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deux, la Saint-Jean et la Saint-Martin. Pour que les délais dans lesquels se donnent les congés atteignent leur but, il faut qu'ils coïncident avec les époques auxquelles on loue les maisons et où on les quitte. Si ces époques sont le premier jour de chaque trimestre, il faut que le congé soit donné de manière que le bail finisse ce jour; si le congé était donné pour une autre époque, il en résulterait que le bailleur aurait de la peine à trouver un locataire et le preneur aurait de la peine à trouver une autre maison (1). Ces usages supposent que les parties peuvent donner congé quand elles veulent, en observant les délais. Tels ne sont pas nos usages; le bail sans écrit étant fait pour une année, c'est trois ou six mois avant l'expiration de l'année que le congé devra être donné. La divergence des usages ne porte donc pas seulement sur les délais, elle porte sur la durée du bail. Cela prouve que le législateur aurait bien fait de régler lui-même cette matière.

§ IV. De la tacite réconduction.

No 1. QUAND Y A-T-IL TACITE RÉCONDUCTION?

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331. L'article 1738 porte: Si, à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail. Ce bail s'appelle tacite réconduction. Il n'y a donc lieu à la tacite réconduction que lorsque le bail est fait par écrit ; ce qui, dans le langage du code, signifie que le bail a un terme fixé par le contrat. Si le bail n'a pas de terme conventionnel, il ne prend fin que par un congé; or, le congé implique la volonté de ne plus renouveler le bail de la part de celui qui le donne, dès lors il ne peut pas se former de bail tacite, car la réconduction tacite est un contrat qui suppose le concours de volonté des parties contractantes; et si l'une d'elles déclare qu'elle ne veut plus continuer le bail, il va de soi que le c de volontés et, par suite, le bail tacite est

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erre, t. VII, p. 269, nos 183 bis IV et V.

impossible. De là suit qu'il ne peut être question de réconduction tacite lorsque le bail est fait sans terme fixé par la convention.

Ce principe est confirmé par l'article 1759, relatif aux baux à loyer. Il porte que si le locataire d'une maison ou d'un appartement continue sa jouissance après l'expiration du bail par écrit, sans opposition de la part du bailleur, il sera censé les occuper aux mêmes conditions ». Le bail par écrit, dans l'article 1759 comme dans l'article 1738, signifie un bail fait à terme fixe en vertu de la convention des parties. Les articles 1757 et 1758 prévoient des cas où le bail à loyer a une durée fixée par l'usage des lieux; ce terme n'équivaut pas, dans le système du code, à un terme conventionnel; ce sont, comme le dit l'article 1736, des baux faits sans écrit, qui ne cessent pas de plein droit; ils ne prennent fin que par un congé, et le congé écarte toute réconduction tacite.

Quant aux baux ruraux, la loi applique le même principe lorsque la convention fixe la durée du bail; si, à l'expiration du contrat, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail (art. 1776). Mais la loi déroge au principe de l'article 1738 en ce qui concerne les baux à ferme faits sans écrit, c'est-à-dire sans terme conventionnel (art. 1775); ils cessent aussi de plein droit à l'expiration du temps pour lequel ils sont censés faits. en vertu de l'article 1774; le terme légal est donc assimilé par la loi à un terme conventionnel. Il suit de là qu'à l'expiration du bail à ferme, il se forme toujours un nouveau bail tacite, sans distinguer si le bail a un terme conventionnel ou légal; dans l'un et l'autre cas, le contrat cessant de plein droit, si la jouissance continue, elle ne peut continuer qu'en vertu d'une convention nouvelle, qui est nécessairement tacite, puisqu'on suppose que les parties ne font pas de convention expresse. La loi ne le dit pas, mais cela résulte de la combinaison des articles 1775, 1776 et 1738.

332. Tels sont les textes relatifs à la réconduction. Il n'y a aucune difficulté quant aux baux de biens ruraux, puisqu'ils cessent toujours de plein droit, que le terme

soit légal ou conventionnel. Le bail à loyer, au contraire, quand il est fait sans terme conventionnel, ne finit que par un congé. Dès lors il ne peut pas y avoir de réconduction tacite. De là suit une conséquence très-importante, c'est que dans les baux à loyer, sans terme convenventionnel, c'est toujours le même contrat qui continue à subsister entre les parties; si donc le bail a été fait avec une garantie personnelle ou réelle, la caution reste tenue pendant toute la durée du bail, jusqu'à ce qu'il prenne fin par un congé, et l'hypothèque subsistera également. Cela ne souffre aucun doute dans le système des auteurs français, basé sur les usages de Paris: le bail ayant une durée indéfinie, il va de soi que les obligations accessoires ont aussi une durée illimitée (1). Mais comment expliquer cette conséquence dans l'opinion consacrée par la jurisprudence des cours de Belgique? Le bail à loyer, quoique fait sans écrit, c'est-à-dire sans terme conventionnel, dure une année; si, à l'expiration de cette année, le preneur reste en possession, se formera-t-il un nouveau bail d'un an, en vertu d'une tacite réconduction? Non; car le bail, quoiqu'il ait une durée d'un an, ne cesse pas de plein droit, il ne prend fin que par un congé; nous dirons plus loin quand ce congé doit être donné. S'il n'y a pas de congé, le bail ne cesse pas; c'est donc l'ancien bail qui continue, dans les usages belges comme dans les usages français; partant, les garanties personnelles et réelles subsistent dans l'un et l'autre système.

