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n'y a qu'un moyen de rendre les livrets obligatoires comme clauses conventionnelles, c'est de les faire souscrire par tout expéditeur. Cela offre bien des inconvénients dans la pratique; le législateur pourrait les prévenir, en soumettant les règlements des compagnies à l'approbation du roi, et en ordonnant de les publier dans la forme des arrêtés royaux. Telle est la législation française; les cahiers des charges contenant les conditions auxquelles se font les transports, sont annexés aux lois et décrets qui accordent la concession; ils sont publiés dans la forme prescrite pour la publication des lois, et acquièrent par là une autorité légale. Il est de jurisprudence constante que les cahiers des charges ont force de loi pour et contre les compagnies concessionnaires (1). On en déduit une conséquence importante; c'est que les compagnies et les tiers qui contractent avec elles ne peuvent déroger aux conditions du transport par des conventions particulières (2). La cour de cassation ne donne pas de motif à l'appui de cette décision. Comme, en matière de contrats, il est permis aux parties intéressées de déroger aux lois, en tant que l'ordre public et les bonnes mœurs n'y sont pas intéressés, on pourrait croire que les compagnies et les voituriers ont le droit de faire des conventions contraires au cahier des charges. Mais, d'une part, les compagnies sont des personnes civiles dont la capacité est strictement limitée par la loi de concession qui leur donne l'existence, et, d'autre part, les clauses du cahier des charges intéressent l'ordre public, puisque c'est dans un intérêt social que la loi permet de concéder l'exploitation des chemins de fer à des compagnies; on en conclut qu'un service public ne peut être détourné de son objet par des conventions particulières.

552. Il résulte de ce principe des conséquences importantes en ce qui concerne les clauses de non-garantie. Nous avons dit en quel sens ces clauses sont valables, d'après notre législation, quand les chemins de fer sont

(1) Cassation, 19 janvier 1858 (Dalloz, 1858, 1, 62); 27 mars 1866 (Dalloz, 1866, 1, 150).

(2) Cassation. 26 juillet 1871 (Dalloz, 1871, 1, 234).

exploités par l'Etat ou par des compagnies. Le principe français conduit à une doctrine toute différente. Les compagnies et ceux qui traitent avec elles sont liés par le cahier des charges : c'est leur loi, ils ne peuvent faire que ce que la loi leur permet de faire. Or, d'après les cahiers des charges, il n'est permis aux compagnies de stipuler qu'elles ne sont pas tenues de l'avarie, que pour cause de mauvais emballage; dans cette limite, la clause de nongarantie est valable. La cour de cassation en conclut qu'il est interdit aux compagnies de stipuler la non-garantie en cas de bon emballage. Cette décharge, dit très-bien la cour, ouvrirait la porte à de graves abus, encouragerait la négligence des employés du chemin de fer, rendrait inutile la protection dont la loi a voulu entourer les expéditeurs; et, de plus, il en résulterait pour les compagnies un avantage illicite, puisque les prix de transport des colis sont fixés par les tarifs, eu égard à l'obligation dont elles sont tenues de répondre des avaries. Dans l'espèce, les expéditeurs avaient signé un bulletin de garantie qui déchargeait la compagnie. La cour a déclaré cette décharge nulle, en confirmant le jugement qui condamnait la compagnie à indemniser les expéditeurs (1).

553. C'est dans ce sens qu'il faut entendre les dispositions des tarifs portant sans garantie pour avaries de route. Il a été jugé que cette stipulation n'affranchit la compagnie de la responsabilité que pour les avaries qui proviennent du vice propre de la chose, la compagnie restant tenue de toute autre avarie, en vertu des principes de l'article 1784. La compagnie doit, par conséquent, prouver que l'avarie provient d'un cas fortuit, quand ce n'est pas par le vice propre de la chose que celle-ci a péri ou a été avariée; le principe de l'article 1784 reste applicable, parce qu'il n'est pas permis aux parties d'y déroger. Et dans le système de la législation française, telle que la cour de cassation l'interprète, la dérogation est défendue, par cela seul que le tarif nela permet point (2).

(1) Rejet, chambre civile, 26 janvier 1859, 1, 66). Dans le même sens, Caen. 20 avril 1864 (Dalloz, 1865, 2, 183).

(2) Rejet, 26 mars 1860 (Dalloz, 1860, 1, 269). Rejet. chambre civile, 24 avril 1865 (Dalloz. 1865, 1, 215).

554. Il y a des cas où les tarifs autorisent des stipulations de non-garantie; ces clauses sont valables, puisque les tarifs ont force de loi. Il est dit dans un tarif que la compagnie n'est pas responsable de la perte ou de l'avarie des sacs vides ou autres emballages transportés en retour et gratuitement. La cour de cassation a jugé que la clause est valable, parce que les conditions que contiennent les tarifs sont légalement obligatoires pour les expéditeurs comme pour les compagnies; tandis que ces clauses de non-garantie seraient nulles si elles n'étaient pas autorisées par le tarif. Mais il ne faut pas entendre les clauses de non-garantie en ce sens que les compagnies ne seraient pas responsables de la faute de leurs agents. Les clauses dérogent seulement à l'article 1784, en vertu duquel les compagnies répondent de la perte et de l'avarie, à moins qu'elles ne prouvent le cas fortuit qui a fait périr la chose ou qui l'a avariée. La clause de non-garantie a pour but de mettre à charge de l'expéditeur la preuve que la perte ou l'avarie est provenue de la faute de la compagnie (1).

555. On voit que la législation et la jurisprudence française conviennent avec notre droit, en ce qui concerne l'obligation qui incombe au voiturier, quel qu'il soit, de répondre de sa faute. Et on entend par faute un fait de négligence dont le voiturier se rend coupable. La convention peut seulement déroger à l'article 1784, qui décide une question de preuve d'après la législation française, cette dérogation n'est autorisée que dans les cas prévus par les tarifs; d'après notre droit, il faut distinguer entre les compagnies et l'Etat; les compagnies restent sous l'empire du droit commun, 'elles peuvent toujours et dans tous les cas, déroger au principe de l'article 1784, mais elles doivent prouver que l'expéditeur a consenti à ces clauses exceptionnelles; tandis que ceux qui traitent avec l'Etat sont censés connaître les tarifs, quand ils sont légalement publiés.

(1) Cassation, 14 février 1874 (Dalloz, 1874, 1, 305).

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TABLE DES MATIÈRES.

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TITRE IX (tre VIII du code civil). DU CONTRAT DE LOUAGE.

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et l'usufruit.

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