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veau bail qui commence, et ce bail se formant sans écrit, par le fait de la possession, est nécessairement une reconduction tacite (1). L'hypothèse n'est pas prévue textuellement par la loi, elle rentre néanmoins dans les termes de l'article 1738. En effet, il s'agit d'un bail par écrit, puisqu'il est fait pour un terme fixe; ce bail expire en vertu de la convention, puisque la convention permet aux parties d'y mettre fin par un congé; donc on peut dire que le preneur reste et est laissé en possession à l'expiration d'un bail écrit, ce qui est le cas de l'article 1738. La durée du nouveau bail sera donc celle d'une réconduction tacite (n°* 348 et 349).

ARTICLE 2. Du consentement des partios.

351. Toute convention peut être révoquée du consentement mutuel de ceux qui l'ont formée (art. 1134). Ce principe s'applique au bail, dont la résolution volontaire est possible pour l'avenir, à la différence de la vente qui, ayant transféré la propriété de la chose vendue, ne peut être résolue; il peut seulement y avoir une vente nouvelle. Le bail se parfait successivement; rien n'empêche donc les parties d'y mettre fin par leur volonté : il produira ses effets jusqu'au moment où intervient le concours de consentement des parties contractantes, et, à partir de ce moment, il cessera.

Le consentement qui met fin au bail peut être tacite. C'est le droit commun, et la loi n'y déroge point. La volonté des parties peut s'exprimer par des faits aussi bien que par des paroles. Voici un cas qui s'est présenté devant la cour de Bruxelles. Le locataire d'un appartement le quitte, sans donner de ses nouvelles pendant plus de deux mois et sans payer les loyers échus avant et depuis l'abandon du quartier. Le propriétaire en disposa, en faisant changer les serrures. Action du locataire, qui demande à être remis en possession et réclame des dommages-intérêts pour son mobilier que le bailleur avait mis

(1) Paris, 5 avril 1850 (Dalloz, 1850, 2, 157).

dans un grenier. Cette demande fut rejetée en première instance, par le motif que le locataire avait, de fait, renoncé au bail et que le propriétaire avait fait ce que la prudence lui commandait. La décision aurait pu être formulée avec plus de précision, Appel, Le locataire dit que s'il n'a pas rempli ses engagements, ce fait autorisait le propriétaire à demander la résolution du bail en justice, mais qu'il n'avait pas le droit, de son autorité privée, de résoudre le contrat, La cour répond que le premier juge n'avait pas reconnu ce droit au propriétaire, qu'il s'était borné à déclarer qu'il y avait cessation contractuelle du louage, c'est-à-dire résolution par le consentement des parties contractantes: le preneur avait, de fait, abandonné l'appartement loué par mois pendant des mois entiers, sans payer ni offrir les termes échus; c'était manifester la volonté d'y renoncer; dès lors le bailleur avait pu, de son côté, consentir à la résolution (1). Le principe est certain, mais l'application est douteuse. Pouvait-on dire que le preneur renonçait au bail, alors qu'il avait laissé tout son mobilier dans les lieux loués?

352. Comment se fait la preuve du consentement donné par les parties contractantes? D'après le droit commun, puisque la loi n'y déroge pas. Mais quel est le droit commun en cette matière? La question n'est point sans difficulté. D'abord on demande s'il y a lieu d'appliquer à la résolution du bail ce que l'article 1715 dit de la formation du contrat? Ou la preuve testimoniale est-elle admise conformément aux règles générales qui régissent cette preuve? L'affirmative nous paraît certaine; l'article 1715 prohibe

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preuve par témoins quand il s'agit d'un bail fait sans écrit, n'ayant encore reçu aucune exécution lorsqu'il est nié par l'une des parties; c'est une disposition tout à fait exceptionnelle, et, à ce titre, elle est de la plus rigoureuse interprétation. La loi a voulu prévenir les nombreuses contestations qui se seraient élevées sur les baux faits verbalement si la preuve testimoniale avait été admise: une fois que le bail est exécuté et que les parties y met

(1) Bruxelles, 26 juin 1837 (Pasicrisie, 1837, 2, 162).

tent fin par consentement mutuel, ces procès ne sont plus à craindre; on ne se trouve donc plus ni dans le texte ni dans l'esprit de l'article 1715. Cependant la cour de cassation a émis une opinion contraire dans le considérant d'un arrêt; elle dit que le principe de l'article 1715 régit aussi la résiliation du bail (1). Čela est vrai quand le bail est résilié avant d'avoir été mis à exécution; car la preuve de la résiliation implique, en ce cas, la preuve de l'existence du bail verbal; mais si le bail verbal est exécuté, et que l'une des parties prétende qu'il a été résolu par convention verbale, elle se trouve hors du texte de la disposition exceptionnelle de l'article 1715; donc elle peut invoquer ledroit commun.

