures propres à garantir de la contrefaçon la propriété littéraire et artistique, en accordant réciproquement aux auteurs et aux artistes des pays compris dans la Confédération germanique, la même protection que celle garantie par la loi aux auteurs et aux artistes de chaque État particulier.

Plus tard le Danemark (7 mai 1828), l'Angleterre (31 juillet, 1838), la Suède (1844), l'Autriche (1846) se déclarèrent prêts à reconnaître et à protéger la propriété intellectuelle des pays qui reconnaîtraient et protégeraient celle de leurs nationaux.

L'offre conditionnelle de ces quatre États n'avait encore produit aucun résultat pratique, lorsque la France, par une loi datée du 28 mars 1852 (1), proclama solennellement le principe absolu, illimité, du respect international de la propriété intellectuelle, et assimila à un délit toute contrefaçon sur son territoire d'ouvrages publiés à l'étranger.

§ 1092. La généralisation d'un principe si libéral aurait pour résultat l'abolition complète de la contrefaçon et faciliterait singulièrement, si même il ne la rendait superflue, l'action des traités internationaux; aussi a-t-il été consacré unanimement par le Congrès littéraire réuni à Bruxelles au mois de septembre 1858 pour discuter les questions soulevées par la revendication des droits. que les auteurs peuvent avoir sur la reproduction de leurs œuvres, tant dans leur propre pays que dans les contrées étrangères.

Voici les principales résolutions votées par ce Congrès :

(1) Delalain, Nouv. législation, pp. 28-29.

1o Le principe de la reconnaissance de la propriété des œuvres littéraires et artistiques en faveur de leurs auteurs doit prendre place dans la législation de tous les peuples civilisés.

2o Ce principe doit être admis de pays à pays, même en l'absence

de réciprocité.

3° L'assimilation des auteurs étrangers aux auteurs nationaux doit être absolue et complète.

4o Il n'y a pas lieu d'astreindre les auteurs étrangers à des formalités particulières, afin qu'ils soient admis à invoquer et à poursuivre le droit de propriété. Il doit suffire pour que ce droit leur appartienne qu'ils aient rempli les formalités requises par la loi du pays où la publication originale a vu le jour.

5o Il est désirable que tous les pays adoptent, pour la propriété des ouvrages de littérature et d'art, une législation reposant sur des bases uniformes.

1861.

Congrès

1873. de Vienne. 1875.

§ 1093. D'autres Congrès se sont successivement réunis, à Anvers en 1861, à Vienne en 1873, à l'occasion de l'Exposition d'Anvers. Universelle, à La Haye en 1875, sous les auspices de l'Association anglaise, à Brême en 1876. Ils se sont surtout attachés à affirmer les mêmes principes et à formuler les bases sur lesquelles les gouvernements devraient fonder une législation commune dans le sens des garanties à donner aux auteurs.

§ 1094. Au mois de septembre 1878, un Congrès international tenu à Paris s'est occupé spécialement de la propriété artistique. Les principes qui y ont été mis en avant sont en résumé identiques à ceux qui avaient été développés dans les congrès précédents. Subsidiairement nous y trouvons le vœu que l'auteur d'une œuvre d'art ne doive être astreint à aucune formalité pour assurer son droit.

La proposition a été énoncée aussi que la durée du droit de propriété artistique soit limitéc à un terme fixe de cent années à partir du jour où l'œuvre est mise dans le public; il est entendu toutefois que cette durée limitée s'applique uniquement au droit qui appartient à l'artiste de reproduire ou de faire représenter son œuvre sans porter en rien atteinte au droit essentiel de propriété, que la loi civile ne crée pas, mais ne fait que réglementer. Les artistes de tous les pays seront assimilés aux artistes nationaux ; ils jouiront du bénéfice des lois nationales pour la reproduction, la représentation et l'exécution de leurs œuvres, sans condition de réciprocité légale ou diplomatique.

Depuis cette époque, la plupart des États européens se sont liés

de La Haye.

1876. do Brème.

1878.

Congrès de

Paris.

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