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geait pas de nature pour être écrite dans l'acte (1). Ainsi entendue, elle est inutile, il est vrai; mais de ce qu'elle est inutile, on ne doit pas conclure qu'elle produit un effet contraire à l'intention des parties; les clauses inutiles sont l'œuvre du rédacteur de l'acte ou de l'ignorance des parties qui le rédigent; dans toute hypothèse, la clause n'est pas une condition résolutoire expresse, ni d'après les termes de l'article, ni d'après la volonté des parties contractantes elle est donc régie par l'article 1184.

L'acte porte qu'à défaut par le preneur de se conformer aux prescriptions du bail, le contrat sera considéré comme nul et non avenu. Cette clause présente un léger doute; il n'y est plus question de demander la résolution, les parties s'expriment dans des termes qui paraissent impératifs, donc on pourrait dire que la résolution doit avoir lieu en vertu de leur volonté. Cependant la cour de Gand a jugé, et avec raison, nous semble-t-il, que la clause, telle qu'elle était stipulée, se confondait avec la condition résolutoire tacite de l'article 1184. Dire que le contrat sera considéré comme nul et non avenu, c'est déterminer l'effet de la résolution; et l'effet de la résolution est toujours d'anéantir le contrat, que la condition résolutoire soit expresse ou tacite; cela ne décide donc pas la question de savoir si la résolution doit être demandée en justice, ou si elle opère de plein droit; or, il n'y a que la condition expresse qui opère de plein droit; ce qui suppose une stipulation, et, dans l'espèce, il n'y en avait pas (2). Toutefois il y a doute.

365. La convention porte que les loyers doivent être payés à l'échéance, à peine de résiliation du bail (3). Cette clause est très-usitée; les tribunaux l'interprètent en sens divers, tantôt comme condition résolutoire expresse, tantôt comme condition résolutoire tacite. Comme il s'agit de l'interprétation d'une convention, il faut, avant tout, consulter l'intention des parties contractantes, et, par conséquent, les circonstances de la cause. Ces questions

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se décident difficilement a priori. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la clause en elle-même n'est pas une condition résolutoire expresse. Dire que les loyers doivent être payés à l'échéance, à peine de résiliation, c'est dire quelle est la conséquence de l'inexécution de l'engagement du preneur; cette conséquence est la résolution du bail; le mot peine n'ajoute rien à cet effet de la clause; toute résolution est une peine, celle que le juge prononce a ce caractère encore plus que celle que les parties stipulent, car c'est le juge qui d'ordinaire prononce la peine de la résolution, à moins que les parties n'aient fait, à cet égard, une stipulation dans l'acte; et, dans l'espèce, elles ne s'expliquaient point sur la manière dont la résolution opérerait, il n'y avait donc pas de condition résolutoire expresse. Le tribunal d'Anvers l'a jugé ainsi par un jugement bien motivé que la cour de Bruxelles s'est bornée à confirmer (1).

La même cour a jugé en sens contraire dans l'espèce suivante. Il était dit dans l'acte que le preneur payerait le fermage annuellement au jour de l'échéance, au plus tard dans les six semaines, entre les mains du bailleur, à peine de résiliation du bail, si le bailleur le désire. De plus, une clause générale portait qu'aucune des conditions du contrat ne pourrait être regardée comme comminatoire, étant toutes de rigueur. La cour reconnaît que les clauses de résiliation peuvent varier et produire des effets différents d'après les termes dans lesquels elles sont conçues. Dans l'espèce, dit-elle, il était expressément stipulé que la clause serait de rigueur (2). Il nous reste un doute; c'est que la clause ne portait pas sur la manière dont la résolution opérerait ses effets, elle ne contenait aucune disposition expresse à cet égard; en ajoutant à la peine si le bailleur le désire, elle paraissait exiger une manifestation de volonté, ce qui exclut la condition résolutoire expresse proprement dite.

(1) Bruxelles, 1er août 1865 (Pasicrisie, 1866, 2, 28).

(2) Bruxelles, chambre de cassation, rejet, 19 novembre 1818 (Pasicri sie, 1818, p. 212). Comparez Bruxelles, 11 août 1854 (Pasicrisie, 1855. 2,

Si le contrat contient une expression qui implique que la résolution dépend de la seule volonté du bailleur, alors il n'y a plus de doute : les parties ont entendu exclure l'intervention du juge. Ainsi jugé par la cour de Bruxelles. Laclause portait que le fermage devrait être payé au plus tard trois mois après l'expiration de chaque année, à peine de déchéance, et le fermier obligé de déguerpir sans contredire, s'il plaît au bailleur. Ces derniers mots ne laissaient aucun doute; le fermier devait quitter, par cela seul que le bailleur le voudrait, sans contredire, c'est-à-dire sans réclamer en justice. L'arrêt semble dire que toute clause de résiliation insérée au contrat est une condition résolutoire expresse (1): cela est beaucoup trop absolu, tout en cette matière dépendant de l'intention des parties, et cette intention n'est pas toujours de mettre fin au contrat par la seule volonté du bailleur. Si tel est l'intérêt du propriétaire, tel n'est certes pas l'intérêt du fermier; or, c'est l'intention des deux parties contractantes qu'il faut consulter pour interpréter leurs conventions.

