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l'article 1758. Quand il n'y a pas de convention expresse sur la durée du bail d'un appartement, il faut voir si le bail est fait à tant par an; dans ce cas, la loi fixe la durée du contrat à un an; et on ne peut pas se prévaloir de l'usage contre la loi, les anciens usages sont abrogés par le code civil, et les nouveaux usages ne peuvent pas déroger à la loi. Le code ne donne force aux usages que dans le cas où le bail n'est point fait à tant par an; si donc il est fait à tant par an, les usages sont sans force, c'est la loi qui doit recevoir son application. On ne pourrait admettre l'opinion contraire des auteurs français que dans le cas où les faits et circonstances de la cause prouveraient que l'intention des parties a été de suivre les usages; il y aurait, dans ce cas, une convention tacite, et toute convention, tacite ou expresse, l'emporte sur la loi, puisque la loi ne statue que dans le silence de la convention (1).

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Il y a un troisième cas dans lequel la loi, à défaut de convention, fixe la durée du bail: « Le bail des meubles fournis pour garnir une maison entière, un corps de logis entier, une boutique ou tous autres appartements est censé fait pour la durée ordinaire des baux de maisons, corps de logis, boutiques ou autres appartements, selon l'usage des lieux (art. 1757). Dans ce cas, la loi s'en rapporte directement à l'usage des lieux et lui donne, par conséquent, force obligatoire. Elle veut que l'on consulte l'usage des lieux qui détermine la durée des baux de maisons, de corps de logis, de boutiques ou d'appartements, et cette durée coutumière du bail principal déterminera la durée du bail accessoire des meubles destinés à garnir les lieux loués. Il résulte de là une anomalie que les auteurs français ne signalent pas, parce qu'ils s'en rapportent toujours à l'usage des lieux (2). Un appartement meublé est loué à tant par an; la durée du bail est fixée par la loi, elle est d'un an (art. 1758). Si l'apparte ment n'est pas meublé et qu'il y ait en même temps un bail de meubles, ce bail, ainsi que le bail principal, n'est plus

(1) Colmet de Santerre, t VII, p. 314, nos 207 bis I, II et III. (2) Colmet de Santerre, t. VII, p. 312, no 306 bis II.

églé par l'article 1758, il le sera par les usages locaux; r, d'après les usages de Paris, la durée du bail n'est pas T'un an. La durée du bail variera donc selon que l'apparement est meublé ou non meublé; dans le premier cas, elle est légale; dans le second, elle est coutumière. N'eût-il pas été plus simple de s'en rapporter, dans tous les cas, aux usages locaux? C'est ce que font les auteurs français, mais leur doctrine est extralégale.

321. L'effet du terme est le même, qu'il soit conventionnel, légal ou coutumier; le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé par la convention, par la loi ou par les usages locaux, sans qu'il soit nécessaire de donner congé (art. 1737). La loi dit : terme fixé; et comme elle parle d'un bail fait par écrit, elle suppose que le terme a été convenu par les parties contractantes. Il en doit étre de même dans les cas où le terme du bail est fixé par la loi ou par l'usage, car ce terme est aussi conventionnel; les parties, en ne stipulant aucun terme, sont censées s'en être rapportées à la loi et à l'usage; elles ont donc consenti d'avance à ce que le bail finisse de plein droit à l'expiration du terme légal ou coutumier; dès lors il est inutile de donner congé. L'article 1775 le dit pour le terme légal des baux à ferme : « Le bail des héritages ruraux, quoique fait sans écrit, cesse de plein droit à l'expiration du temps pour lequel il est censé fait, selon l'article précédent. Les mots quoique fait sans écrit sont inutiles, ils prouvent même que l'écriture ou le défaut d'écriture n'ont rien de commun avec la durée du bail. Tout ce qui résulte de l'article 1775, c'est que le terme légal a le même effet que le terme conventionnel, ce qui est très-logique. Il faut en dire autant, et par identité de raison, du terme légal ou coutumier des articles 1758 et 1757; il n'y a aucun motif de distinguer entre le terme que la loi fixe directement et le terme dont elle abandonne la fixation aux usages locaux ; c'est toujours un terme légal, puisque les usages n'ont force obligatoire que parce que la loi le dit. Et, en un certain sens, on peut dire que tous ces termes sont conventionnels; seulement la convention est ou expresse ou légalement présumée.

322. Il résulte de ce que nous venons de dire que l'article 1737 est mal classé; il se trouve sous la rubrique des règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux, et, en réalité, il ne s'applique qu'aux baux à loyer; quant aux baux à ferme, ils ont toujours une durée fixe, soit en vertu de la convention, soit en vertu de la loi; par conséquent, ils cessent toujours de plein droit, et il n'y a jamais lieu de donner congé (1). Il n'en est pas de même des baux à loyer, comme nous allons le dire.

§ III. Des baux qui n'ont pas de durée fixe.

323. L'article 1736 porte : « Si le bail a été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux. D'après ce que nous avons dit plus haut, la loi entend par bail fait sans écrit un bail dont les parties n'ont pas déterminé la durée par leurs conventions et qui n'a pas de durée fixe en vertu de la loi. Tels sont les baux à loyer d'une maison quand les parties contractantes n'ont pas fait de convention sur la durée du bail; la loi n'en fixe pas la durée, comme elle le fait pour les baux à ferme, et elle ne s'en rapporte pas non plus à l'usage des lieux; l'article 1736 ne maintient ces usages que pour ce qui concerne le délai dans lequel les parties doivent se donner congé. Il en résulte que ces baux n'ont pas de terme fixe, ni conventionnel, ni légal, ni coutumier; donc leur durée est illimitée; ils prennent fin par le congé que les parties donnent selon l'usage des lieux.

