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au lien du contrat; le preneur reste donc tenu envers le bailleur au payement des loyers ou fermages. Il reste tenu aussi des réparations locatives, quoiqu'il n'habite pas les lieux loués; ces lieux sont occupés par un sous-preneur qui s'est obligé envers lui à faire les réparations locatives; débiteur, de ce chef, à l'égard du bailleur, il est créancier à l'égard du sous-locataire; mais la créance qu'il a contre le sous-preneur n'empêche pas qu'il ait une dette à l'égard du bailleur. Celui-ci conserve tous ses droits contre son preneur; il peut donc agir contre lui lorsque les réparations locatives ne sont pas faites dans les lieux loués, sauf au preneur à agir, en vertu de la sous-location, contre le sous-preneur (1).

199. Si le preneur, devenu sous-bailleur, reste tenu des obligations qu'il a contractées à l'égard du bailleur primitif, il conserve aussi les droits que le contrat lui donne. N'habitant pas les lieux loués, on pourrait croire qu'il n'a aucun intérêt à agir contre le bailleur pour le forcer à remplir des obligations qui concernent la jouissance. Mais s'il n'y a aucun intérêt comme preneur, il y est intéressé comme sous-bailleur. En effet, le sous-preneur a action contre lui pour l'exécution des mêmes obligations qui donnent au sous-bailleur le droit d'agir, à titre de preneur, contre le bailleur principal. La chose louée a besoin de réparations; le sous-preneur agit contre le souslocateur; celui-ci doit les faire en vertu du contrat qui le lie envers le sous-preneur. Mais il est aussi locataire; et si la chose louée à besoin de réparations, il a le droit d'agir contre le bailleur, qui s'est obligé envers lui à entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

Le bailleur étant indirectement tenu, à l'égard du souspreneur, de remplir les obligations qui naissent du bail, ne serait-il pas plus simple de donner au sous-preneur une action directe contre le bailleur principal? De même, le sous-preneur étant tenu indirectement, à l'égard du

(1) Duvergier, t. I, p. 361, no 380. Comparez Aix, 10 février 1871 (Dalloz, 1872, 2, 71).

bailleur principal, des obligations qui naissent du bail, n'est-il pas plus simple de permettre au bailleur principal d'agir contre le sous-preneur? On éviterait par là un circuit d'actions qui paraît frustratoire. Mais il faut voir si les principes permettent l'action directe du bailleur principal contre le sous-preneur et l'action directe du souspreneur contre le bailleur.

III. Effet de la sous-location entre le bailleur principal et le sous-preneur.

200. Nous avons posé en principe qu'il n'intervient aucun lien juridique entre le bailleur principal et le souspreneur; ce qui conduit à la conséquence que le bailleur principal n'a pas d'action directe contre le sous-preneur, et que celui-ci n'a pas d'action directe contre le bailleur. La doctrine et la jurisprudence partent d'un principe tout à fait contraire. On admet que le sous-bail crée des rapports directs entre le bailleur primitif et le sous-locataire; et l'on en déduit la conséquence que le bailleur principal a une action directe contre le sous-locataire pour l'exécution des engagements résultant de la sous-location, et que le sous-preneur a une action directe contre le bailleur originaire pour l'accomplissement des obligations que ledit bailleur a contractées envers le locataire principal. Nous disons une action directe; il ne s'agit pas de l'action indirecte de l'article 1166; il n'est pas douteux que le bailleur ne puisse agir contre le sous-preneur comme créancier du preneur, mais cette action est peu favorable, en ce sens qu'elle est subordonnée à des conditions rigoureuses et qu'elle ne profite pas exclusivement au demandeur, obligé d'en partager le bénéfice avec les autres créanciers du débiteur commun. De même il est certain que le sous-preneur peut agir contre le bailleur principal comme créancier du sous-bailleur, lequel a action, à titre de preneur, contre son bailleur. C'est le droit commun. On prétend que le bailleur et le sous-preneur ne doivent pas recourir à l'action indirecte de l'article 1166, qu'ils

peuvent agir directement en vertu du lien que le sous-bail crée entre le bailleur primitif et le sous-locataire (1).

Nous allons d'abord examiner la question au point de vue des principes généraux de droit, abstraction faite des textes. A en croire les éditeurs de Zachariæ, notre question n'en serait pas une, et tout le monde serait d'accord, auteurs et jurisprudence, pour reconnaître le lien direct qu'ils disent exister entre le bailleur principal et le souspreneur. Ils citent, entre autres, Duvergier; or, voici ce que dit Duvergier : « Le sous-locataire n'a point d'action directe contre le bailleur, le preneur ne lui ayant pas transmis celle qui lui appartient. » En expliquant l'article 1753, Duvergier dit : « Sans cette disposition et celle de l'article 820 du code de procédure, le bailleur n'aurait aucune action directe contre le sous-preneur; il serait réduit à exercer les droits du preneur, comme tout autre créancier, conformément à l'article 1166 (2) ». Duvergier dit donc tout le contraire de ce qu'on lui fait dire : il pose en principe que le sous-preneur n'a pas d'action directe contre le bailleur originaire et que celui-ci ne peut pas agir directement contre le sous-preneur. A notre avis, cela est d'évidence, et nous ne comprenons pas même qu'il y ait un dissentiment sur la question de théorie. D'où naissent les actions? Des contrats. Les conventions donnentelles une action à ceux qui n'y figurent point? Elles ne profitent ni ne nuisent aux tiers, dit l'article 1165. Ces principes élémentaires décident la question. Qui est partie au sous-bail? Le sous-preneur et le sous-bailleur; donc le sous-bail n'a d'effet qu'entre le sous-locateur et le souslocataire. Quant au bailleur principal, il n'est pas partie au contrat, il est donc un tiers; partant, il n'y a aucun lien de droit entre lui et le sous-preneur: comment donc auraient-ils action l'un contre l'autre? Le bailleur ne pourrait avoir action contre le sous-preneur et le sous-preneur contre le bailleur que si le bailleur était représenté au