333. Il y a une difficulté particulière pour les baux faits avec un terme de trois, six ou neuf ans. C'est un bail par écrit, puisqu'il y a un terme conventionnel. Mais quel est ce terme? Est-ce que le bail cesse de plein droit à la fin de la première période de trois ans, et se fait-il alors une réconduction tacite? S'il en était ainsi, les garanties accessoires, cautionnement et hypothèques cesseraient aussi à la fin de la première période, et, le nouveau bail étant une réconduction tacite, serait dépourvu des garanties qui n'existent qu'en vertu d'une stipulation. Mais

(1) Duvergier, t. I, p. 526, no 510.

telle n'est pas la signification d'un bail contracté pour trois, six ou neuf ans. Nous avons dit plus haut (n° 316) que le bail, dans l'intention des parties contractantes, a une durée de neuf ans; il ne cesse donc de plein droit qu'à la fin de la neuvième année. Par conséquent, les garanties stipulées par le bail subsistent pendant les trois périodes si les parties n'ont pas fait usage de la faculté qu'elles se sont réservée de mettre fin au bail après la première ou la deuxième période de trois ans (1).

334. La réconduction tacite est-elle un nouveau bail, ou est-ce l'ancien bail qui continue? Il résulte du principe qui domine cette matière (no 331) que la réconduction n'est pas la continuation du premier bail, car la réconduction n'a lieu que dans les baux écrits, et ces baux cessent de plein droit à l'expiration du terme fixé (art. 1737); il est donc impossible que l'ancien bail continue; il est expiré; donc la réconduction doit être un nouveau bail. L'article 1738 le dit formellement : « Il s'opère un nouveau bail. » L'article 1776 reproduit la même formule; l'article 1759, relatif aux baux à loyer, ne dit pas que la réconduction est un nouveau bail, il se sert d'une expression qui pourrait faire croire à une continuation du bail originaire : « Si le locataire continue la jouissance après l'expiration du bail par écrit. Mais la jouissance continuée n'implique pas que le bail continue. Pour qu'il y ait réconduction, il faut nécessairement que la possession continue, car la réconduction est fondée sur la possession qui se continue; c'est ce que l'article 1738 et l'article 1776 expriment par ces mots : si le preneur reste et est laissé en possession. Les mots de l'article 1759 si le preneur continue sa jouissance ont le même sens. Telle est aussi la tradition (2).

Le nouveau bail diffère de l'ancien, en ce qu'il est tacite, de là le nom qu'il porte. C'est un contrat qui se forme par un consentement tacite des parties contractantes. Les auteurs, et Pothier même, disent que le con

(1) Duvergier, Du louage, t. I, p. 528, no 511.

(2) Pothier, Du louage, no 342.

XXV.

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sentement des parties est présumé (1), l'expression est incorrecte, car le consentement ne se présume jamais on n'est pas présumé s'obliger, et on n'est pas présumé stipuler. Il faut toujours une manifestation de volonté. Mais le consentement ne doit pas s'exprimer par des paroles, il peut se manifester par des faits; dans ce cas il est tacite. Tel est le consentement des parties qui, après l'expiration d'un bail écrit, font un nouveau bail, sans déclarer leur volonté par paroles. Le preneur reste en possession; c'est donc qu'il veut faire un nouveau bail, car l'ancien est expiré; il n'a plus le droit d'occuper les lieux, et si son intention était de ne plus les occuper, il quitterait, tandis qu'il reste; c'est manifester la volonté de faire un nouveau bail, car on ne peut pas lui supposer l'intention d'occuper les lieux comme usurpateur. De son côté, le propriétaire laisse le preneur en possession; il manifeste par là la volonté de faire un nouveau bail, car on ne peut pas supposer qu'il ait l'intention de laisser jouir le preneur sans contrat ou gratuitement. Il y a donc, dans le fait de la possession qui continue par la volonté des deux parties, un concours de consentement tacite qui suffit pour prouver un nouveau contrat. Mais le consentement tacite, quoiqu'il soit notoire, n'a pas l'évidence du consentement exprès; il faut l'induire des faits; dans l'espèce, on l'induit de la possession continuée; or, les faits de possession peuvent être équivoques. De là les nombreux procès qui s'élèvent sur la tacite réconduction.

335. Le consentement est nécessaire pour la réconlà que toutes les parties intéressées doivent consentir. duction tout aussi bien que pour le bail exprès. Il suit de S'il y a plusieurs preneurs, ceux-là seuls sont obligés par le nouveau bail qui y ont consenti en continuant leur possession; ceux qui n'ont pas continué de jouir de la chose ne sont pas liés par le nouveau bail qui se forme. I car ils n'y ont pas consenti. Il en est ainsi. alors même que les preneurs auraient été solidaires en vertu du pre mier bail. C'est ce qu'a très-bien jugé la cour de Bruxelles.

(1) Troplong, Du louage, no 447. Pothier, Du louage, no 342.

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