Telle est l'interprétation que les auteurs français donnent de l'article 1736 (2). Le texte ne dit pas ce qu'on lui fait dire; il ne parle pas de la durée des baux faits sans écrit, il ne parle que du congé et du délai dans lequel il doit être donné. De ce que la loi ne parle que du congé on

(1) Voyez les arrêts cités dans le Répertoire de Dalloz, au mot Louage, no 831, et Bruxelles. 27 avril 1816 (Pasicrisie, 1816, p. 121).

(2) Duranton, t. XVII, p. 92, no 117. Duvergier, t. I, p. 503, no 484; t. II.

p. 87, no 77.

duit que la durée du bail est indéfinie quand les parties e l'ont pas fixée. On avoue, dans cette opinion, que l'arcle 1736 est un peu obscur et que l'idée principale est Dus-entendue. Dire que l'une des parties pourra donner ongé à l'autre, c'est reconnaître que le bail ne cesse pas e plein droit; et s'il ne cesse pas de plein droit, c'est u'il n'a pas de terme fixe. Il n'en a pas en vertu de la convention, puisque l'article dit que le bail est fait sans crit; ce qui, dans le langage de la loi, signifie un bail sans terme conventionnel. Il n'a pas de terme fixe en vertu de la loi, puisqu'il n'y a pas pour les baux à loyer de disposition analogue à celle de l'article 1774 concernant les baux à ferme. Le bail ne pourrait donc avoir de durée fixe qu'en vertu de l'usage des lieux; mais pour que les usages locaux sur la durée des baux fussent obligatoires, il faudrait que la loi y renvoyât; or, il n'y a pas de texte qui renvoie aux usages des lieux pour déterminer la durée des baux à loyer. Cela est décisif, dit-on (1).

324. L'article 1736 reçoit encore une autre interprétation, c'est celle que l'on suit en Belgique; on s'en rapporte à l'usage des lieux non-seulement pour la signification du congé, mais aussi pour la durée du bail quand les parties ne l'ont pas déterminée. Or, nos usages fixent généralement à une année la durée d'un bail qui n'a pas de terme conventionnel; cette durée n'est pas fixe, en ce sens que que le bail finisse de plein droit à l'expiration de l'année, ne cesse que par un congé qui se donne trois mois avant l'expiration de l'année. Cette interprétation de l'article 1736 a été consacrée par notre cour de cassation. L'arrêt attaqué de la cour de Bruxelles décidait que, d'après l'usage, le terme des baux non écrits des maisons situées en la ville de Bruxelles, et dont la durée n'est pas constatée, est d'une année à dater de l'époque à laquelle ils ont pris cours. Dans l'espèce, le bail avait commencé le 1er juillet 1835; il a été jugé qu'il devait prendre fin le 1er juillet 1836, non de plein droit, mais en donnant congé trois mois d'avance, et, de fait, le congé avait été signifié

(1) Colmet de Santerre, t. VII, p. 269, no 183 bis III.

dès le 12 mars 1836. La cour de cassation dit que la cour de Bruxelles, en jugeant ainsi, n'a pu contrevenir à l'article 1736 (1). C'est bien dire que le bail n'a pas une durée indéfinie en vertu de cette disposition; sa durée est d'un an, d'après les usages de Bruxelles, qui sont aussi ceur des autres villes; ils ne varient que pour le délai dans lequelle congé doit être donné. La cour de Bruxelles a jugé, pour mieux dire, elle a constaté, les parties étant d'accord sur ce point, que, d'après les usages de Louvain, les baux sans écrit des maisons sont censés faits pour un an, et que les congés se donnent six mois avant l'époque de l'expiration (2).

325. Laquelle de ces opinions faut-il suivre? La cour de cassation de Belgique se borne à dire que l'interprétation de l'article 1736, conforme à nos anciens usages, ne viole pas ledit article. Les auteurs français se prononcent d'une manière plus affirmative; ils enseignent que le bail sans écrit d'une maison a une durée illimitée en vertu de l'article 1736. A notre avis, l'article 1736 doit être écarté du débat, car il ne dit rien de la durée des baux faits sans écrit, c'est-à-dire sans terme conventionnel; tout ce qui en résulte, c'est que les baux sans terme fixé par la convention ne cessent pas de plein droit, ils ne prennent fin que par un congé. Mais de là on ne peut conclure, comme le font les auteurs français, que les baux ont nécessairement une durée illimitée; les usages suivis en Belgique prouvent le contraire les baux à loyer durent un an. mais ils ne cessent pas de plein droit à la fin de l'année, ils ne prennent fin que par un congé donné dans un certain délai. L'article 1736 laisse donc la durée du bail à loyer indécise. C'est dans les sections où il est traité des règles particulières aux baux à loyer et aux baux à ferme que les auteurs du code ont réglé la durée des baux. Il n'y a aucun doute pour la durée des baux à ferme, la loi elle-même la fixe (art. 1774); et elle prend soin d'ajouter (art. 1775) que le bail des héritages ruraux cesse de plein

(1) Rejet, 28 mars 1837 (Pasicrisie, 1837, 1, 72).
(2) Bruxelles, 18 février 1835 (Pasicrisie, 1835, 2, 55).

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