(1) Aubry et Rau, t. IV, p. 493 et suiv., note 20, § 368, et les autorités qu'ils citent.

(2) Duvergier. t. I, p. 362. no 380, et p. 560, no 540. Comparez Mourlua, Répétitions, t. III, p. 316. no 775.

contrat. Est-il représenté au contrat par le sous-bailleur? Non; car le preneur, en faisant le sous-bail, n'agit point au nom du bailleur comme son représentant, il agit en vertu d'un droit qui lui est propre, qu'il tient de la loi et de son contrat; il n'a aucune qualité pour obliger le bailleur ni pour stipuler en son nom.

Troplong reprend Duvergier, comme il aime à le faire. Ce n'est pas, dit-il, dans les articles 1753 et 820 (code de proc.) que le bailleur puise le droit d'agir direc tement contre le sous-preneur: « il puise son droit en luimême, dans l'occupation des lieux par le sous-preneur. » Tel est l'unique fondement de l'action directe, en théorie. Troplong cite Duranton, lequel dit que le prix de la souslocation étant dû à raison de la chose du bailleur, il est juste que celui-ci le touche de préférence aux créanciers particuliers du sous-bailleur. Cette raison justifie l'article 1753, sur lequel nous reviendrons; pour le moment, il est question de principes, de théorie; nous demandons si le bailleur peut avoir un droit et s'il peut être tenu d'une obligation, en vertu d'un contrat où il ne figure pas comme partie, et on ne donne d'autre réponse que le fait de l'occupation des lieux par le sous-preneur. Est-ce que ce fait crée un lien de droit entre le propriétaire de la chose et le souspreneur qui l'occupe? S'il l'occupait sans titre aucun, le propriétaire aurait contre lui l'action en revendication, laquelle implique l'absence de tout lien entre le demandeur et le défendeur. Mais le sous-preneur occupe les lieux en vertu d'un contrat, d'où naissent des droits et des obligations: suffit-il que la chose qui fait l'objet du contrat soit la propriété du bailleur pour que, par cela seul, le preneur puisse agir en vertu du contrat contre le propriétaire, et que le propriétaire ait action en vertu du même contrat contre le sous-preneur? Troplong semble le dire, puisqu'il ne donne pas d'autre motif que l'occupation des lieux par le sous-locataire. Une pareille doctrine renverse tous les principes. Quoi! ma chose est l'objet d'un contrat, et cela suffit pour que je sois partie au contrat, que j'aie les droits qu'il crée, et que je sois tenu des obligations qui en découlent! Je serais donc partie au

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contrat comme y ayant été représenté par ma chose! 201. Sur le terrain des principes, la question que nous discutons n'en est réellement pas une. Il faut voir si les articles 1753 et 820 (code de proc.) dérogent au principe de l'article 1165. L'article 1753 porte : « Le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire que jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie. » Cette disposition fait naître une première difficulté. Elle est placée sous la rubrique de la section II qui traite Des règles particulières aux baux à loyer. En faut-il conclure qu'elle ne s'applique pas aux baux à ferme? Non, c'est un défaut de classification; il n'y a absolument aucune raison pour distinguer entre les baux à ferme et les baux à loyer, en ce qui concerne les rapports du bailleur et du sous-preneur : la décision, quelle qu'elle soit, doit être identique, parce que la situation des parties est la même. Le code de procédure ne laisse aucun doute sur ce point aux termes de l'article 820, le bailleur principal peut saisir les effets des sous-fermiers aussi bien que ceux des sous-locataires, il peut encore saisir-gager les fruits des terres que les sousfermiers occupent; puis la loi décide, comme le fait le code civil, que les sous-preneurs, quels qu'ils soient, obtiennent mainlevée de la saisie en justifiant qu'ils ont payé sans fraude; s'ils n'ont pas payé, ils seront tenus envers le bailleur principal jusqu'à concurrence du prix de sous-location dont ils sont redevables au moment de la saisie. Les dispositions des articles 1753 et 820 sont donc générales (1); reste à savoir quel en est le sens. Ici nous entrons dans la vraie difficulté.

202. Pour interpréter une loi, il faut constater avant tout quel en est le vrai objet. Est-ce que l'article 1717 a pour objet de décider qu'il y a un lien juridique entre le bailleur principal et le sous-preneur? Il suffit de lire cette disposition pour se convaincre qu'elle est relative à une question toute spéciale. Le bailleur a un privilége

(1) C'est l'opinion générale. Duvergier, t. I, p. 367, no 388, et tous les auteurs Toulouse. 5 février 1845 (Dalloz, 1845. 2, 1845),

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