366. Si l'intention du bailleur est que le bail soit résolu à sa volonté, sans intervention du juge, il doit le stipuler d'une manière expresse. Telle est la clause portant que le bailleur pourra, si bon lui semble, résilier le bail de plein droit, sans qu'il soit besoin d'autres formalités préalables qu'un simple commandement pour constater le défaut de payement. Une clause pareille ne laisse aucun doute; cependant les décisions des tribunaux ont, même dans cette hypothèse, quelque chose d'incertain. La cour de Liége dit que le fermier n'avait pas offert de payer les fermages échus avant le commandement, ni prouvé qu'il lui eût été impossible d'effectuer lesdits payements (2). Ces derniers mots sont de trop. Quand il y a clause expresse de résolution, le juge n'est plus appelé à intervenir; dès qu'il est constant que les fermages n'ont pas été payés, et que la volonté du bailleur de résilier le

(1) Bruxelles, 11 février 1820 (Pasicrisie, 1820, p. 49 et mon t. XVII, p. 176, no 159). Comparez Bruxelles, 11 juillet 1872 (Pasicrisie, 1873, 2, 151). (2) Liége, 1er août 1810 (Dalloz, au mot Louage, no 335, 4o).

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contrat est déclarée dans les formes prévues par l'ac le bail est résolu; si le preneur conteste, le juge doit borner à constater que le contrat est résolu par la volor des parties (1).

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Un autre arrêt paraît donner dans un excès contrair il interprète l'article 1741 en ce sens que le bail sera résolu en vertu du contrat, dès qu'il s'y trouve une claus de résiliation (2). L'article dit, à la vérité, que le contra de louage est résolu, il ne dit pas qu'il pourra se résoudre; mais la loi, au titre du Louage, ne fait que reproduire les principes généraux sur les obligations, et ces principes exigent une clause expresse, pour qu'il y ait lieu à la résolution sans intervention du juge. Nous n'insistons pas, parce que les principes sont certains; c'est parce que la jurisprudence les méconnaît, que nous devons les rappeler, afin que l'on n'accorde pas aux arrêts une autorité qu'ils ne méritent point.

367. Les parties ne sont pas obligées d'employer la formule légale et de dire que le contrat sera résolu de plein droit si le preneur ne satisfait pas à ses engage ments. Il y a des expressions plus significatives encore, parce qu'elles font dépendre la résolution de la seule manifestation de volonté du bailleur. Ainsi la clause porte que, en cas du moindre défaut de la part du preneur, le bail cessera ses effets, et que les bailleurs pourront remettre les mains à la chose louée, au moyen d'un simple congé, sans observer aucune formalité. C'est dire clairement que le bailleur, par un simple acte de volonté, peut faire déguerpir le preneur, sans recourir à la justice. Telle étant la loi des parties, il n'est pas permis au juge d'intervenir (3).

Quand les clauses équivalent-elles à une condition résolutoire qui résout le contrat de plein droit? C'est une question de fait que les tribunaux décident avec plus ou moins de sévérité, selon la faveur ou la défaveur de la cause. Il est stipulé dans un acte de bail que le prix sera

(1) Liége, 22 janvier 1859 (Pasicrisie, 1859, 2, 214).
(2) Dijon, 31 juillet 1817 (Dalloz, au mot Louage, no 335, 4o).
(3) Liege, 9 novembre 1819 (Pasicrisie, 1819, p. 482).

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payé dans les six semaines après le jour de l'échéance, et que les conditions du contrat sont de rigueur. Il a été 1 jugé que cette condition est expresse et qu'elle entraînait la résiliation du contrat en vertu de la volonté des parties. Cela serait plus que douteux, en théorie; ce qui a peut-être déterminé les juges, c'est que les circonstances étaient très-défavorables au preneur (1). La cour de Bruxelles a encore considéré comme une condition résolutoire expresse la clause portant que, en cas de nonpayement des fermages au jour de l'échéance, la ferme serait relouée à la folle enchère du preneur; l'acte disait de plus que toutes les clauses y reprises étaient de rigueur (2). Nous n'entendons pas critiquer les arrêts dans les questions de fait, cela est inutile; il nous semble cependant que les tribunaux attachent trop d'importance à la clause de rigueur que les rédacteurs des baux y insèrent; elle ne veut dire autre chose sinon que la clause n'est pas comminatoire, comme elle l'était dans l'ancienne jurisprudence, mais elle n'exclut pas l'intervention du juge.

368. La clause porte que le bail sera résolu de plein droit, ou une expression équivalente. Quel en sera l'effet? D'après les principes que nous avons exposés au titre des Obligations, il faut toujours une manifestation de volonté, puisque le bailleur a le choix entre la résolution du contrat et son exécution. Dans quelle forme doit-il déclarer sa volonté? Faut-il une sommation? En principe, non; car il ne s'agit pas de mettre le preneur en demeure, il s'agit uniquement de déclarer la volonté du bailleur de mettre fin au bail. Il est stipulé qu'à défaut de payement du prix dans les trois mois qui suivront l'échéance, le bail sera résilié de plein droit, sans aucune formalité de justice. La cour de Poitiers a jugé que, dans ce cas, il ne fallait ni sommation, ni mise en demeure; il suffit qu'il soit constant que les loyers n'ont pas été payés, et que le bailleur veut la résolution (3).

(1) Bruxelles, 1er juillet 1817 (Fasicrisie, 1817, p. 440).
(2) Bruxelles, 8 février 1815 (Pasicrisie, 1815, p. 308).

(3) Poitiers, 4 février 1847 (Dalloz, 1847, 2, 113). Comparez Liege, 17 décembre 1842 (Pasicrisie, 1843, 2, 131).

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