353. La jurisprudence, dans la matière de la preuve, est presque toujours confuse ou incertaine. On lit dans un arrêt que lorsqu'un bail est fait par écrit, la résolution doit être faite dans la même forme(2); c'est confondre la résolution avec la preuve de la résolution. Il est de principe que les contrats se résolvent comme ils se sont formés, c'est-à-dire par concours de consentement. Mais ce principe ne s'applique pas à la forme dans laquelle le consentement est exprimé. Si le bail était authentique, faudrait-il un acte authentique pour y mettre fin? Non certes. La preuve de la révocation se fera d'après le droit commun, puisqu'il s'agit de prouver un concours de consentement. Quant à l'article 1715, que la cour cite, il est hors de cause.

que

Autre est la question de savoir si l'article 1325 est applicable à l'écrit que les parties dressent pour constater la résiliation du bail. Ainsi posée, la question doit, à notre avis, être décidée affirmativement. Il est vrai l'article 1325 suppose qu'il s'agit de prouver l'existence d'un contrat, mais il en est de même de toutes les dispositions qui se trouvent au chapitre des Preuves; ce qui n'empêche pas ces dispositions d'être générales et de recevoir leur application, même en dehors de la matière des obligations.

(1, Rejet, 18 novembre 1861 (Dalloz, 1861, 1, 121). Comparez Aubry et Rau. t. IV, p. 500, note 24, § 369.

(2) Angers, 3 avril 1818 (Dalloz, au mot Louage, no 526, 2o).

Dès que les parties dressent un acte pour constater un fait juridique, elles doivent observer les formalités de l'article 1325 si le fait constitue une convention synallagmatique, c'est-à-dire un concours de consentement obligatoire pour les deux parties qui figurent à l'acte. Mais de là on ne doit pas conclure qu'il n'y a pas d'autre preuve écrite de la résolution d'un bail qu'un acte fait dans les formes de l'article 1325. La cour de Caen dit que chacune des parties doit avoir la preuve de la convention, ce qui rend l'article 1325 applicable (1). Sans doute, si les parties ont dressé un acte de la résiliation, il doit se faire dans les formes de l'article 1325; mais un acte n'est pas nécessaire; le bail, comme le dit la cour de Bruxelles, n'est pas un contrat solennel, et la résiliation n'est soumise à aucune solennité. Or, on peut prouver un contrat par l'aveu des parties, donc par lettres; et en ce sens, on peut aussi prouver par lettres le concours de consentement qui a pour objet de résoudre le contrat de bail (2).

ARTICLE S. De la résolution du bail pour inexécution des engagements de l'une des parties.

§ Ier. Quand y a-t-il lieu à la résolution?

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354. Le contrat de louage se résout par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements (art. 1741). Cette disposition applique au bail le principe de la condition résolutoire tacite établi par l'article 1184: «La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. » Le code contient des applications du principe dans plusieurs dispositions de notre titre (art. 1722, 1729, 1752,1764, 1766). Il va sans dire que ces cas ne sont pas les seuls dans lesquels l'inexécution des obligations contractées par les parties donne lieu à la résolution du bail; l'article 1184, qui consacre la règle en cette matière, est

(1) Caen, 26 janvier 1824 (Dalloz, au mot Louage, no 526, 1o). (2) Bruxelles, 11 janvier 1853 (Pasicrisie, 1853, 2, 145).

conçu dans les termes les plus généraux, et il en est de même de l'article 1741. Les dispositions qui se trouvent au titre du Louage ne font qu'appliquer les principes qui régissent les contrats synallagmatiques quand l'une des manque à ses engagements; et, en appliquant ces principes, la loi n'entend certes pas y déroger.

Un arrêt de la cour de cassation, rendu au rapport de Lasagni, formule le principe en ces termes : « Si le preneur d'un héritage rural n'exécute pas les clauses du bail, et qu'il en résulte du dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail. Il va sans dire que le même principe s'applique au bail à loyer. La cour exige que l'inexécution des engagements ait causé un dommage à la partie qui demande la résolution; sans intérêt, il n'y a pas d'action, et l'action est fondée sur l'intérêt que le demandeur a à l'exécution des engagements. La cour ajoute que la résolution peut être demandée suivant les circonstances. Nous dirons plus loin que le juge a, en cette matière, un pouvoir d'appréciation très-étendu. Il est difficile de préciser un pouvoir qui est presque discrétionnaire. L'arrêt que nous analysons constate, en fait, que le preneur n'avait pas exécuté les clauses du bail, et qu'en outre il ne pouvait plus présenter aucune garantie pour leur exécution à l'avenir; qu'il en était résulté déjà des dommages pour le bailleur, et que celui-ci demeurait exposé à en éprouver encore d'autres pendant toute la durée du contrat. Puis, la cour conclut que, dans ces circonstances, en déclarant le bail résilié, l'arrêt attaqué avait fait une juste application de la loi (1). Ce sont les circonstances de l'espèce que la cour de cassation constate; il n'en faudrait pas conclure que le droit de résiliation est renfermé dans ces limites. Les détails dans lesquels nous allons entrer expliqueront ce que les termes de l'arrêt paraissent avoir de trop restrictif.

355. Toute inexécution d'un engagement donne lieu à résiliation quand cet engagement peut être considéré comme une condition sous laquelle l'autre partie a con

(1) Reiet. 21 juin 1820 (Dalloz. au mot Louage, no 546).

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